Le dinosaure, l’alarme et l’austérité

L’alarme continue à sonner face à l’urgence de l’austérité, mais les dinosaures au pouvoir se bouchent les oreilles.

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Le dinosaure, l’alarme et l’austérité

Publié le 25 février 2013
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L’alarme continue à sonner face à l’urgence de l’austérité, mais les dinosaures au pouvoir se bouchent les oreilles.

Par Yves Montenay

Le dinosaure ? C’est le président et son gouvernement, forts du contrôle de tous les leviers politiques, mais dont les réflexes datent du jurassique, et qui est empêtré dans les attentes contre-productives de son électorat. L’alarme ? Elle sonne depuis des mois. Au début, le dinosaure ne l’entendait pas ; maintenant, après avoir digéré son repas de victoire, il commence à y prêter attention.

L’alarme continue donc à sonner. Elle ne dit plus « attention », mais « sauve-qui-peut ! » : les employeurs s’expatrient, font faillite, ou diminuent discrètement leur personnel français au bénéfice de celui de l’étranger. Du coup, le chômage explose et les chômeurs se suicident.

Interdisez ! Gelez ! Imposez !

« Faites quelque chose, dit l’électorat du dinosaure, interdisez les licenciements, surtout s’ils sont boursiers ». Le dinosaure, lui, a enfin compris que cela ferait fuir les employeurs de plus belle. Une entreprise, même prospère, doit pouvoir fermer une usine déficitaire. Si on l’en empêche, on lui enlèvera toute envie d’embaucher en France. Et si on nationalise cette usine, comme son électorat l’exige du dinosaure, c’est le contribuable français qui prend en charge le problème, ce qui crée du chômage ailleurs.

Pourquoi par exemple garder une raffinerie si nous brûlons moins de carburant, ou un haut fourneau si nous « mangeons » moins d’acier (ce qui est par ailleurs une excellente chose, tant économiquement qu’écologiquement) ? Pourquoi y payer des gens sous-employés qui seraient plus utiles ailleurs ? Bref, ce n’est pas la survie d’usines obsolètes ou inutiles qui augmentera l’emploi, mais la création de nouvelles entreprises. Mais qui les lancera ? Leurs créateurs ont été « pigeonnés » et on ne les y reprendra pas.

Je répète ce qui se dit partout ? Hélas, non, pas partout. De toute façon, l’important doit être sans cesse répété, nous disait Alfred Sauvy !

L’austérité, c’est pour les autres !

Alors, j’exagère ? L’explosion du chômage et la récession sont bien là, qui se nourrissent l’un de l’autre. Et ce n’est pas « la faute à l’austérité » comme le clame un électorat un peu moins chouchouté qu’il ne le rêvait. Car, pour lui, il n’y a pas d’austérité : les fonctionnaires sont un peu moins augmentés, mais le sont néanmoins. On prévoit une prime de 400 € pour les professeurs des écoles. Les grandes associations « politiques » (syndicats, comités d’entreprises du secteur public et autres organismes de rallonge discrète des salaires via des vacances et diverses œuvres sociales subventionnées par le contribuable…) sont épargnées.

Les salaires et retraites du public restent très supérieurs à ceux du privé, alors qu’on ne peut vraiment pas parler de rémunération du risque. Ces retraites publiques sont servies des années plus tôt que dans le privé et se montent à 75% d’un dernier salaire gonflé pour cela, contre, dans le privé, une base nettement plus faible (le salaire moyen des « 20 meilleures années »). Si c’est cela l’austérité pour l’électorat de gauche, on lui souhaite que ça dure !

J’ai déjà évoqué sur ce site « la réaction nobiliaire », ce blocage par la noblesse des réformes de Louis XVI, ce qui a déclenché la Révolution. De même, les privilégiés d’aujourd’hui sont en train de scier la branche sur laquelle nous sommes tous assis en refusant leur participation à l’effort, et surtout en appelant à saboter ce qui marche et à financer ce qui ne marche pas.

Le laxisme pour la croissance ?

