Exil : l’idéologie de la prison fiscale

En désignant comme des coupables ceux qui choisissent l’exil pour des raisons fiscales, la gauche socialiste et la droite gaulliste tiennent un curieux raisonnement qui trouve son origine dans leur idéologie commune.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Exil : l’idéologie de la prison fiscale

Publié le 22 décembre 2012
- A +

En désignant comme des coupables ceux qui choisissent l’exil pour des raisons fiscales, la gauche socialiste et la droite gaulliste tiennent un curieux raisonnement qui trouve son origine dans leur idéologie commune.

Par Alain Cohen-Dumouchel.

En désignant comme des coupables ceux qui choisissent l’exil pour des raisons fiscales, la gauche socialiste et la droite gaulliste tiennent un curieux raisonnement qui trouve son origine dans leur idéologie commune. Les dirigistes considèrent en effet que ce n’est pas parce qu’on a payé ses impôts qu’on est dégagé de ses obligations financières avec l’État. Parfaitement compréhensible s’agissant de la droite nationale, cette idéologie doit-elle faire l’unanimité à gauche ? Nous ne le croyons pas.

Gérard Depardieu s’est acquitté de ses impôts en tant que citoyen français pendant toute sa vie. D’un point de vue fiscal Gérard Depardieu et l’État français devraient donc être quittes et se séparer bons amis. Pourtant, non, cela ne suffit pas, le message envoyé par les dirigistes, c’est que Gérard Depardieu doit encore quelque chose à la France. Autrement dit tout ou partie de son travail et de ses revenus futurs appartiennent à l’État-nation France. Pour la horde dirigiste, Gérard Depardieu ne peut et ne doit pas quitter la France.

La France est-elle devenue une secte qu’on ne peut quitter sans être poursuivi ou menacé ? Ou bien cette notion d’appartenance forcée de l’individu à la collectivité nationale trouve-t-elle ses racines dans une conception de la société que l’on croyait disparue, à savoir le servage et son proche parent l’esclavage ?

La définition du servage extraite de Wikipedia est en effet étrangement appropriée à la situation des exilés fiscaux français :

Le servage, du latin servus, « esclave », est défini par la convention relative à l’abolition de l’esclavage des Nations unies comme la « condition de quiconque est tenu par la loi, la coutume ou un accord, de vivre et de travailler sur une terre appartenant à une autre personne et de fournir à cette autre personne, contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés, sans pouvoir changer sa condition.

En 2012, Gérard Depardieu a indiqué avoir donné 85 % de ses revenus en impôts. En 2013 et 2014, il est donc probable que ce pourcentage approchera les 95 à 100 % puisque la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu passera à 75 %, et que toutes les autres taxes, y compris indirectes, seront en augmentation.

Gérard Depardieu est donc invité à verser la quasi totalité  de ses revenus au fisc parce que les hommes de l’État ont mal géré les finances publiques pendant 40 ans. Et il lui serait interdit de changer de condition en quittant la France ?

On peut trouver la comparaison avec le servage déplacée pour la raison que Gérard Depardieu est (encore) riche et que les serfs étaient – relativement – pauvres. Et pourtant, à travers les âges et malgré les différences de conditions c’est bien la même vision de la société que l’on doit subir.

Dans cette conception particulièrement réactionnaire de la collectivité, l’individu autonome, libre de ses choix n’existe pas, il n’est qu’un citoyen qui ne doit son éventuelle réussite qu’a sa mère patrie.

Si Gérard Depardieu a réussi c’est grâce au cinéma français et à la langue française pensent les dirigistes qui s’estiment donc propriétaires de la langue et de la culture françaises. Pour les utiliser il faudrait donc les louer à l’État français, comme le seigneur le faisait de sa terre.

Dans cette conception d’ancien régime, tristement réactualisée par Hegel, ce n’est pas le peuple réuni en Nation qui fait la France (suivant la terminologie révolutionnaire de 89), c’est au contraire la Nation française qui fait le peuple et qui peut donc l’utiliser comme bon lui semble. L’individu n’est plus une fin, c’est un moyen au service du pouvoir, tour à tour chair à canon, ou rançonnable par le fisc.

En conclusion, entre l’injonction de notre précédente équipe dirigiste : « La France, on l’aime ou on la quitte », et celle de la nouvelle : « La France, elle vous plume et on ne la quitte pas », la marge de manœuvre des Français rationnels commence à se rétrécir sérieusement.


Sur le web

Voir les commentaires (6)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (6)
  • Il n’est pas anodin que la révolution ait inventé l’impôt du sang ; tout citoyen est soldat de la république et de la patrie de 16 à 45 ans si mes souvenirs sont exacts.

  • On recherche des immigrants de la France pour venir repeuplé le Québec à l’abri du fisc français. Y a t-il des preneurs ? On vous attend, nous sommes en pénurie de main-d’oeuvre.

    • Surtout pas!
      Le Québec est le repaire de gauchistes du Canada.
      Vancouver, Ottawa, Nova Scotia, oui.

      • C’est d’ailleurs étonnant, serait.ce un mal des francophones ? La romandie est la partie la plus endettée et la plus socialiste de suisse. Et que dire de la Belgique avec sa première place pour la fiscalité ?

        Le sud de l’europe (racine latine) est aussi beaucoup plus touchée que le nord.

  • Merci de ne pas associer le mot gaulliste à ce qui sert de « droite » en France!
    Il y a bien longtemps que cette étiquette est usurpée par de pseudos-héritiers indignes…
    Le Général estimait, quant à lui, qu’il était immoral de prendre plus de 50% des ses revenus normalement acquis, à quelqu’un quel que soit le « noble » prétexte invoqué pour ce faire, parce que cela revenait à de la spoliation pure et simple…
    Notre état dirigé par des socialistes de droite ou de gauche n’a plus de tels scrupules depuis 1974…

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
0
Sauvegarder cet article

Par Pascal Salin et Philippe Lacoude.

Première partie de la série ici Seconde partie de la série ici Troisième partie de la série ici Quatrième partie de la série ici Cinquième partie de la série ici Sixième partie de la série ici Septième partie de la série ici Huitième partie de la série ici

Comme nous l’avons vu précédemment, les impôts directs sur le capital (tels l’IGF, l’ISF, l’IFI ou les droits de succession) ne pourraient avoir un impact positif sur la croissance économique à long terme que dans la mesure où l’usage qui ... Poursuivre la lecture

Par Jean-Philippe Delsol. Un article de l'Iref-Europe

Un second rapport du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital a été publié ce 8 octobre pour poursuivre l’analyse des réformes engagées notamment au titre de la transformation de l’ISF en IFI et de l’instauration du Prélèvement forfaitaire unique et libératoire de 30 % -le PFU- sur les revenus du capital mobilier. Ce Comité conclut globalement, et avec prudence bien sûr, que trop d’impôt sur le capital peut aussi tuer le capital et coûter à l’État.

La baisse d... Poursuivre la lecture

Par Jean-Philippe Delsol. Un article de l'Iref-Europe

Cet article a été publié en mai 2018.

Certes, la politique fiscale du gouvernement est plus qu’ambiguë. Plus d’une dizaine de nouvelles taxes et les coûts de mise en œuvre de la retenue à la source renchérissent la charge que supportent les contribuables. L’exonération partielle de la taxe d’habitation relève de l’arbitraire fiscal. Bien sûr, les déclarations fiscales sont toujours plus complexes et ceux qui déclarent l’IFI ne le démentiront pas.

Mais l’annonce par Emm... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles