Comment les sociaux-démocrates caricaturent l’économie autrichienne

Sheldon Richman remet en place les sociaux-démocrates qui tentent de discréditer l’économie autrichienne en la caricaturant.

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Comment les sociaux-démocrates caricaturent l’économie autrichienne

Publié le 19 août 2013
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Sheldon Richman remet en place les sociaux-démocrates qui tentent de discréditer l’économie autrichienne en la caricaturant.

Par Sheldon Richman.

Quand un candidat à la présidentielle comme Ron Paul [1] déclare « nous sommes tous autrichiens maintenant », il devient inévitable que ceux qui le critiquent tentent de le discréditer, qu’ils comprennent de quoi ils parlent ou non. C’est ce que Matthew Yglesias fait dans son article de Slate, « What Is ‘Austrian Economics’? » (« Qu’est ce que l’économie autrichienne ? »).

Je recommande la lecture de cet article qui est très instructive sur ce que l’économie autrichienne n’est pas.

L’article commence mal avec ceci : « à l’origine l’école autrichienne se réfère à un ensemble de penseurs libéraux classiques avec des intérêts divers et venant de l’empire austro-hongrois. »

Les premiers économistes autrichiens ne se sont pas distingués en soutenant le libre marché ou d’autres idées libérales. Ils l’ont fait en énonçant une approche théorique révolutionnaire positive (et non normative) pour comprendre comment les marchés fonctionnaient, en se concentrant sur la valeur, le prix et le capital. Ce que dit Wikipedia est cohérent avec ma compréhension : « quand Carl Menger, Eugen von Böhm-Bawerk, et [Friedrich von] Wieser ont débuté leur carrière scientifique, ils ne se sont pas concentrés sur les problématiques d’économie politique et encore moins sur le rejet de l’interventionnisme défendu par le libéralisme. Leur objectif commun était de développer une théorie économique avec une base solide. »

Économie contre politique

Yglesias fait ainsi un amalgame entre la théorie économique autrichienne et la théorie politique libertarienne. Pour être juste, il n’est pas le seul à commettre cette erreur. Beaucoup de libertariens font la même, ce qui est regrettable. La théorie économique autrichienne décrit comment l’action volontaire d’êtres humains faillibles aboutit de manière non intentionnée à un énorme processus de marché ordonné. Une autre étape éthique supplémentaire est nécessaire pour dire que le marché fonctionne. La théorie économique seule ne recommande pas mais explique le marché. C’est ce que Ludwig Von Mises voulait dire quand il insistait sur la subjectivité de la valeur pour l’économie autrichienne. N’importe qui d’ouvert à la discussion doit être capable de comprendre que la logique économique montre qu’imposer un plafond au prix du lait créera, toutes choses égales par ailleurs, une pénurie de lait. Mais cela n’est pas en soi un argument contre cette politique. Mises suppose que le politicien trouverait ce résultat mauvais, mais l’économiste ne peut pas déclarer cela en tant qu’économiste. Comme aime le dire Israel Kirzner, le travail d’un économiste dans le domaine politique revient principalement à montrer que vous ne pouvez pas prendre un train pour aller vers le nord si vous êtes sur le quai qui va au sud.

Yglesias écrit encore que « les autrichiens rejettent l’idée qu’il y ait quelque chose que l’État puisse faire pour stabiliser les fluctuations macroéconomiques. » Il est curieux de dire cela sans souligner que les autrichiens pensent que l’État cause l’instabilité, les bulles, les récessions et les dépressions. À la lumière de ces éléments, la suggestion que l’État soit capable de stabiliser l’économie peut être vue sous un angle plus convenable.

Une fois dit cela, les propos d’Yglesias sont encore loin d’être justes. Quelques éminents macroéconomistes autrichiens pensent que dans un 2ème meilleur monde, la banque centrale (qui n’existerait bien sûr pas dans le meilleur des mondes) devrait contrer une contraction soudaine et importante de la masse monétaire. En d’autres mots, la déflation ne guérit pas de l’inflation. Mises y répondit de manière métaphorique en 1938 : « si un homme a été blessé par une voiture qui lui a roulé dessus, cela ne le guérira pas que la voiture fasse marche arrière pour lui rouler dessus dans la direction opposée. » (Voir Steven Horwitz : Deflation: The Good, the Bad, and the Ugly.)

