Instauration d’un barème des prix : les avocats tentent d’éviter le sort des médecins

Les avocats ont accueilli fraichement une loi entrée en application le 1er janvier 2013 et qui a pour but d’instaurer un barème fixant les prix dans les procédures de divorces.

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Instauration d’un barème des prix : les avocats tentent d’éviter le sort des médecins

Publié le 5 janvier 2013
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Les avocats ont accueilli fraichement une loi entrée en application le 1er janvier 2013 et qui a pour but d’instaurer un barème fixant les prix dans les procédures de divorce.

Par Matthieu Loonis.

Gel des prix, gel des loyers, contrôle des dépassements d’honoraires, et même « encadrement des salaires »… Tout cela ne se passe pas uniquement à Cuba, notoirement considéré comme un modèle économique remarquable, mais également en France, patrie des libertés et des lumières, et surtout du socialisme mou.

Non ça n’est pas encore un coup de canif de François Hollande dans l’ordonnance Balladur de 1986 instaurant le principe de la liberté des prix et de la concurrence en France [1]. Mais bien un dernier cadeau de départ de son prédécesseur, l’ancien président social-démocrate à l’épaulette qui démange et qui, tel un génie de l’économie, propulsa la dette du pays de 64 à 90% du PIB, sans pour autant parvenir à se faire plein de copains pour être réélu (Oups).

Peut-être avait-il anticipé que le modèle cubain allait (re)devenir à la mode, en faisant voter la loi du 13 décembre 2011 [2] relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, et surtout son article 14 qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2013.

Cet article 14 se voulait parfaitement innocent en annonçant que désormais, lorsqu’un avocat facture des honoraires pour une procédure de divorce, il est obligé de faire signer une convention d’honoraires à ses clients, et qu’à titre « indicatif » un barème des honoraires pratiqués dans la profession serait publié par arrêté du garde des sceaux après avis du Conseil National des Barreaux. Barème révisé au minimum tous les deux ans.

Mais, malheureusement les hommes de lois sont bien trop attentifs pour se laisser berner si facilement. L’objection ne porte pas sur l’obligation de faire signer une convention d’honoraires mais sur ce fameux barème. Rappelons que les honoraires des avocats sont libres.

Dans un premier temps, la Chancellerie avait tenté d’enfumer la profession en lui assurant, croix de bois, croix de fer, que ce barème « indicatif » ne concernerait que les seules procédures de divorce par consentement mutuel et rien d’autre. Or dans la loi finalement votée, ce sont toutes les procédures de divorce qui sont concernées par le barème. Ce qui laisse planer de fortes suspicions quant à l’extension d’un tel barème à d’autres activités de la profession d’avocat (taux horaires, consultations, procédures de toutes sortes…).

La seconde crainte, c’est celle de voir ce barème prétendument indicatif se transformer en un barème officiel et obligatoire. D’autant plus que le barème est décidé par le garde des sceaux après « avis » du CNB. Un avis, juridiquement ça vaut autant qu’une promesse de François Hollande. C’est donc unilatéralement que l’État va décider des prix d’une profession, sans tenir compte des spécificités des cabinets ou des dossiers.

Cette crainte de voir ce barème devenir obligatoire est renforcée par l’existence d’un barème en matière d’aide juridictionnelle. Pour ceux qui l’ignorent, les plus démunis (gagnant moins de 929€/mois, hors majoration en cas de personnes à charge) sont pris à charge à 100% par l’État qui rémunère alors les avocats selon un barème prédéfini pour chaque type de procédure. Ces derniers obtiennent des UV (Unités de Valeurs) valant 24€ chacune. Pour un divorce classique, il faut compter 650 €. Somme à diviser en moyenne en deux suite aux diverses taxes : sur les 325€ restant, vous devez payer votre impôt sur le revenu. Bref, on le comprend ce barème permet aux avocats d’être SMICards en somme ; dommage après 7 ans d’études.

Pourtant ces derniers n’abusent (en général) pas sur leurs honoraires comme le prouve cette publication du CNB :

Alors certes, il y a bien quelques membres de la profession nostalgiques de l’époque où ils étaient des notables. Mais le visage de la profession a bien changé, et notamment grâce à la concurrence (absence de numerus clausus), et à la liberté des prix qui a permis de démocratiser la profession, sans l’enfermer dans un corporatisme passéiste et néfaste pour la clientèle. Ainsi, un avocat français est aujourd’hui entre 2 et 3 fois moins cher que son homologue anglais ou allemand.

Les avocats plaidant (voire gémissant auprès de leur bâtonnier) pour l’instauration d’un barème et d’un numerus clausus espèrent à tort, pouvoir tirer les prix vers le haut, alors qu’ils parviendront juste à laisser l’État ingérer dans leurs tarifs comme c’est le cas pour les médecins. Sans oublier le fait que cela découragera dans un premier temps la clientèle qui aura connaissance de prix prohibitifs.

Le prix, le talent, la réputation, la proximité… bref le service, voilà ce qui doit permettre la réussite dans une économie libre et juste, et sûrement pas une entente mafieuse sur les prix pour évincer toute concurrence.

Pour l’instant les avocats ont trouvé la parade pour éviter leur « barémisation » : le CNB a tout simplement refusé de rendre son avis, ce qui bloque la procédure de publication du barème. Et donc l’application des dispositions de l’article 14 de la loi de 2011 concernant le barème.

L’Union des jeunes avocats (UJA) de Paris à déposé une motion visant l’abrogation de cet article. Position défendue également par le CNB.

Aucun régime étatiste ne devrait sous-estimer la force des hommes de lois et leur foi dans la liberté et l’équité ; après tout, ils sont bien en grande partie responsable de la chute de l’ancien régime.


Notes :

  1. N° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
  2. Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011.
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  • On ne peut pas se dire libéral, comme la profession du même nom et vouloir un numerus clausus.

    Par ailleurs, concernant les avocats, ce qui pose problème n’est pas tant la liberté des honoraires, dans le cas d’un divorce, mais la connaissance préalable, par le client, du montant des honoraires.

    Libéral, être libéral, ou vouloir être libéral c’est aussi et surtout, faire sauter les protectionnismes professionnels, accepter la concurrence et se vivre, dans le cas d’espèce cité dans l’article, comme un prestataire de service qui doit rendre compte à ses clients.

    L’existence même du Bâtonnier n’est pas spécialement libérale en tant qu’elle défend le pré-carré professionnel.

    Je doute de la vocation à défendre la veuve et l’horphelin des impétrants, je les vois plus vouloir appartenir à une profession fermée.

  • C’est juste. Toutes les professions libérales tendent à se comporter en corporation. Mais pour l’instant les avocats ont plutôt su éviter ce travers. L’avenir nous dira si cela tiendra encore.

    Autre chose, notez que si l’instauration d’un barème est impossible pour l’instant, il est en revanche obligatoire de rédiger une convention d’honoraires pour les procédures de divorce (même celles en cours).

    En conséquence, si on ne vous a pas fait signer de convention, et que vous ne payez pas l’avocat. Il ne pourra pas vous réclamer l’argent.
    En effet, l’avocat quand il rencontre un impayé il doit suivre une procédure précise « la taxation d’honoraires ». En gros il va se plaindre à son bâtonnier, qui fixe par arbitrage les honoraires de l’avocat, pour pouvoir poursuivre son client.

    Or, si l’avocat n’a pas fait de convention, depuis le 1er janvier, son bâtonnier ne pourra procéder à la taxation d’honoraire, car l’avocat était tenu de suivre les dispositions légales en la matière.

    Des clients avertis pourraient facilement en abuser. De quoi apporter quelques frayeurs aux professionnels pour 2013…

    • @Matthieu

       » Mais pour l’instant les avocats ont plutôt su éviter ce travers. »
      Je prétends le contrairen les avocats sont corporatistes.

       » En gros il va se plaindre à son bâtonnier  »
      Quelle rigolade !

