Simplicité de la philosophie du libre-échange

Pour les partisans de l’ouverture économique, les situations les plus avantageuses pour l’individu dans le cadre de ses échanges économiques avec le reste de la société le sont également pour des nations entières dans leurs rapports avec les autres nations.

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Simplicité de la philosophie du libre-échange

Publié le 16 juillet 2023
- A +

Par Hadrien Gournay.

Soutenir que la simplicité serait la marque des raisonnements favorables à l’ouverture des frontières aux produits étrangers peut étonner.

Les convictions inverses ne sont-elles pas largement plus populaires ?

L’idée selon laquelle substituer des importations à une production nationale revient à accroître le chômage semble à beaucoup une évidence de bon sens. À l’inverse, la théorie des avantages comparatifs qui a joué un rôle majeur dans la défense du libre-échange est ignorée ou mal comprise.

Pourtant, les raisonnements favorables au libre-échange ont l’avantage sur les analyses correspondantes des protectionnistes. Elle sont valables quelle que soit la taille de la société susceptible d’être ouverte à l’échange. Pour les partisans de l’ouverture économique, les situations les plus avantageuses pour l’individu dans le cadre de ses échanges économiques avec le reste de la société le sont également pour des nations entières dans leurs rapports avec les autres nations.

Il est possible de le montrer dans deux domaines :

  1. La différence revenus-consommation à comparer sur le plan international à la différence exportations-importations (c’est la balance commerciale).
  2. Pour les individus et les nations, le niveau du point d’égalité entre les deux mesures (autrement dit le niveau de la plus petite des deux mesures).

 

Exemple : un individu travaille et vend des services à d’autres individus et achète en retour d’autres produits et services. Il gagne 40 000 euros dans l’année et en dépense 30 000. La différence revenus – consommation sera de 10 000 euros et le niveau du point d’égalité sera de 30 000 euros (ses revenus qui sont plus petits que sa consommation). Les mêmes principes s’appliquent au commerce international.

 

Différences entre entrées et sorties

Pour un individu : différence revenus – consommation

Sa satisfaction sera accrue à mesure de la supériorité de sa consommation sur ses revenus.

Un solde revenus–consommation excédentaire impliquerait d’avoir travaillé pour rien durant la période ou de s’être privé de certaines jouissances (selon que l’on considère que la situation d’équilibre standard devrait correspondre à moins de travail et de revenus ou à davantage de consommation). À l’inverse, un solde négatif, associé soit à plus de consommation sans travail supplémentaire, soit à une diminution de travail pour la même consommation, serait favorable.

En revanche, la prise en compte d’une période de temps plus longue conduirait à une conclusion opposée. Le comportement maximisant sa satisfaction sur la période initiale sera défavorable sur les périodes ultérieures – et inversement.

Pour un pays : différence importation – exportation

Ce qui est évident lorsque l’analyse prend pour objet des individus ne l’est plus lorsqu’elle se rapporte à des pays entiers. Alors que les protectionnistes encouragent une balance commerciale positive (un excès des exportations), leurs adversaires s’y opposent.

Pour les partisans du libre-échange, des exportations supérieures aux importations signifieraient que les consommateurs étrangers ont tiré profit d’un travail supplémentaire gratuit des locaux, ou bien qu’il leur a été donné la jouissance d’une production auparavant destinée à la consommation nationale.

Si la richesse monétaire du pays exportateur exprimée en monnaie est devenue plus grande, ce n’est pas le cas de sa consommation réelle. Sans augmentation de la production intérieure ni des importations étrangères, les richesses disponibles n’ont pu s’accroître et la population aura vu sa consommation stagner dans l’hypothèse la plus optimiste.

Dans le cas où les exportations correspondraient à un travail supplémentaire, l’afflux de monnaie affecté à la consommation nationale sera neutralisé par la hausse des prix.

Dans celui où elles remplaceraient une production tournée vers la consommation nationale, la hausse des prix serait même plus importante que celle de la monnaie en circulation et la consommation réelle serait diminuée par rapport à la situation antérieure.

Toutefois, comme pour un individu, les conséquences seraient inversées à plus long terme : le pays exportateur aurait davantage de devises pour consommer à l’étranger. Il reste que sur une période considérée il est préférable que les importations soient le plus possible supérieures aux exportations.

La manière dont les partisans du libre-échange conçoivent les bienfaits de l’échange pour une nation sont donc les mêmes que pour un individu.

Tel n’est pas le cas des protectionnistes, selon qui les règles applicables à un cas ne valent pas dans l’autre.

Pour eux, le résultat de cette différence devrait être négatif, et le plus important possible en ce sens. Des importations supérieures exposeraient au contraire le pays qui les connaîtrait à un chômage accru. Dans le cadre défini par ces adeptes de ce que nous pourrions appeler « la théorie de la balance commerciale », les intérêts des nations sont antagonistes et le seul résultat d’un monde où de telles conceptions seraient partagées par tous les gouvernements serait l’autarcie généralisée.

 

Niveau du point d’égalité

Pour l’individu, plus le niveau du point d’égalité entre les deux grandeurs (revenus et consommation) sera élevé, plus sa situation sera favorable.

Il sera préférable de gagner 130 000 euros et d’en dépenser autant que de gagner 100 000 euros et d’en dépenser autant. Pour les nations, le point d’égalité entre importations et exportations libres doit être le plus élevé possible en application de la théorie des avantages comparatifs.

Aux yeux des défenseurs du libre-échange, participer à la division du travail est vecteur d’enrichissement et les enjeux de la division internationale du travail ne sont pas différents de la manière dont un individu s’insère économiquement à la société.