Ils ont un nouvel argument : une nouvelle couche d’austérité serait contre-productive, car elle nuirait à la croissance donc à l’emploi. Surtout si cette austérité devait les toucher, ce qui serait probablement inévitable, « les autres » ayant déjà beaucoup donné !

Cela montre une fois de plus leur ignorance de l’économie. L’argent tourne en rond, ce qu’on enlève aux uns va directement ou indirectement à d’autres, qui sont d’ailleurs parfois les mêmes. Injecter de l’argent comme le fait actuellement la Banque Centrale Européenne ou la Fed en Amérique, ne déclenche pas non plus la croissance. Tout au plus cela évite les blocages comme en 2008 lors de la panique financière, puis en 2012 pour « sauver » la zone euro.

Donc tout cela n’est que jeux à somme nulle. La croissance, ce n’est pas ça : c’est faire plus avec autant, voire avec moins, en faisant autrement. Par l’innovation technique certes, mais aussi et peut-être surtout par l’innovation commerciale ou organisationnelle. Et qui lance ces innovations ? Les entreprises bien sûr, qu’elles soient individuelles ou multinationales. Certes, théoriquement, qu’elles soit privées ou publiques, mais le problème est qu’en pratique les entreprises privées inefficaces disparaissent, mais que les publiques sont sans cesse renflouées et donc peu ou pas réorganisées.

On est donc pour l’essentiel ramené aux employeurs privés, et notamment aux plus petits, en général plus rapides et plus créatifs. C’est-à-dire à des « riches » ou à ceux qui essaient de le devenir. Donc, comme nous l’avons vu, ceux que l’on fait partir. C’est suicidaire ? Pas pour un élu : « Tape sur les riches camarades, on revotera pour toi ».

Harlem Désir, premier secrétaire du PS, a la solution : il a fait imprimer 2 millions de tracts pour diffuser cet extrait du discours du 31 décembre de François Hollande : « Tout pour l’emploi ». Sauver l’emploi par des tracts ! Notre dinosaure vient bien du jurassique !

PS : ceux qui veulent des arguments détaillés et chiffrés peuvent aller sur ifrap.org et emploi-2017.org.


Publié initialement sur Le Cercle Les Échos.

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  • Excellent article.

    Par ailleurs, J’ai lu le mythe du fossé nord sud et j’ai appris beaucoup de choses.

  • Je trouve dommage de ne pas faire un véritable travail sur le choix des mots.
    L’austérité revêt un caractère temporaire, qui implique, une réduction des dépenses publiques (forte si possible) dans un cadre contraint de croissance très faible (pour ne pas dire inexistante). On parle d’ailleurs plus facilement de période d’austérité.
    Mais, si la croissance retrouvée intervient l’austérité ne se justifie plus non ? Et dès lors entraine un retour à des dépenses non souhaitables, non ?

    Je pense donc que le terme d’austérité ne traduit pas la pensée réelle des libéraux qui ne souhaitent pas de l’austérité, mais souhaitent plus une réforme structurelle de l’État avec une réduction drastique des dépenses qui doivent être assumées par le mammouth français.

    C’est d’ailleurs, toujours le mal de cette politique française qui n’arrive pas à assumer une véritable dimension réformatrice qu’elle devrait incarner.

  • si on redresse les comptes en réformant drastqiueemnt les dépenses publiques ça fait mal mais la croissance revient ensuite plus vite, malheureusement les profiteurs du système clientélo-étatique vont devoir se remettre en question.
    par contre si on redresse les comptes en augmentant les impôts:
    1 on n’est pas sûr de les redresser voir la loi de Laffer
    2 le retour de la croissance est reporté à la Saint GlinGlin

    • yvesdemars: « 1 on n’est pas sûr de les redresser voir la loi de Laffer »

      On est -certain- de ne pas le redresser, l’afflux d’argent va simplement faire augmenter géométriquement les dépenses.
      C’est inévitable dans un système politique représentatif parce que personne ne peut dire stop au clientélisme politique et ça marche tans que l’argent arrive.

      Avec la masse critique de client dépendant ou profitant de l’état en France la question n’est plus de savoir si ça va se casser la figure mais de quelle manière et avec quelles conséquences.

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