      • S’ils le sont, alors pourquoi il n’y a pas de numerus clausus, ni d’entente sur les prix à pratiquer…? Expliquez au lieu d’insinuer.

        Je ne vois pas non plus ce qu’il y a de drôle, j’essaie juste de simplifier la procédure suivie pour la rendre intelligible.

  • « Instauration d’un barème des prix : les avocats tentent d’éviter le sort des médecins »

    Drole de titre. Le sort des médecins est hautement enviable, c’est une des catégories professionnelles qui a le plus augmenté ses revenus sur les deux décennies passées.

    • Le titre n’a rien à voir avec votre remarque à côté de la plaque.

      • A coté de la plaque ? Je fais la remarque que le sort des médecins en France est hautement enviable : au frais de la sécu, ils se font des couilles en or. s’ils étaient aussi bien organisés que les médecins (et nul doute qu’avec le nombre d’avocats au sein du Parlement ils y parviendraient), des avocats aux tarifs réglementés arriveraient probablement aussi à se dorer les testicules aux frais du contribuable.

        • Vous plaisantez j’espère ?
          Les médecins ont été sacrifiés depuis 30 ans, leurs revenus ont été réévalués par la sécu sur cette période 2 fois moins vite que l’inflation !

          Les médecins français sont les moins bien payés d’Europe (à part peut être en Finlande).

          Et si vous regardez des chiffres, séparez bien les médecins à tarif sécu de ceux à tarifs avec compléments d’honoraires qui ne touchent pas à la sécu.

          Dire que les médecins se font des couilles en or sur la Sécu est une honte quand on commence à voir des médecins qui vivent au SMIC !

  • Je me considère liberal voir libertarien, pourtant j’ai du mal a accepter l’idée que l’un des droits, la justice, que je considere comme regalien est soummise au marché.
    La notion de « clientèle » de l’avocat me derange car je crois qu’on est egaux devant la justice et que celle ci devrait etre gratuite. La defense face aux juges ne devrait pas etre une affaire de gros sous mais de… justice.
    Y a t’il des liberaux qui rejoignent cette idée ?

    • BusterCall,l’avocat n’est qu’un auxiliaire de justice. Il ne la rend pas que je sache et par ailleurs qui a dit qu’il devait faire voeu de pauvreté?

    • @BusterCall,
      La gratuité est un leurre, ce qui est gratuit est payé par tous.
      L’égalité est une illusion, ce qui n’empèche pas d’y tendre.

  • Qui a dis qu’il devait faire voeu de pauvreté ? Personne.
    Dans ma vision de la justice l’avocat est inutile, il n’y a que des juges.
    Mais vous ne pensez pas qu’il y a une correlation entre le coût de l’avocat et les chances de victoire d’un proces ?
    Ma vision est très marginale mais je l’assume.
    Si l’on ne garde que des fonctions regaliennes, je souhaite que l’on soit egaux en face de celles-ci…

  • Non, mais je parle de l’acces « gratuit » a la justice. Je sais comment ca se finance. A moins d’un systeme anarchiste, il y a toujours des fonctions a financer avec de l’argent publique.
    Mais si la justice devait etre financé par un impôt proportionnel, ce qui est le plus juste, il serait aussi normal que la partie le plus fortunée ne tire pas un benefice de sa situation dans un proces. Ce qui est normal c’est d’appliquer la loi. Aucun liberal d’accord avec ca ? Lier des activitées a but lucrative aux procès juridiques, c’est moral, droit et juste ?
    C’est bien un sujet que je maitrise mal, je le reconnait. Je vous invite a eclairer ma lanterne sur la légitimité des avocats.

    • Tu imagines des avocats « fonctionnarisés »? J’espère que tu n’en auras jamais besoin ^^.
      La rémunération est intrinsèque de la notion de qualité. Sans enjeu, nulle motivation.
      Dans le même temps, croire qu’un conseil cher, est un meilleur conseil parce que cher est une erreur. Donc, je ne vois pas de déséquilibre automatique entre le riche et le pauvre.

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