Le registre des baptêmes, un fichier comme les autres

La cour d’appel de Caen a rendu une décision négative sur le cas d’un homme qui voulait effacer son nom du registre des baptêmes.

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Eglise Notre Dame de Fleury (Crédits : Ikmo-ned, Creative Commons)

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Le registre des baptêmes, un fichier comme les autres

Publié le 16 septembre 2013
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La Cour d’Appel de Caen a rendu une décision négative sur le cas d’un homme qui voulait effacer son nom du registre des baptêmes. 

Par Roseline Letteron.

Eglise Notre Dame de Fleury

La Cour d’Appel de Caen a rendu, le 10 septembre 2013, une décision portant sur une demande de radiation du registre des baptêmes. La rareté même d’un tel contentieux ne peut qu’attirer l’attention.

Le requérant, qui se revendique comme libre-penseur, a été baptisé à l’âge de deux jours, le 11 août 1940, par le curé de Fleury (Manche). En 2001, il a demandé au curé de cette ville et à  l’évêque de Coutances et Avranche, en sa qualité d’administrateur diocésain, que la mention « a renié son baptême par lettre datée du 31 mai 2001 » soit portée sur le registre des baptêmes au regard de son nom. Il a immédiatement obtenu satisfaction. Huit années plus tard, ayant presque atteint les soixante-dix printemps, le requérant demande cette fois l’effacement pur et simple de la mention de son baptême. Le tribunal de Coutances, dans un jugement d’octobre 2011, lui a donné satisfaction et a ordonné cet effacement. C’est précisément ce que conteste l’évêque, d’autant que l’association diocésaine était condamnée aux dépens. Ajoutons, et c’est d’ailleurs quelque peu surprenant, que le Procureur Général près la Cour d’Appel de Caen s’est joint à l’appel, sans que l’on puisse comprendre exactement quel est son intérêt dans l’affaire.

Quoi qu’il en soit, la Cour d’Appel annule le jugement du tribunal de Coutances, et fait observer que la liberté du requérant « de ne pas appartenir à la religion catholique est respectée » par la seule mention portée sur le registre des baptêmes, « sans qu’il y ait lieu à effacement ou correction supplémentaire du document litigieux ».

Pour parvenir à cette solution, la Cour d’Appel examine successivement les deux moyens invoqués par le requérant.

La violation de la vie privée

Celui-ci invoque d’abord une violation de l’article 9 du code civil, c’est à dire une atteinte à sa vie privée. Le tribunal de Coutances s’était appuyé sur cet argument, et avait considéré que la célébration du baptême relève de la vie privée. A ses yeux le registre délivre donc une information personnelle sur l’individu qui doit être protégée par l’article 9 du code civil.

La Cour d’Appel adopte la position inverse. Pour elle, la célébration d’un baptême constitue un évènement public, et le registre se borne à mentionner l’identité du baptisé, de ses parents, de ses parrain et marraine. En soi, ces mentions ne révèlent rien sur la pratique religieuse de l’intéressé, mais se bornent à mentionner un évènement qui s’est déroulé alors qu’il était un nourrisson âgé de deux jours. Cette mention d’un évènement religieux n’implique évidemment aucune volonté de discrimination à son égard. On doit d’ailleurs observer que cette célébration n’est évidemment pas le choix de l’enfant, mais celui de ses parents, et que leur volonté doit aussi être respectée.

Quant à la communication des informations portées sur le registre, elle n’emporte pas davantage atteinte à la vie privée, dès lors que ces éléments ne sont pas communicables à tous, mais seulement aux ministres du culte et à l’intéressé, s’il en fait la demande. Les tiers n’y ont en principe pas accès.

L’accès aux fichiers

Ceci nous amène au second moyen développé par le requérant, qui invoque la non conformité du registre des baptêmes à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Rappelons à ce propos, car on n’a désormais que très rarement l’occasion de le faire, que ce texte s’applique aussi aux fichiers non informatisés, et donc à un registre comportant des données nominatives comme le registre des baptêmes.

Il est vrai qu’un tel registre conserve des données relatives à l’appartenance d’une personne à une religion et qu’il s’agit donc bien de données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978. Dans ce domaine, la collecte et la conservation des données doivent respecter quelques grands principes.

Le premier d’entre eux est la loyauté, ce qui signifie que les informations ne peuvent être collectées à l’insu des intéressés. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque les parents du requérant ont, au contraire, souhaité que son nom figure sur le registre des baptêmes.

