Argentine : les faillites économiques ne se font pas en un jour

Les dégâts causés par la politique économique interventionniste de Cristina Kirchner en Argentine mettront du temps à être visibles. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’existent pas.

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Argentine : les faillites économiques ne se font pas en un jour

Publié le 4 novembre 2013
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Par Nicolás Cachanosky (*).
Un article du Mises Institute, traduction Vladimir Vodarevski/Institut Coppet.

Cristina Fernandez de Kirchner, présidente de l'Argentine
Cristina Fernandez de Kirchner, présidente de l’Argentine

Le dimanche 6 octobre 2013, La Nación, le principal quotidien conservateur argentin, a publié un éditorial non signé comparant l’économie argentine à celle du Venezuela. La conclusion de l’éditorial est que, en même temps que la liberté économique décline en Argentine, et que le pays adopte beaucoup de ce que Chavez appelait ”le socialisme du vingt-et-unième siècle“, l’Argentine ressemble incroyablement de plus en plus au Venezuela. Cela est-il vrai ? Est-ce que l’Argentine va connaître le même destin que le Venezuela, où la pauvreté augmente et où le papier toilette peut être un luxe ?

En fait, les points communs dans les politiques de régulation et les problèmes économiques auxquels les deux pays font face sont frappants, même s’il y a d’évidentes différences. Pourtant, quand les gens sont confrontés à ces similitudes, il est courant de les entendre répondre quelque chose du genre « mais l’Argentine n’est pas le Venezuela, nous avons plus d’infrastructures et de ressources. »

Cependant, les changements institutionnels définissent le destin à long terme d’un pays, et non sa prospérité à court terme.

Imaginons que Cuba et la Corée du Nord deviennent, en une nuit, les économies de marché les plus libres au monde, et les gouvernements les moins interventionnistes. Les deux pays profiteraient immédiatement des libertés civiles et de la liberté économique, mais ils auraient encore à accumuler de la richesse et à développer leurs économies. Le changement institutionnel affecte immédiatement la situation politique, mais une nouvelle économie requiert du temps pour prendre forme. Par exemple, quand la Chine a ouverts des pans de son économie au commerce international, la croissance est arrivée, et nous voyons aujourd’hui les effets de décennies d’une relative libéralisation économique. Il est vrai qu’il y a un manque criant de liberté dans de nombreux domaines en Chine, mais le pays serait très différent aujourd’hui s’il avait refusé de changer ses institutions des décennies plus tôt.

Le même processus se produira si les pays les plus riches et les plus développés adoptent les régimes cubain ou nord-coréens du jour au lendemain. La prospérité et le capital ne vont pas s’évanouir en 24 heures. Le pays passerait de l’accumulation à la consommation de capital, et cela pourrait prendre des années, voire des décennies, pour vider les caisses. Pendant ce temps, le gouvernement aurait les moyens de jouer le jeu du socialisme populiste bolivarien (comme au Venezuela), et profiterait de la richesse, des autoroutes, des infrastructures électriques, et des réseaux de communications qui sont le résultat d’une politique passée plus favorable à la libre économie de marché.

Finalement, pourtant, les autoroutes commencent à pâtir du manque de maintenance (ou les trains à se crasher dans les gares, tuant des dizaines de passagers), le secteur de l’énergie commence à faiblir, les importations d’énergie deviennent inévitables, les réseaux de communication deviennent obsolètes. En d’autres mots, le populisme économique est financé par les ressources accumulées par des politiques non populistes.

Selon le classement du Fraser Institute, l’Argentine se classait à la 34ème place en termes de liberté économique en 2000. En 2011, elle est tombée à la 137ème place, derrière des pays comme l’Équateur, le Mali, la Chine, le Népal, le Gabon et le Mozambique. Il n’y a pas de doute que l’Argentine bénéficie d’un niveau de développement et de richesse plus élevé que ces pays. Mais, pouvons-nous être certain que la situation sera la même dans 20 ou 30 ans ? La présidente argentine est connue pour avoir dit qu’elle voudrait que l’Argentine soit un pays comme l’Allemagne, mais le chemin pour devenir comme la Suisse ou l’Allemagne implique d’adopter la politique de la Suisse ou de l’Allemagne.

imgscan contrepoints 2013-2331 Argentine

L’adoption d’une politique de type vénézuélienne en Argentine s’est accompagnée de taux de croissance élevés. Ces taux de croissance, cependant, sont trompeurs.

Primo, la croissance économique, à proprement parler, n’est pas une augmentation de la « production », mais une augmentation des « capacités de production ». La croissance observée dans le PIB après une importante crise économique est une reprise économique, non une croissance économique à proprement parler.

Secundo, on peut accroître les capacités de production en investissant dans de mauvaises activités. Un lourd contrôle des prix, comme il y a en Argentine (désormais accompagné par de forts taux d’inflation), perturbe l’allocation de ressources en affectant les prix relatifs. On peut voir et même toucher le nouvel investissement, mais un tel capital est le résultat d’une illusion monétaire. Le concept économique de capital ne dépend pas de la tangibilité ni de la taille de l’investissement (les caractéristiques physiques), mais de sa valeur économique. Quand vient le temps de l’ajustement des prix relatifs aux préférences réelles des consommateurs, et de la chute de la valeur de marché du capital physique, le capital est consommé ou détruit en termes économiques même si sa quantité physiques, tangible, reste inchangée.

Tertio, la production peut augmenter non en raison d’une augmentation des investissements, mais parce que les gens consomment le capital investi. C’est le cas d’une production qui augmente, tandis que les équipements industriels et les infrastructures s’usent jusqu’à la trame.

Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a pas une part de véritable croissance en Argentine, mais il reste qu’une part non négligeable de la croissance du PIB argentin peut être expliquée par : (1) la reprise économique, (2) une mauvaise affectation des investissements, et (3) la consommation de capital. Si ce n’était pas le cas, la création d’emplois ne serait pas en train de stagner, et les infrastructures du pays devraient être resplendissantes au lieu de tomber en pièces.

La plupart des économistes et des analystes politiques semblent avoir une lecture superficielle des données économiques. Une économie est en bonne santé si les données économiques apparaissent comme étant bonnes, le PIB croît, et l’inflation est faible. Mais le fait que les indicateurs économiques que nous observons soient bons n’implique pas que l’économie soit en bonne santé. Il y a une raison pour qu’un médecin exige des tests d’un patient qui paraît en bonne santé. Se sentir bien ne signifie pas ne pas avoir une maladie qui ne montre aucun symptôme évident sur le moment. L’économiste qui refuse d’avoir un œil plus averti et de voir pourquoi le PIB croît est comme un docteur qui se refuserait d’examiner attentivement son patient. La patiente Argentine a attrapé la maladie bolivarienne, mais les symptômes les plus douloureux ne sont pas encore visibles.

Source : Economies are not destroyed in a day, de Nicolas Cachanosky, paru sur le site du Ludwig von Mises Institute le 25 octobre 2013.  Article qui est une traduction et une version étendue d’un article original publié dans Economia para todos.

(*) Nicolás Cachanosky prépare un doctorat en économie à Suffolk University.

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  • N’y a-t-il pas aussi une illusion de la croissance à cause de l’inflation officielle incorrecte ? En effet, la croissance du PIB réelle est la croissance du PIB nominale – l’inflation il me semble. Donc une inflation sous estimée conduirait à une croissance surestimée.

    • Le conditionnel est ici superflu.

      Il s’agit bien d’une règle mathématique.

      L’évolution du PIB est calculée en prix constants, en appliquant ce qu’on appelle le « déflateur » (qui est peu ou prou le CPI, c’est à dire le taux d’inflation).

      Le lien est automatique : vous manipulez à la baisse le déflateur… votre « croâssance » augmente.

      Miraculeux.

      Voilà pourquoi les évolutions du PIB, et le PIB lui-même sont grotesques :
      -le PIB est trop synthétique

      -le PIB constant est encore plus synthétique puisque lui même dépendant d’un indice hyper synthétique (le CPI)

      Bref, c’est un truc pour gogos, dont les politiciens verreux raffolent.

      Et au passage, voir un type comme Moscovici (ou les journalistes) gloser sur une « croâssance » du PIB en France… à la décimale près (!!!) c’est triste à pleurer.

      Mais plus c’est gros, plus c’est beau pour les gogos, les bobos et les veaux.

      Anyway. Dans le cas de l’Argentine, les manips sont encore plus grossières.

      Il est triste de voir ce pays, qui était la perle dans les années 30 (le paris de l’amérique latine), être devenu une vulgaire république bananière aux mains de dégénérés, sans aucune éducation.

      Il suffit de voir la gueule du ministre de l’économie, Hernan Lorenzino, lors d’une interview TV fameuse.

      http://tinyurl.com/ctqwfo5

      http://www.youtube.com/watch?v=EkHGLkCYnMY

      Regardez bien ses yeux, à la question au sujet de l’inflation : ce type est tout simplement totalement crétin.

      Il n’y a pas d’autre mot.

      Con comme la lune. Et en plus craintif.

      Donc, vraiment, grosse tristesse pour les argentins qui sont dirigés par des mafieux bas de plafond.

  • Une illustration de cette consommation de capital : les abattages de femelles suite aux restrictions imposées aux éleveurs ont pour un temps augmenté la production de viande, mais à moyen terme ont eu pour effet de voir la production chuter et l’Argentine n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était en termes d’exportation. La politique interventionniste de Kirshner a fait que les « moules à veaux » ont été détruits en bonne partie !
    Sans pour autant que le but de l’interventionnisme, à savoir assurer à un prix accessible, l’approvisionnement domestique soit atteint : de plus de 65 kg de bœuf par an en moyenne par habitant naguère, ils sont passés à moins de 56 kg !

  • Cet article est un cours ! bravo

  • Comme on dit d’un diva vieillissante, l’Argentine a « de beaux restes », mais sa dégradation semble inexorable.

    C’est un peu le bal sur le pont du Titanic …

    Le malheur, c’est que l’économie a des effets retard, mais que les gens vivent dans l’immédiat.

    Partout, la droite ne revient aux affaire que quand tout va mal, et si tout n’est pas réglé en 3 mois, le peuple s’impatiente et crie à la maltraitance …

    Même en Russie, on trouve encore une foule de nostalgiques du communisme !

    • la dernière fois que la droite est revenu aux affaires en france, c’etait quand ?

      • yeneralalcazar: « la dernière fois que la droite est revenu aux affaires en france, c’etait quand ? »

        Ces termes de droites et gauches ne veulent strictement rien dire. On pourrait plutôt opposer le contrôle et l’interventionnisme d’état à la liberté.

  • Je crains que que ce genre de « politiques » se rependent à travers le monde…

  • Elle parlait d’un rapprochement avec l’Allemagne de l’Est.

  • Salut Georges. Grace à toi et à tes affirmations gratuites teintées de mots clés efficaces (on a eu droit à ultra ET néo libéral….), nous nous endormirons moins bêtes ce soir. Moins bêtes sur les arguments socialistes, entendons-nous.
    Ah, au fait, puisque l’Argentine est super chouette, vas-y. Et restes-y.
    Pauvre homme.

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