Audiovisuel public : le retour du CSA

Le projet de loi voté le 2 octobre par le Sénat rend au CSA son rôle moteur dans l’organisation et le contrôle de l’audiovisuel public.

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Audiovisuel public : le retour du CSA

Publié le 8 octobre 2013
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Le projet de loi voté le 2 octobre par le Sénat rend au CSA son rôle moteur dans l’organisation et le contrôle de l’audiovisuel public.

Par Roseline Letteron.

Après l’Assemblée nationale, le Sénat a voté, le 2 octobre 2013, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public. Dès lors que le gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur ces textes, ce qui signifie qu’il n’y a qu’une seule lecture, ils seront bientôt définitivement adoptés, après la réunion de la Commission mixte paritaire chargée de mettre au point leur rédaction définitive. Cette dernière étape de la procédure législative ne devrait cependant conduire à aucune modification substantielle du texte.

Précisons d’emblée que cette dualité de textes est imposée par la règle du parallélisme des procédures. La loi organique a pour unique objet d’abroger la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 qui n’est plus constitutionnellement nécessaire. Quant à la loi ordinaire, elle modifie la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative au « nouveau service public de la télévision ». C’est ce second texte, la loi ordinaire, qui contient les éléments essentiels du nouveau régime juridique de l’audiovisuel public.

Désignation des Présidents

L’objet du texte est d’abord de revenir à une procédure de désignation des présidents de chaînes publiques conformes aux exigences d’un État de droit. La loi organique du 5 mars 2009 attribuait en effet au Président de la République la compétence de nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France, ainsi que celui de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Certes, le décret présidentiel devait être précédé d’un avis de la Commission culturelle de chaque assemblée parlementaire, chacune d’entre elles pouvant s’opposer à cette nomination à la majorité des 3/5e. Ce veto n’avait cependant qu’une fonction cosmétique, car cette majorité ne peut être acquise sans les voix des parlementaires issus de la majorité présidentielle. Autant dire que, sauf hypothèse peu probable de cohabitation, la nomination des responsables des chaînes publiques était devenue une prérogative personnelle du Président de la République.

L’actuel projet de loi revient au système antérieur et rend au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) les pouvoirs de nomination et de révocation des présidents de chaînes, dans des conditions comparables à celles qui existaient entre la loi du 30 septembre 1986 et la loi du 5 mars 2009. On doit d’ailleurs noter que ces nominations ne peuvent pas faire l’objet d’une validation par les assemblées parlementaires. Une décision du Conseil constitutionnel du 13 décembre 2012 énonce en effet que « le principe de séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que, en l’absence de disposition constitutionnelle le permettant, le pouvoir de nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonné à l’audition par les assemblées parlementaires des personnes dont la nomination est envisagée« . Une révision constitutionnelle étant impossible, faute de majorité au Congrès pour la voter, le législateur a dû renoncer à cette procédure de validation formelle des nominations par le parlement.

Le rôle du parlement dans les nominations

Si le parlement n’a plus un réel rôle de codécision dans la procédure de nomination des présidents de chaînes, son rôle est cependant loin d’être négligeable. D’une part, sa participation à la nomination des membres du CSA est renforcé. Ces derniers ne sont plus que sept, au lieu de neuf antérieurement. Le Chef de l’État qui nommait trois membres, n’en désigne plus qu’un seul, le Président. Sur les six autres, renouvelés par tiers tous les deux ans, trois sont nommés par le Président de l’Assemblée nationale, et trois par le Président du Sénat. D’autre part, la commission des affaires culturelles de chaque assemblée doit désormais donner un avis positif sur les nominations, avis acquis à la majorité des 3/5e.

La proximité avec l’ancienne procédure n’est qu’une apparence, et les différences sont en réalité substantielles. D’un côté, la commission ne donne qu’un avis consultatif, la décision demeurant de la compétence exclusive du CSA. De l’autre, la majorité des 3/5e n’est plus l’instrument d’un impossible véto, mais celui de la construction d’un consensus en faveur d’une nomination. Dans des assemblées largement bipolarisées, la recherche d’une majorité des 3/5e impose en effet de rallier les suffrages d’une partie de l’opposition.

Le CSA au cœur de l’audiovisuel public

D’une manière générale, le projet de loi rend au CSA son rôle moteur dans l’organisation et le contrôle de l’audiovisuel public. Il élargit ses compétences en lui offrant la possibilité de modifier les autorisations données aux chaînes, par exemple en autorisant une chaîne payante à devenir gratuite. L’autorité devenue « autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale » se voit attribuer un rapporteur public nommé par le vice-président du Conseil d’État après avis du CSA, Il aura pour mission de garantir un strict respect du contradictoire dans la procédure de sanction. Nécessairement membre des juridictions administratives, c’est-à-dire concrètement du Conseil d’État, ce rapporteur assurera aussi une présence accrue de la haute juridiction administrative dans le CSA. Ainsi se confirme la place centrale qu’occupe le Conseil d’État dans toutes les autorités publiques, et celle des conseillers d’État, qui ne cesse de s’étendre.

Le projet de loi revient ainsi à l’esprit de la loi de 1986 qui faisait reposer le régime juridique de l’audiovisuel public sur le CSA. On doit évidemment se réjouir que le Président de la République ne soit plus associé à la procédure de désignation des présidents de chaîne, principe bien éloigné des valeurs républicaines. En revanche, on constate que le mouvement de regroupement des autorités indépendantes préconisé par le rapport Vanneste Dosière a fait long feu. Nombreux étaient ceux qui, à la suite du rapport Lescure rendu en mai 2013, pensaient que la lutte contre le piratage serait attribuée au CSA, le bilan du système Hadopi étant généralement considéré comme décevant. Les réformes structurelles viendront peut-être plus tard ?


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