L’austérité tue : qui et quoi ?

L’austérité tue. Avant de tuer la social-démocratie, elle tuera la fraternité.

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L’austérité tue : qui et quoi ?

Publié le 1 août 2013
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L’austérité tue. Avant de tuer la social-démocratie, elle tuera la fraternité.

Par Baptiste Créteur.

De plus en plus de voix se lèvent pour le dire, et beaucoup ont envie de les écouter : l’austérité ne serait pas bonne pour l’économie. Pire, l’austérité tue. Avant de tuer la social-démocratie, elle tuera la fraternité.

D’abord, parce qu’elle n’est pas nécessaire. À la tête des anti-austérité qui croient encore au keynésianisme, le fanfaron Paul Krugman. Prix Nobel d’Économie, il n’en est pas moins incapable de faire le lien entre irresponsabilité budgétaire et faillite de la ville de Detroit.

Le changement de méthodologie qui gonfle un PIB de plus en plus artificiel donne également des arguments aux partisans de la dépense publique, aux cow-boys qui ont la gâchette facile avec le bazooka à argent public.

L’une dans l’autre, ces deux modifications opéreront un changement profond sur la taille du PIB américain : en ajoutant des inputs « équivalents au PIB de la Belgique », elles pourraient le faire grimper de 3%, estime le Financial Times. Les dépenses purement « créatives » compteront pour 0,5 % de l’économie américaine.

Mieux, écrit le quotidien britannique, ces nouveaux calculs feront baisser la part des dépenses fédérales dans le PIB de 0,5%, et la part de la dette publique de 2%, des arguments utiles face aux Républicains, qui dénoncent un budget fédéral « hors de contrôle ».

Et hop, 3% de PIB. On ne crée aucune richesse, mais on s’enrichit : corriger le PIB, c’est aussi facile qu’imprimer des billets, aussi efficace pour se donner l’impression qu’on s’enrichit et aussi inutile voire dangereux en réalité.

Ensuite, les ennemis de l’austérité la trouvent dangereuse. L’austérité tue. La baisse de la dépense publique ruine des vies, détériore le système de santé, met en péril l’avenir des générations futures en réduisant les budgets alloués à l’éducation. En baissant la dépense publique aujourd’hui, on sacrifierait l’avenir de nos enfants.

En clair, mieux vaut continuer comme aujourd’hui. S’endetter pour continuer à enfler la bulle dans laquelle nous vivons, pour maintenir le train de vie de nos États et le niveau de vie artificiel de leurs citoyens. Les chantres de l’anti-austérité, les militants de la dette, commettent en réalité une erreur d’interprétation : ce qui est nuisible, ce n’est pas l’austérité, mais la baisse de l’activité économique.

Dans la plupart des pays développés, l’État occupe une place croissante dans l’économie et la société. La santé publique, le service public, le sauvetage des banques et des grandes entreprises, les politiques de relance et d’investissement gonflent artificiellement la richesse créée.

Artificiellement à deux titres : cette richesse est financée à crédit, et les investissements ne vont pas vers les secteurs les plus productifs.

Concrètement, les États se sont lancés dans une fuite en avant et on ne sait pas vraiment si on préfère qu’ils en soient conscients. Alors que le seul moyen de sortir d’une bulle est un assainissement, douloureux mais toujours nécessaire, ils injectent toujours plus de liquidités pour maintenir la bulle en l’état et la gonflent encore et toujours.

Seulement, la croissance ne repart pas, parce que personne n’y croit vraiment et parce que les « investissements » réalisés ne sont pas réellement productifs. Et pour cause. Avec de l’argent gratuit, les politiciens et le secteur financier font la même chose : ils dépensent n’importe comment. Quand les uns repeignent des façades et installent Paris Plage, les autres consentent des prêts à des gens non solvables pour des projets pas rentables.

Ce que l’austérité devrait tuer, c’est cet arrosage automatique et massif à grand coup d’argent public, c’est la prise en charge par l’État de la vie des citoyens, c’est tout le modèle de la social-démocratie et de l’État-providence. Mais ce n’est pas ce qu’il se passe.

Les hommes politiques n’étant pas prêts à renoncer à une partie de leur pouvoir, ils pratiquent une fausse austérité et prélèvent encore plus. Ce n’est qu’une fois au pied du mur qu’ils commencent à réduire les dépenses, et c’est tout aussi douloureux. Mais en attendant, ils prennent l’argent là où il est : s’ils n’en reçoivent plus assez via taxes et impôts, ils en créent de nouveaux, et n’hésitent pas à tailler sec : 47,5% sur les dépôts de plus de 100 000 euros à Chypre, après une première « ponction » – ablation serait plus approprié – il y a quelques mois.

L’ennui, c’est que beaucoup ont aujourd’hui du mal à envisager la vie après la social-démocratie, à comprendre qu’il est possible et bon que chacun fasse et soit responsable de ses propres choix. Au lieu de lutter de concert contre la dépense publique pour reprendre leur liberté et réduire le pouvoir des États, les citoyens risquent de vouloir tous en même temps se battre pour que le nécessaire ajustement les touche le moins possible.

Concrètement, il est impossible qu’une bulle n’éclate pas. Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, et plus ils sont hauts, plus leur chute fait mal. Quand le gouvernement augmente le salaire des fonctionnaires, ce sont les salariés du privé qui paient. Quand le gouvernement offre un Crédit d’Impôt à de grandes entreprises proches du pouvoir, c’est autant d’argent qui ne reste pas dans les poches des autres pour améliorer leur compétitivité.

Au fur et à mesure que la marge de manœuvre du gouvernement va se réduire, les taux d’intérêt et la dette rendant le service de plus en plus pesant et les prélèvements additionnels sur l’économie générant des recettes de plus en plus faibles. Les choix du gouvernement ont jusque là consisté à faire peser l’effort sur ceux qui le supportaient déjà, les contribuables. Mais ils ne pourront pas supporter l’ensemble des efforts nécessaires pour rembourser la dette tout en maintenant le train de vie des autres. La direction prise jusque là par les États et institutions supra-nationales est de rembourser la dette ; ce sera donc les contribuables, ou les autres.

Les différents bénéficiaires des dépenses de l’État, contribuables y compris, seront donc tous susceptibles de voir les dépenses dont ils bénéficient s’amenuiser. Avant de tuer la social-démocratie pour, espérons le, laisser place à un système plus libre et plus responsable, l’austérité tuera la fraternité.

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  • L’austérité est un terme mal compris. Dans la zone euro, le déficit public global est le surplus du secteur privé. Lorsque l’on réduit le premier on réduit mécaniquement le second, ce qui en période de crise amène la récession. De plus la dépense publique ne provient pas des impôts, ces variables ne sont corrélées que politiquement, on pourrait, et on devrait décider de baisser les impôts pour libérer le secteur privé.
    Je pense qu’il faut donc séparer le problème monétaire (les dettes sont fixées en nominal, il faut donc suffisamment d’argent dans le système) du problème politique (le fait que l’Etat dépense n’importe comment)

    • Quel rapport entre déficit public et « surplus du secteur privé » ?
      Qu’est-ce que le surplus du secteur privé ?
      Il vaudrait bien mieux lui laisser ses profits pour qu’il les réinvestisse !
      Il faut une monnaie stable sur laquelle le marché puisse s’appuyer – je serais partisan d’uen absence totale de création monétaire – et ne recourrir au secteur public qu’en tout dernier ressort (abandon de tout égalitarisme).

      • C’est une équation comptable: les recettes des uns étant les dépenses des autres, si vous voulez que le secteur privé gagne plus qu’il ne dépense il fait un déficit public en face. Et détrompez vous, la « création monétaire » ne devrait pas vous faire peur, elle est normale dans une économie en croissance.

        • J’ai bien peur que cette approche soit « simpliste » :

          1 – Il est tout à fait possible qu’une partie du privé gagne plus qu’il ne dépense sans faire appel au public. Il suffit que d’autres agents du privé dépensent plus qu’ils ne gagnent (ce qui arrive régulièrement). L’endettement est simplement un élément économique. Il ne devient problématique que lorsqu’il est constant. Enfin, le « surplus du secteur privé » peut se traduire, aussi, par une augmentation de la productivité : pour la même somme d’argent vous avez plus de produit.

          2 – La création monétaire n’est aucunement obligatoire. Un système où la quantité de richesse augmente mais pas la monnaie est simplement un système déflationnaire. Ce n’est ni bien, ni mal (tout comme un système inflationnaire). La seule différence entre inflation et déflation est que la première entraîne systématiquement des crises de reajustements importantes là où la seconde peut être bien plus facilement gérée par les agents économiques.

          • Bien entendu que c’est simpliste, en trois lignes aucune pensée complexe n’est envisageable.

            1/ tout à fait, je précise pour cette raison le secteur privé « dans son ensemble ».

            Ensuite, vous parlez du surplus en termes de richesses réelles, et vous avez raison, mais je parlais du surplus en termes monétaires: que le secteur non-public puisse épargner en positif. C’est juste un constat comptable, rien de plus.

