Bienveillance chinoise : désintéressement ou ruse ?

Peut-on réellement croire en la fiabilité du désintéressement chinois dans les relations bilatérales avec les PVD ?

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Bienveillance chinoise : désintéressement ou ruse ?

Publié le 3 janvier 2013
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Peut-on réellement croire en la fiabilité du désintéressement chinois dans les relations bilatérales avec les pays en voie de développement ?

Par Kyayima Muteba Franklin, depuis Kinshasa, République démocratique du Congo.
Publié en collaboration avec Libre Afrique.

Ayant été consacrée deuxième puissance économique mondiale depuis 2010, la Chine, présentée comme un nouveau modèle de développement, est aujourd’hui un centre d’attraction sans précédent tant des pays en développement (PVD) que des pays développés. Particulièrement pour les PVD, la préférence pour la Chine ne cesse de croître au détriment de « l’Occident » suite à l’opinion selon laquelle la Chine ne s’attache pas particulièrement à des intérêts stratégiques « capitalistes » que les puissances occidentales continuent de manifester souvent « sans scrupule » dans les relations bilatérales. Selon l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, 60% des relations commerciales et financières de la plupart des PVD étaient orientées vers l’Occident il y a 20 ans, alors qu’aujourd’hui, elles ne représentent que 30%, c’est-à-dire moins que les relations que les PVD entretiennent avec les pays émergents.

Peut-on réellement croire en la fiabilité du désintéressement chinois dans les relations bilatérales avec les PVD ? Si cette fiabilité peut être validée, alors la Chine est le « Messie » des PVD ; dans le cas inverse ces derniers sont juste en train de changer de « maître », cette fois-ci en douceur, sans pleurs.

Commençons par préciser le contexte opérationnel chinois, en opposition à celui de « l’Occident ». Les conquêtes occidentales ont été menées dans un environnement faible en lois et conventions internationales, chaque État opérant en fonction de sa puissance (nous pensons à la colonisation). Dans la période postcoloniale, alors que les normes internationales s’établissaient, ces mêmes Puissances, favorisées par l’absence de la concurrence, ont su préserver leur domination en imposant la « loi du plus fort ». C’est ainsi que, par exemple, tout pays qui ne respecte pas les normes établies est considéré comme un « État voyou, un mauvais élève », etc. L’occident mène donc une politique de préservation.

Les conquêtes chinoises, de leur côté, ont évolué dans un contexte différent : les lois et les conventions internationales se sont établies, et sont désormais garanties par, les grandes puissances, qu’il faut défier pour « conquérir le monde ». Et le seul moyen d’asseoir sa suprématie reste alors celui d’arracher « subtilement » les marchés intérieurs des PVD pour la plupart occupés par les puissances occidentales. Se conformant à ce contexte, la Chine gagne ainsi, petit-à-petit et  sournoisement les PVD. Le dragon asiatique est donc en pleine bataille de conquête, et non de préservation. La seule faiblesse de l’Occident dans cette bataille est qu’il n’a pas su s’adapter au nouveau contexte opérationnel ; il court ainsi le risque de céder sa place à la Chine.

Étant donné les différences présentées plus haut, expliquant la politique menée par chacun, il semble que l’opinion des PVD sur la Chine dans cette bataille impériale devrait être reconsidérée, avec une analyse plus profonde et de la prudence.

Regardons à présent ce qui différencie la politique chinoise de celle des occidentaux : dans le marché des biens et services, les occidentaux produisent et distribuent en fonction de leurs niveaux de vie, ce qui rend leurs biens et services difficilement accessibles aux PVD, alors que ces derniers représentent un énorme marché potentiel. La Chine, elle, produit et distribue selon le standing de chaque groupe de pays. Ses produits et services sont alors à la portée de tous, sans exception. Dans le marché des capitaux financiers, l’Occident fixe des conditions politiques et économiques d’éligibilité au prêt ou au financement. Alors que la Chine prête aux États sans conditionnalité et souvent sans intérêts financiers. La plupart de ses partenariats sont établis selon le modèle gagnant-gagnant. En matière d’investissement, le partenariat avec l’occident n’aboutit presque jamais à la construction des lourdes infrastructures économiques dans un PVD ; mais depuis que la Chine est en action, ses réalisations en la matière ne cessent d’attirer, même les occidentaux.

Bien qu’au fond toutes les grandes puissances mondiales restent « impérialistes », les PVD soutiennent que la Chine fait preuve de « bienveillance » dans les relations alors que l’occident reste le « grand impérialiste » trop attaché à ses intérêts stratégiques « capitalistes ». Avec ces plaintes sur les puissances occidentales, il est tout-à-fait plausible que la Chine ait trouvé là son cheval de bataille : elle bâtit son « impérialisme silencieux » avec comme armes « bonne foi », « gentillesse », « désintéressement », etc.

Les PVD doivent s’interroger sérieusement, et ce, sur le long terme au lieu de tisser avec l’État Chinois des liens économico-politiques profonds dont il sera impossible de se débarrasser. Rien n’assure que le Dragon asiatique demeurera dans ce même élan une fois devenu incontestablement première puissance mondiale. Les enjeux changeant automatiquement, tout porte à croire que le nouveau contexte impliquera la politique de la préservation de la suprématie, exactement comme le font les occidentaux actuellement. La loi du plus fort sera imposée, et tout État qui constituera une menace pour la Chine, ou qui ne se conformera pas aux principes qu’elle établira sera écrasé sans attendre, ou passera pour un « État voyou » à dompter à tout prix. Il sera impératif pour la Chine d’affaiblir davantage les pays tout en les maintenant captifs afin de continuer à régner. L’histoire se répétera et les pays pauvres se plaindront, pour cette fois, de la Chine.

