La route de la Kolyma, sur les traces du goulag

L’historien Nicolas Werth est allé au pays du Goulag. Son récit bouleversant est un retour vers la plus impressionnante entreprise de destruction de l’homme : plus de 20 millions de personnes sont passées par le goulag de la Kolyma.

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La route de la Kolyma, sur les traces du goulag

Publié le 21 février 2013
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L’historien Nicolas Werth est allé au pays du Goulag. Son récit bouleversant est un retour vers la plus impressionnante entreprise de destruction de l’homme : plus de 20 millions de personnes sont passées par le goulag de la Kolyma.

Par Bogdan Calinescu.
Un article de l’aleps.

C’est une région deux fois plus grande que la France (environ 1 million de km2) située à plus de 9 heures de vol de Moscou. Aujourd’hui c’est une région sinistrée avec des immeubles délabrés et des villages désertés. Pourtant, c’est là que des millions de victimes du communisme ont été déportées. Nicolas Werth, co-auteur du Livre noir du communisme, est allé sur place, rencontrer les derniers survivants de cette période, visiter les restes des camps, les quelques musées qui se proposent de montrer les horreurs des camps. À l’époque (surtout durant les années de la Grande Terreur, 1937-1938), les victimes des purges mettaient plus de deux mois, entassées dans des wagons à bestiaux, avant d’arriver dans cette région. Les prisonniers avaient été arrêtés et condamnés à au moins 10 ans de goulag pour des raisons totalement imaginaires, la plus fréquente était celle d’être un «ennemi du peuple ».

C’est là, à Kolyma, à 8 000 km de Moscou, qu’on découvre l’étendue des camps et les fosses communes situées dans la Serpantinka, le plus important lieu d’exécutions de masse. Des centaines de milliers de cadavres sont enfouies sur place…  Plus de 20 millions de personnes ont été enfermées au Goulag de la Kolyma (un adulte sur 6) et 2 millions ont péri. Le territoire est immense mais plusieurs endroits sont encore plus poignants que d’autres. Comme Boutovo où se trouve l’un des grands charniers de la Grande Terreur : près de 21 000 condamnés à mort ont été exécutés par le NKVD ici entre le 8 août 1937 et le 19 octobre 1938 dans le plus grand secret. Magadan est la plus importante ville de la région. D’un côté, il y a la ville « haute » où vivaient les « libres » (moins de 10% de la population) et, de l’autre, la ville « basse » avec les détenus (les 90% restants de la population).

À partir de la fin des années 1950, la ville a commencé à être démantelée mais il reste encore quelques survivants de l’époque du Goulag. Certains, après des années de goulag se retrouvaient sans famille et ne pouvaient aller nulle part. Comme Miron (83 ans) qui se pose des questions sur l’efficacité de la recherche historique : « Vous cherchez les dernières traces avant qu’elles ne s’effacent. Des traces ? Je ne comprends pas. Ce n’est pas le mot qui convient. Le Goulag, il est dans nos gènes. Il fait partie de notre patrimoine génétique. Cette réalité du Goulag m’a collé à la peau dès ma prime enfance lorsque mes camarades de classe disparaissaient les unes après les autres. Leurs parents étaient envoyés au Goulag et eux dans des orphelinats. »

On découvre aussi Eduard Berzine, le fondateur et le « Directeur » du Goulag qui finira, comme d’autres dirigeants lors des grandes purges, par être fusillé. Ancien élève de l’Académie des Beaux-Arts, Berzine était fier de son camp de concentration. Il ne faut pas oublier que, en plus d’être un lieu d’extermination, le Goulag était un camp d’esclavage. Les détenus étaient non seulement enfermés mais obligés de travailler dans les mines, sur les champs ou à la construction des routes en échange d’une bouchée de pain et d’une soupe claire par jour. Des dizaines de milliers sont morts de faim et de froid.

Nicolas Werth révèle une « civilisation goulaguienne ». C’est un mode vie, un système de production qui a tué et façonné toute une génération.

• Nicolas Werth, La route de la Kolyma, Belin, 2012, 240 pages.


Sur le web.

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  • La note poignante du livre, c’est l’évidence que personne ne s’intéresse à cette histoire, que déjà l’oubli recouvre ses victimes…

    • Logique que l’on n’en parle pas
      1- les cocos français nient encore cette période tragique, et il ne faut pas leur faire de mal, ils votent encore bien comme il faut.
      2- les Russes n’ont pas la valeur de certaines autres ethnies, dommage pour eux, sinon on en parlerait chaque jour même 70 ans après.
      3- Putine a du poids, il ne faut pas le contrarier, il vient du KGB, il pourrait se sentir visé.
      Mais j’espère que ça sortira au grand jour.
      Il n’y a pas eu que Kolyma, quand Staline a déporté à grande échelle des Russes en Ukraine, et les lâchait en pleine campagne sans maison, sans nourriture etc., obligé de creuser des trous dans la terre pour s’abriter du froid etc. etc. etc., le petit père des peuples avait de grandes idées pour son peuple, ne pas oublier son collègue Mao et bien d’autres de gauche.

  • Complainte de la Kolyma (extrait) :

    « À la Kolyma, l’hiver dure douze mois. Le reste du temps, c’est l’été. »

  • La kolyma est a L’origine une riviere le long de laquelle on avait trouve de l’or. Les mines etaient des camps d’esclaves. Certains ont mis les purges non pas sur le compte de la folie de Staline mais surtout le besoin de main d’oeuvre d’exploitationde cette nouvelle ressource.

    • Oui ! C’était mieux lorsque l’indien et le noir étaient esclaves non pour l’histoire (crise historique de 1914-1945) mais pour la société bourgeoise (de la Renaissance à aujourd’hui). C’est le progrès réel !

      Le goulag est la folie nécessaire de la guerre (et non de Staline) tandis que l’exploitation capitaliste est une raison de classe qui se veut encore de droit naturel ou même encore de droit divin.

  • Je viens de découvrir ce poignant récit que fait l’auteur de retour de la Kolyma sous le titre :

    « Voyage dans la Kolyma depuis Magadan »

    J’en cite les dernière lignes :

    « Voici donc l’électricité, grâce à un barrage-poids qui retient l’eau de toute une vallée formant un lac artificiel qu’on appelle ici la mer de la Kolyma. Mais qu’y avait-il dans cette vallée ? Des villages, des hommes ? Non, il y avait des camps et des zeks. Ah bon, dis-je en jetant une pierre du haut du barrage pour qu’elle aille leur dire qu’on ne les a pas tout à fait oubliés… »

    http://www.daniel-deroulet.ch/158288135

    P.S. : Cela ne s’avèrera malheureusement pas suffisant 🙁 ; « Aristote » ne me démentira probablement pas…

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