Le second est le principe de finalité qui veut que les données conservées doivent être strictement conformes à l’objet du fichier. L’inscription sur le registre des baptêmes a pour objet d’informer les membres du clergé du fait qu’une personne est baptisée, notamment lorsque l’intéressé souhaite ensuite, par exemple, la célébration d’un mariage religieux. Il ne s’agit, en aucun cas, d’en déduire une quelconque participation à une communauté paroissiale ou d’utiliser le fichier à des fins de prosélytisme. La loi du 6 janvier 1978 prévoit d’ailleurs expressément le cas des données conservées par les organismes religieux à but non lucratif, qui ne doivent pas être communiquées à des tiers, sauf consentement de l’intéressé. Le registre des baptêmes ne fait pas exception à cette règle, et la diffusion des données aux tiers, dans le cas du requérant, est de son propre fait, puisqu’elle résulte du contentieux dont il a pris l’initiative.

Le troisième principe enfin est celui de la pertinence et de l’exactitude des données stockées. Le registre des baptêmes ne conserve que le minimum des informations utiles pour savoir qu’une personne a été baptisée. L’intéressé peut d’ailleurs, comme l’a fait le requérant, demander l’ajout d’une mention selon laquelle il a renié son baptême. Sur ce point encore, le registre des baptêmes est donc conforme à la loi.

Le registre des baptêmes de la paroisse de Fleury est donc un fichier comme les autres, et un fichier licite. Il n’est que le reflet d’une situation à une date donnée, et, à ce titre, il a aussi une valeur d’archive. Il ne donne aucune information sur la pratique religieuse du requérant, mais seulement sur la démarche de ses parents qui, en 1940, ont souhaité le faire baptiser. Leur acte de volonté a existé, même si leur fils a ensuite renié cette appartenance religieuse, ce qui est son droit le plus strict. Mais il n’est pas en mesure de réécrire une histoire qui ne lui appartient pas.

Sur le web

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  • Merci pour ce compte-rendu.

    Sur le premier moyen, la position de la première instance révèle un manque de connaissance : un baptême est annoncé (affichage) et c’est un acte qui s’inscrit au sein de la paroisse. N’importe qui peut y assister.

    • Je dirais même que la position de la première instance et du procureur général est effarante car révélatrice de la régression intellectuelle dénoncée par Philippe Nemo.

      Cette régression progressant, on peut s’attendre à ce que les prochains plaignants aient gain de cause.
      Ce sera un coup décisif porté au christianisme, qui ne peut évidemment pas admettre spirituellement la notion d’annulation de baptême ni satisfaire matériellement les demandes de tous les athées militants, endoctrinés par l’État socialiste à la haïr le christianisme.

      Ce sera aussi un coup porté à la raison et à la laïcité, l’État se mêlant de ce qui n’est aucunement une atteinte objective à la liberté des individus.

      Or précisément, le socialisme hait le christianisme parce qu’il cantonne l’État à l’objectivité, au relatif au temporel; et lui soustrait le moral, le spirituel, l’absolu.
      Or socialisme prétend au pouvoir précisément au titre de sa supériorité morale – et bien que ce soit l’exact contraire de la laïcité, dont il parle d’autant plus qu’il la piétine.

      Ainsi le « mariage pour tous » consacre le mariage civil comme la reconnaissance par l’État et/ou la nation de sentiments amoureux ou de l’existence de rapports sexuels, ce qui n’est pas objectivement d’intérêt général (tout ce qui est important dans la vie n’est pas l’affaire de l’État !).

      Le mariage civil traditionnel consacrait la fécondité et ses conséquences d’intérêt public: Non seulement l’importance de la procréation, mais la responsabilité des géniteurs d’un enfant de l’élever convenablement, le suivi de la filiation (consanguinité…), bref l’intérêt objectif et supérieur de la nation et de l’État.

      Par conséquent 2013 marquera une étape cruciale dans la régression intellectuelle de la France, qui se traduira prochainement par l’obligation pour l’Église d’effacer toute trace des baptêmes passés, que les socialistes s’empresseront d’exploiter pour en parfaire encore la destruction – tant les faits récents leur on démontré ce que Peillon leur rappelle constamment, à savoir que le socialisme doit éradiquer le christianisme pour prévaloir.

      Accessoirement ce rejet du baptême reçu enfant est une excellente illustration du nihilisme socialiste.
      En effet, il faut être profondément dévoué au Néant pour, à 70 ans, n’avoir pas compris qu’en ces matières, on n’est pas ce qu’on reçoit mais ce qu’on transmet.

  • Une question sur le deuxième argument:
    Lorsque l’on est inscrit dans un fichier, réelle comme informatique, n’a-t-on pas le droit de demander sa suppression? Il me semble en tout cas que c’est la pratique sur le Web (mailing lists, fichiers clients, …)

  • Une fois encore letteron bouffe du curé…

    Quand donc contrepoints cessera de publier ses âneries ?