            2/ la monnaie est une création du marché, les crédits créant les dépôts. Lorsque vous avez de la croissance, il y à plus de crédit, donc augmentation de la masse monétaire (mais pas d’inflation puisque il y a croissance de l’output réel). En free banking le phénomène est similaire avec plusieurs monnaie privées. Une masse monétaire fixe ne peut s’obtenir qu’à travers une coercition étatique indéniablement anti-libérale, et en plus c’est une très mauvaise idée, je ne vois donc pas en quoi c’est pertinent ici.

            Par contre, vous vous trompez sur l’inflation, puisque l’argent est une dette, fixée en nominal, autrement dit qques % d’inflation sont très facilement gérés par les agents économiques (d’ailleurs le 20 siècles a vu bien des périodes d’inflation, et a connu une croissance en termes réels inégalée dans l’Histoire). À l’inverse, la déflation mène vers une situation ou vous avez plus de passif que d’unités de compte en circulation: c’est evidemment la récession. Les périodes déflationnistes sont d’ailleurs en pratique identifiables avec les récessions. La grèce en ce moment est en pleine déflation puisque l’Europe socialiste lui impose un taux de change fixe, horreur éminemment anti libérale, avec les résultats qu’on connait, et les extrémistes en embuscade. J’ose espérer que vous avez juste échangé les termes, en pratique l’inflation est très facilement gerable, là où la déflation monetaire mène à la ruine.

  • L’austérité est assez bien sentie par les gens du commun, surtout les grecs…
    Par contre, les mêmes coquins continuent de se goinfrer.

  • « Le changement de méthodologie qui gonfle un PIB de plus en plus artificiel donne également des arguments aux partisans de la dépense publique, aux cow-boys qui ont la gâchette facile avec le bazooka à argent public. »

    Fausser les chiffres pour démontrer qu’une politique fonctionne…
    Si ce n’est pas un aveu d’échec, c’est quoi ????

    Les socialauds de tous partis semblent inéluctablement en revenir aux mêmes méthodes…

  • « Artificiellement à deux titres : cette richesse est financée à crédit, et les investissements ne vont pas vers les secteurs les plus productifs. »

    Toutes les richesses sont toujours créées à crédit. Rien d’anormal.

    « Avec de l’argent gratuit, les politiciens et le secteur financier font la même chose : ils dépensent n’importe comment. Quand les uns repeignent des façades et installent Paris Plage, les autres consentent des prêts à des gens non solvables pour des projets pas rentables. »

    Qu’entend t-on par des projets pas rentables et des gens non solvables? Personnellement, c’est une affirmation sans fondements.
    Moi je dirais plutôt: à des gens solvables non rentable mais sans prise de risque donc à création de richesse limitée.
    Après au niveau des politiques publiques de loisir il est très compliqué à calculer les bienfaits d’un point de vue purement économique
    (ex: loisir peuvent ils augmenter la productivité sur le long terme? Pourquoi pas, après tout un management à la Google fonctionne bien.)

     » Avant de tuer la social-démocratie pour, espérons le, laisser place à un système plus libre et plus responsable, l’austérité tuera la fraternité. »
    Plus libre, ok.
    Plus responsable? Si vous voulez dire en assumant les prises de risques et donc la responsabilité de ses actions, ok.

    Fratinité? Chose qui n’a jamais réellement existé au sein de la culture judéo-chretienne.

    • « Qu’entend t-on par des projets pas rentables et des gens non solvables? Personnellement, c’est une affirmation sans fondements.
      Moi je dirais plutôt: à des gens solvables non rentable mais sans prise de risque donc à création de richesse limitée. »
      Projets non rentable: projets de loisirs, projets dans lesquels l’Etat investit car aucune banque ne veut s’y risquer.
      Les prêts a des gens insolvable est la raison qui a crée la crise des subprimes. L’Etat garantit des prêts la ou les banques ne le feraient pas, car la banque contrairement aux Etats ne prends pas de risques sans contrepartie (augmentation des taux).

      Les loisirs peuvent très bien augmenter la productivité, mais c’est a l’ entreprise de décider si ces dépenses sont utiles, tout comme elle déciderait l’achat d’un outil pour augmenter le débit de chantier.
      Ce n’est pas a l’Etat de nous imposer nos loisirs. Pour reprendre l’exemple de Paris plage, que tous les parisiens financent mais dont seule une minorité va profiter.
      Les loisirs ne sont pas un droit, ils n’ont pas a être gratuit, un loisir se mérite. C’est parce qu’ils ont travailles que les gens peuvent s’offrir des loisirs.

    • « Toutes les richesses sont toujours créées à crédit. Rien d’anormal. »

      Non, pas toujours. D’autre part, tous les crédits ne débouchent pas sur de la création de richesses! lls peuvent en détruire aussi. Un investissement peut avoir une rentabilité moindre que le coût de son financement.

  • Encore un excellent article de Baptiste Créteur!

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