Dans les relations entre États, l’on ne peut prétendre à la bonté ou à la gentillesse, toutes les parties sont sérieusement intéressées. C’est de la pure ruse que de passer pour un État « bon ».


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  • Travaillant 1 semaine par moi en Chine depuis presque un an, cet article est très pertinent, mais il oublie que la vision du monde et de l’économie des Chinois n’est pas du tout la même. En faite ils ne sont pas du tout impérialiste, à peu de chose près, leur frontières n’ont pas bougées depuis 3000 ans, et ils se considèrent comme une « race supérieure » ou du moins un type d’homme au dessus. En faite pour eux nous ne méritons même pas leur domination.

    Dans cette optique les Chinois ne cherchent pas à passer pour des bons ou des mauvais mais ils cherchent à respecter le droit international pour ne pas être dérangé et ainsi être pleinement concentré sur leur tache première : comment nourrir 1,5 milliards de personnes? La seule chose qu’ils veulent quand ils exportent, c’est ramener des capitaux et permettre de faire des investissements un peu partout dans le monde pour s’assurer de leur approvisionnement en ressources. En Afrique, ils construisent de cette manière des « camps » dans lesquelles seul des chinois travaillent et rapatrie des ressources vers l’Empire du milieu en payant ce qu’il faut au dictateur en place.

    Il n’y a pas de « bienveillance chinoise » mais pas non plus de ruse, juste un grand pays qui veut s’assurer d’avoir de l’énergie et de la nourriture pour 1,5 milliard de personnes, quand ils nous prêtent de l’argent c’est surtout par peur que nous ne leur achetions plus leur produits.

  • Le TEMPS – Genève – Page éco
    Production agricole samedi 29 décembre 2012
    «La course aux terres se poursuit»

    Vous trouverez une infographie intéressante

  • Il a la jaunisse, une crise de foi, Normal 1er ?
    Merci aussi à René, toujours super !

  • « La loi du plus fort sera imposée, et tout État qui constituera une menace pour la Chine, ou qui ne se conformera pas aux principes qu’elle établira sera écrasé sans attendre »

    -vous pensez à quoi? parce que je doute que la Chine intervienne militairement dans ces pays, après cela peut se faire par la fourniture d’arme à des groupes rebelles pro chinois(mais les puissances occidentales ne font elle pas de même?
    Après il est vrai que les prêts financiers sans intérêts, contribuent grandement à maintenir des gouvernements qui aurait du disparaitre tant ils sont corrompus et fossilisés( Le Laos en est un bel exemple)..mais tant qu’ils servent les intérêts chinois.;c est ce que souhaite la Chine. Le jour ou ils ne seront plus utile, la Chine les lâchera
    « La Chine, elle, produit et distribue selon le standing de chaque groupe de pays. Ses produits et services sont alors à la portée de tous, sans exception »
    Les pauvres peuvent consommer davantage, si je vous suis.;donc ou est le problème? de plus les chinois construisent ce que les gouvernement locaux et occidentaux ont toujours renâclé à faire..et cela profite aux citoyens de ces pays , aide dans le cas de construction de routes, port etc au développement de l’économie .
    Au final l’avenir de ces relations avec la chine sera ce que les PVD veulent en faire… on dirait que vous êtes fataliste de ce point de vue?

    Bien sur que la chine ne fait pas cela sans arrière pensée..
    Chirac n’avait il pas dit: »la France n’a pas d’amis seulement des intérêts? »

    -« La seule faiblesse de l’Occident dans cette bataille est qu’il n’a pas su s’adapter au nouveau contexte opérationnel  »
    Oui et 100 fois oui..et nous n’avons qu’à nous ressaisir si ne voulons pas laisser la chine nous prendre nos part de marché dans les PVD..nous sommes les seuls fautifs..la chine saisie juste les opportunités
    @Bloucas
    il est vrai que dans le cas de ressources naturelles les chinois créent des sortes de « camps » mais faut pas pousser non, plus la main d’œuvre reste majoritairement locale( pour ne pas s’attiser la haine des locaux), par contre les cadres/ingénieurs, les machines et la sécurité des lieux est 100% chinoise

    « ils se considèrent comme une « race supérieure » »
    Allez à Singapour et vous verrez que les indiens là bas, pensent la même chose de leur race.( pour eux, être indien est un honneur, être hindou est un privilège ,le défi entre chinois et indiens singapouriens est permanent les uns se croyant supérieur aux autres ..chacun pensant que l’autre n’est qu un vermisseau
    Seulement dans cet article la Chine fait peur, l’Inde NOn
    ps :Au passage les français ne prennent ils pas pour le peuple élu? il y a juste a voir les « expats » français vivant dans les émergents ou les pVD pour s’en convaincre

  • Après TINTIN, voici CHINCHIN en afrique…

    Bientôt tous les legumes francais seront triés en Chine au petit pois près. Comme quoi on peut se poser la question de l’indépendance alimentaire. En plus avec leur habitude de tricher sur les appelations on peut s’attendre à trouver de tout.

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