Le lecteur pointilleux remarquerait cependant certaines différences entre les situations de la nation et de l’individu.

Il noterait tout d’abord que davantage de revenus n’est pas toujours associé à plus de travail mais à une meilleure productivité ou à la capacité à convaincre les consommateurs de l’utilité de ses produits.

Il ferait valoir ensuite que lorsque travailler davantage permet de gagner davantage, l’utilité marginale décroissante de ses revenus couplée à la « désutilité » croissante de son travail, peut conduire à un moment où un autre à limiter son activité et le point d’égalité le plus élevé ne serait pas toujours préférable.

Cette difficulté n’existe pas à l’échelle d’un pays, car l’activité correspondant à la division internationale du travail aura plutôt tendance à se substituer à une activité productive à destination interne préalable.

Pour l’individu, il s’agit d’un choix entre travailler et ne rien faire ; pour la nation, entre échanges nationaux et division internationale du travail. Remodeler la définition du « niveau d’égalité » pour l’individu permettrait de rééquilibrer les termes de la comparaison.

Il faudrait raisonner en termes de substitution entre « travail destiné à l’autoconsommation » (donc excluant la division du travail) et travail dans le cadre de la division du travail. Le nombre d’heures de travail conduisant à la satisfaction optimale de l’individu en dehors de toute division du travail serait pris pour base du total travaillé par l’individu, total d’heures travaillées se répartissant entre ce travail pour soi, hors de la division du travail et travail dans le cadre de la division du travail. Plus le niveau du point d’égalité révèle une substitution importante (plus l’insertion dans la division du travail est importante) plus la situation est favorable.

Dans tous les cas, la conclusion est la même : sur la base des décisions libres des individus, l’insertion à un ensemble économique plus vaste est toujours favorable.

Il est plus difficile que dans la première partie de relever chez les protectionnistes une différence d’approche entre individus et pays entiers car ils n’ont pas forcément une vue unique sur la question du rapport entre l’intérêt national et l’ouverture à l’échange.

Prenons l’exemple de ceux qui critiquent le libre-échange dans le cadre des stratégies de développement des pays à faible revenus.

Certains insistent particulièrement sur des politiques favorables aux exportations comme stratégie de développement ; et même si la question de l’importance des échanges avec l’extérieur est négligée dans leur réflexion au profit de celle de la balance commerciale, celle-ci s’inscrit dans un cadre où l’échange extérieur est plutôt source de progrès. D’autres, s’appuyant sur un schéma d’industrialisation et de développement que tous les pays devraient suivre, défendent des politiques de substitution de la production nationale aux importations. Dans ce cadre d’analyse, l’autarcie est désirable par elle-même, la question de la balance commerciale étant secondaire. Dans ce cas, ce qui vaut pour un individu ne vaut pas pour un pays.

Une problématique un peu différente met encore en évidence ces différences des protectionnistes et des défenseurs de l’ouverture des frontières à l’échange. Au lieu d’imaginer une entité quelconque (individu ou pays) s’ouvrant à l’extérieur, la question posée consisterait à donner le nombre et la taille des divisions de l’économie mondiales préférables pour tous, sachant que toutes les unités seraient de même taille. La réponse est que les divisions devraient être le moins nombreuses possible.

L’idéal serait un monde sans barrières et la pire des solutions serait une économie sans division du travail avec autant de barrières que d’individus. On constate encore la simplicité des principes du libre-échange puisqu’ils s’appliquent de la même manière à toutes les échelles.

Rien de tel avec le protectionnisme.

Article publié initialement le 15 décembre 2013.

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  • La situation de la France, vers le fin du Moeyn-Age, est l’illustration flagrante du peu d’intérêt de la balance commerciale.

    C’est l’époque où les bateaux phéniciens et autres ne cessent de décharger des épices et autres merveilles de l’Orinet destinées à la France … et repartent pratiquement à vide, nos productions ne les intéressant pas.

    Or, que voit-on ? L’économie française se développe vertigineusement : des sociétés de commerce et de distribution, de la logistique (il faut irriguer tout le pays de ces produits), des transports, de chevaux, des relais de Poste, des magasins spécialisés et les Bourses … Une période de grande surchauffe économique !

    Bien entendu, cela donne l’idée, non plus de se faire livre ces marchandises, mais d’aller les chercher soi-même : c’est alors l’effervescence des chantiers navals, qui vont réaliser des gains de performance remarquables en termes de capacité de charge, et de performances des bateaux.

    Et quand viendront les « grandes découvertes », la France disposera d’une technologie et d’une flotte enviables.

    Si la France avait été protectionniste, elle n’aurait jamais connu cette magnifique évolution.

    •  » les bateaux phénicien à la fin du moyen-age  »

      etes-vous sur de ne pas confondre avec les bateaux vénitien ou gènois ?

    • Faut quand même en tenir une couche pour braver les dangers d’un voyage maritime, apporter plein de marchandises précieuses, et repartir à vide.

  • Mr le prof! SI tous le monde est exportateur vers qui on exporte?(ok je sors)

    -1
  • un type comme jeancovici se donne pour objectif ou critère le commerce extérieur..ou le taux de chomage.

    il y a une raison non valable en soi mais rationnelle parfois de limiter le libre échange c’est la survie du pays en tant que nation…

  • Rien à redire.
    Sauf sur la forme. J’invite à la modestie pour qualifier le libre échange.
    Le libéralisme est une philosophie. Le libre échange n’est qu’une politique.

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