    • l’article est neutre, et instructif. Notamment, je trouve instructif qu’un tribunal de 1er instance soit assez débile pour avoir donné satisfaction au bouffeur de curé, qui au fond exigeait de réécrire l’histoire comme si il n’avait jamais été baptisé…

      • Debile? Pourtant le cnil est clair: « Toute personne a la possibilité de s’opposer, pour des motifs légitimes, à figurer dans un fichier ».
        http://www.cnil.fr/vos-droits/vos-droits/le-droit-dopposition/

        • ce n’est évidemment pas une question de fichier. C’est une tentative pour n’avoir jamais été baptisé, pour réécrire l’histoire, effacer toute trace, partout, y compris les journaux et la mémoire des témoins. le registre n’est qu’un prétexte.

      • Le fait qu’il ai ete baptise sans son conscentement, puisque age de 2 jours, peut etre considere comme un motif legitime.

        • intéressante et originale théorie ; la tradition et le droit soutiennent au contraire que les tuteurs légaux engagent le consentent de ceux qu’ils représentent, dans la mesure où ce n’est pas manifestement contraire à leur intérêt ; il peuvent ainsi lui faire vendre (pour une prix raisonnable) des biens hérités par ailleurs, l’inscrire à une école où il se fera copieusement chier, etc.
          Comme le baptême n’engage à rien, ne crée aucune obligation ni devoir, et ouvre au contraire des possibilités, il faut être rudement tordu pour considérer qu’il peut exister un motif d’annulation.
          On peut éventuellement plaider que le baptême est un acte cruel et anti-hygiénique, et s’opposer qu’il soit fait (avant !) ou poursuivre les auteurs s’il en résulte du mal, mais une fois qu’il est fait, il est fait, aussi bien (ou aussi mal) que l’inscription à l’école primaire Racine de Trifouillis les Pâquerettes à laquelle Toto refusait pourtant explicitement d’aller (consentement ? MdR !), et dont il ne pourra jamais se faire rayer de la liste des anciens élèves.

          • Ca peut ne pas etre contraire a l’interet de l’enfant a un moment donne, mais une fois l’enfant majeur il est normal qu’il puisse vouloir effacer certaines choses de son enfance qui n’ont pas ete decide par lui meme.
            Allez un exemple, ca tombe bien dans l’article ca se passe en 1940, plutot que d’etre inscrit sur le registre du bapteme, ses parents plutot que d’etre fan ne Jesus sont fan d’Adolf et inscrivent donc leur enfant dans les jeunesses Hitleriennes. 50 ans plus tard l’enfant a grandi et se presente aux elections presidentielles. Ne pensez vous pas que son passe va lui porter prejudice?

    • On se demande parfois si les gens prennent la peine de lire les articles avant de les commenter.

  • La constatation religieuse ou civile de la naissance, du mariage ou du décès a une vocation publique: le baptême est avant tout la présentation et l’accueil de l’individu dans la communauté; même l’état civil (jusqu’en 1927?) requérait la présentation physique de l’enfant en mairie et des témoins signaient. L’acharnement de ce requérant est presque la démonstration qu’il se sent lié à une institution dont il voudrait nier jusqu’à l’existence!
    La loi requiert la publication des bans de mariage, la cérémonie « en la maison commune toutes portes ouvertes », pour constater la liberté de consentement, informer largement des effets patrimoniaux du mariage, mais dans le même temps on restreint la publication au bulletin municipal pour préserver la vie privé! totalement chizophrène!

  • Étape suivante, si le requérant obtenait satisfaction: faire disparaître le jugement qui l’autoriserait à faire disparaître l’acte… etc. et finalement l’individu lui-même.

  • Trèzs beau jugement.

    Il y a des gens qui ont vraiment du temps à perdre …

    Si on ne croit pas au baptème, en quoi le fait de l’avoir été dérange-t-il ?

    • Vous ne comprenez pas car vous n avez sans doute jamais ete confronte avec la haine que ressentent certains qui se disent libres penseurs vis a vis du christianisme. ce personnage veut tout simplement gommer son nom des registres de l Eglise qu il deste . on a les ambitions que l on merite…… je lui souhaite bonne chance pour son passage , la haine et l atheisme n aident pas ….

  • @ Maurice
    Pas mal comme argumentaire.

    @Pale Rider
    Quelle haine ? votre remarque est absurde.

    Les Libres Penseurs défendent la liberté de conscience, la loi de 1905 dont ils sont les initiateurs et la séparation des Eglises et de l’Etat.

    Pensez vous qu’un enfant de 2 jours puisse faire un choix philosophique, politique ou syndical ?
    Ces choix sont individuels et les parents n’ont pas à définir les orientations spirituelles de leur chérubin au nom de tradition et de la puissance de l’église de Rome qui exerce son influence depuis 2000 ans au sein du politique et de la vie de la cité.

    Je suis désolé, mais l’intolérance et la haine est plutôt du coté des Religions car même si le discours est basé sur l’amour la réalité est toujours bien différente. Il suffit de lire les livres d’histoire et les actualités pour constater que les Religions sont sources de guerres.
    Drôle de manière d’aimer son prochain.

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