Falsification des marchés

Yglesias continue : « pour les autrichiens, pratiquement toute politique économique de l’État fédéral ou de la Réserve Fédérale est une erreur qui fausse les marchés. Plutôt que de guérir des récessions, disent les autrichiens, les politiques de relance les causent en produisant des bulles non soutenables. » Eh bien oui, et cela a été largement démontré par George Selgin, William D. Lastrapes, et Lawrence H. White dans Has the Fed Been a Failure? (Voir mon résumé, ‘F’ as in Fed.) Comme ils le disent :

En ayant effectué une large revue des recherches empiriques récentes nous avons trouvé ceci :

  1. Toute l’histoire de la Fed (de 1914 à maintenant) s’est caractérisée par plus et non pas moins d’instabilité monétaire et macroéconomique que lors des décennies avant la création de la Fed.
  2. Si les performances de la Fed se sont sans aucun doute améliorées depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ses performances d’après-guerre n’ont pas dépassé de manière nette celles de son indubitablement défectueux prédécesseur d’avant la première guerre mondiale, le National Banking system.
  3. Quelques arrangements alternatifs permettraient vraisemblablement de faire mieux que la Fed telle qu’elle est actuellement organisée.

Nous concluons que le besoin de recherches d’alternatives au système monétaire actuel est aussi urgent aujourd’hui qu’il l’était il y a un siècle.

Yglesias comprend que la théorie autrichienne des cycles a un lien avec les taux d’intérêts artificiellement bas alimentant le mal-investissement, mais il pense que cela ne peut être juste car « il est difficile de comprendre pourquoi les hommes d’affaire seraient si facilement trompés. Si Ron Paul et Ludwig von Mises savent que la monnaie bon marché ne peut durer éternellement, pourquoi les investisseurs privés ne le savent-ils pas ? Pourquoi les entreprises n’éviteraient-elles pas de faire ces investissements censés être idiots ? »

Gerald P. O’Driscoll et Mario Rizzo ont écrit ceci il y a longtemps dans The Economics of Time and Ignorance :

Il y a des profits à faire en tirant partie de situations temporaires… Bien que les entrepreneurs comprennent [les aspects macroéconomiques d’un cycle] ils ne peuvent pas prévoir le déroulement exact du prochain cycle d’expansion et de contraction… Ils manquent de visibilité pour faire des prédictions au niveau micro-économique, même s’ils peuvent prévoir le déroulement des événements qui vont se passer. Ces entrepreneurs n’ont aucune raison de renoncer aux bénéfices temporaires qui peuvent se faire pendant une période inflationniste. D’un point de vue individuel, un entrepreneur connaissant parfaitement la théorie économique autrichienne devra faire face au même monde incertain qu’il a toujours affronté. Ce n’est pas la connaissance théorique ou abstraite, mais la connaissance des circonstances de temps et de lieu qui est la source des profits.

Changements dans les dépenses

Curieusement, Yglesias pense aussi qu’il peut réfuter la théorie autrichienne en remarquant que « les rythmes de dépenses varient constamment sans pour autant déclencher de récession. » Ce à quoi Peter Klein réplique que « bien sûr le résumé enjoué d’Yglesias fait l’impasse sur la structure temporelle de la production, la différence entre la consommation et l’investissement, le rôle des taux d’intérêts pour assurer la coordination intertemporelle, le problème des attentes, et d’autres éléments basiques de la théorie que 10 minutes sur Wikipedia auraient pu expliquer. »

Yglesias démontre sa méconnaissance de la littérature autrichienne quand il écrit que « beaucoup des autrichiens originels ont vu leurs idées sur les cycles économiques discréditées par la Grande Dépression dont la récession ne s’est pas corrigée d’elle-même. » Étant donné que le New Deal de Herbert Hoover et de Franklin Roosevelt a empêché le processus de correction de marché, on se demande comment les années 30 auraient pu discréditer la théorie autrichienne sur les origines de la récession.

Finalement, Yglesias soutient que « l’école autrichienne… prêche le désespoir et ne demande aucune action du tout. »

Balivernes. Puisqu’elle explique que les bulles sont causées par les banques centrales et par conséquent évitables grâce à une monnaie et un système bancaire basés sur le marché, son message implicite est l’espoir et l’optimisme. Et pour ce qui est de ne demander aucune action, au contraire, elle énonce clairement une longue liste d’actions pour ceux qui veulent une croissance économique stable, toutes conçues pour démanteler l’interventionnisme étatique.


Article publié en anglais sur Reason, paru à l’origine dans le The Freeman.

À lire sur le sujet :

Note :

  1. NdT : l’article a été écrit début 2012.
Voir les commentaires (17)

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Créer un compte Tous les commentaires (17)
  • Les bulles n’ont pas attendu l’Etat et les banques centrales pour exister. La théorie autrichienne du cycle, dans sa version élaborée au début du XXème siècle, n’est pas une explication valide du fonctionnement de l’économie, et a été rejetée par les économistes en conséquence.

    • un exemple historique de bulle confirmant vos propos ?

      • La tulipe mania, et plus largement tout le 19ème siècle est rempli de cycles économiques, sans banques centrales. D’ailleurs les banques centrales ont été inventée précisément pour tenter de limiter les effets de ces cycles économiques.

        • La tulipomanie… Il y avait la banque d’Amsterdam à l’époque. De plus, son bilan avait franchement grimpé en flèche à l’époque…
          Et puis quand le gouvernement vient ensuite vous dire que les contrats ne sont plus valides, faut pas s’étonner qu’il y ait quelques troubles dans l’achtuche…
          Quant à dire qu’il n’y avait pas de banques centrales au XIXe siècle…

        • Rappelez nous quant la banque d’Angleterre à été crée?

        • On connait précisément la motivation des créateurs des premières banques centrales. En un mot : capter la rente d’émission monétaire au profit du pouvoir. Pas du tout « limiter les effets de ces cycles économiques » ; d’ailleurs à l’époque la notion de cycle économique n’existait même pas !

        • @ ginette

          N’y aurait-il pas de bulles ou de cycles économiques sans banques centrales? Bien sûr qu’il y en aurait, comme il y a des hauts et des bas dans chaque vie humaine, des naissances et des morts. La vraie question est de savoir si la présence et l’action des banques centrales n’amplifient pas le phénomène en nombre et/ou en durée. La plupart des bulles ont plusieurs causes dont très souvent une cause monétaire ou sont amplifiés par un crédit bon marché. Or la théorie dominante pousse les banques centrales à baisser leurs taux d’intérêt et à inonder de liquidités les marchés. Ce qu’elles font systématiquement. Tout le mérite de l’économie autrichienne est d’expliquer en quoi cette politique est pernicieuse et conduit tôt ou tard à une crise. La théorie générale de Keynes (1936) est truffée d’erreurs d’analyse de pure logique économique. La théorie autrichienne n’est certainement pas parfaite mais en plus d’être plus complète que ses concurrentes (keynesianisme et monétarisme notamment) elle est aussi plus logique. Ce n’est bien entendu pas sur ce forum et en quelques lignes que je vais pouvoir justifier mes propos. Que celui qui veut faire de l’économie sérieusement étudie chaque théorie à fond pour se faire une idée claire nette et précise de qui explique le mieux le fonctionnement de l’économie de marché et les conséquences de telle ou telle action politique sur celle-ci.

    • Deux messages, quatre phrases, cinq idioties ! A son tour, Ginette tente le record du monde…

  • « Pour Mises, la théorie vient avant tout, et les faits ne sauraient la remettre en cause. Du coup c’est facile d’avoir toujours raison. »
    Entre la méthodologie prônée par un auteur et sa démarche effective, il peut y avoir un gouffre.

    Attaquez la théorie des cycles de Von Mises, si vous voulez: mais pourfendre la méthode prônée par Von Mises ne réfute pas ses théories en tant que telles.

    Mais des arguments contre la théorie des cycles, peut-être en avez-vous?

  • @AntiLibertarian :

    votre diatribe ne montre qu’une chose : vous n’avez pas lu et encore moins compris Mises !!!

    Il applique à la lettre la phrase d’Aristote :  » La vérités (les faits) ne contredisent pas une définition vraie ».

    Mises décrit les lois économiques qui sont comme des lois physiques ou biologiques; et sont totalement confirmés par les faits.

    L’école autrichienne est basé justement sur la recherche de la vérité, car les théories économiques précédentes n’étaient pas vérifiées.

    Enfin, Mises reconnait la qualité des démocraties d’assurer des transitions de pouvoir non violente, mais c’est bien tout ce qu’il leur trouve comme qualités, et ne cotnredit en rien les développements de Hoppe sur cet échec monumental qu’est la démocratie (cf la France d’aujourd’hui …).

    Enfin, Mises avait prévu dès 1922 l’écroulement du communisme, et l’avait parfaitement démontré…

    Jamais aucun de ses raisonnements n’a pu être mis en défaut par un raisonnement logique.

    Essayer donc de contester une seule de ses idées, pour voir, qu’on rigole …

    • Il n’a pas eu à forcer pour prévoir l’échec du communisme : trois ans d’expérience soviétique (1917-1920) avec 3 millions de morts et un pays ruiné ont suffi à le démontrer.

  • Tous ces mots pour n’avancer aucun arguments, vous avez du temps à perdre. A par vous convaincre vous mêmes de vos « non idées » je ne vois pas l’objectif que vous souhaiter atteindre ici.
    Mais si Les théories de Mises sont à ce point erronées je ne doute pas qu’il vous sera très facile de nous démontrer leur invalidités par de très simple exemples ou démonstrations. Je les attends avec impatience….

  • Je ne suis même pas misien, mais il est assez facile de répondre pourtant. En vrac.
    * démonstration d’une valeur intrinsèque (invariable en tout temps et tout lieux) à un bien
    * réfutation du marginalisme
    * mise en place d’une prospère économie socialiste (planifiée sans prix)
    * succès d’une banque centrale : stabilisation monétaire sur une période raisonnable (disons 20 ans ) sans utilisation d’un étalon physique

    Cela étant, la théorie de Mises a été construite pour coller à la contrainte de respecter et de rendre compte de l’ensemble des principaux phénomènes économiques qu’il connaissait, et on ne peut pas dire que l’économie a vraiment fait des progrès depuis. Il est donc normal que Mises continue à rendre de compte de tout phénomène économique connu. Tu ne vas quand même pas lui imputer ça comme un défaut, si ?

  • @ taliban :

    Mais Mises est tout à fait ouvert au débat ! son oeuvre est consultable et réfutable si vous y arrivez !!

    Je vous demande juste une chose : réfutez donc les idées de Mises, vous êtes libre de le faire et de nous démontrez toutes ses erreurs !!

    Mais jusqu’à présent, aucun fait économique (l’empririsme dont vous vous gargarisez) n’a jamais contredit la pensée de Mises…

    Totu ce qu’a énoncé Mises s’est tjrs réalisé…

    C’est un fait, une évidence… Comme Marx et le socialisme a été démenti par les faits (aucun des faits prédit par le socialisme ne s’est réalisé).

    Sur votre dernière diatribe sur Hoppe, à part l’invective, vous n’avez aucun raisonnement.

    La praxéologie n’est pas une science, c’est le nom donné à l’interaction humaine en économie, tout bêtement… vous n’avez pas lu Mises …

    « ledroit de se départir de la réfutabilité  » ??? Mais Mises a construit toute son oeuvre sur justement la possibilité de la réfutation.

    Il dit lui-même que totu ce qui est réfutable par les faits et le raisonnement ne peut être valide !!

    Vous parlez de choses que manifestement vous ne connaissez pas …

    veuillez d’abord vous instruire…

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