Transsexualisme et changement d’état civil

Pour le transsexuel, la modification de l’état civil doit-elle rester le point d’aboutissement d’un parcours médical, ou devenir la conséquence d’une profonde crise identitaire.

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Transsexualisme et changement d’état civil

Publié le 9 novembre 2012
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Pour le transsexuel, la modification de l’état civil doit-elle rester le point d’aboutissement d’un parcours médical, ou devenir la conséquence d’une profonde crise identitaire.

Par Roseline Letteron.

Renate Müller, Adolf Wohlbrück dans Viktor und Viktoria, Reinhold Schünzel (1933).

Lors du conseil des ministres du 31 octobre 2012, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, a fait une communication sur le programme d’action contre l’homophobie et la transphobie. À dire vrai, la lutte contre les discriminations visant les homosexuels, combat actuellement illustré par la revendication en faveur du droit au mariage, tend à faire passer au second plan la situation des transsexuels. Car eux aussi subissent des discriminations et se heurtent à un système juridique qui n’est guère bienveillant à leur égard.

Le transsexualisme peut être défini comme un trouble de l’identité, le sentiment profond d’appartenir au sexe opposé malgré une conformation physique en rapport avec le sexe chromosomique. Le transsexuel se sent victime d’une insupportable erreur de la nature, qui l’empêche de parvenir à une cohérence entre son psychisme et son corps. Il a donc un besoin intense de changer à la fois de sexe et d’état civil.

Au-delà de cette définition, la situation réelle des transsexuels est bien mal connue. On estime généralement que le transsexualisme concerne environ 50 000 personnes dans notre pays, sans que ces chiffres  trouvent leur origine dans des statistiques réellement fiables. La « dysphorie de genre » n’est plus considérée comme une maladie mentale, mais elle est assimilée à une affection de longue durée et les opérations de conversion sexuelle sont aujourd’hui prises en charge par la Sécurité sociale.

L' »irréversibilité de la transformation« 

Notre système juridique ne refuse pas aux transsexuels le changement d’état civil. Dès 1992, dans un arrêt B. c. France, la Cour européenne avait estimé que le désir d’une personne de mettre son identité en rapport avec son apparence relève de son droit à la vie privée. La Cour de cassation, dans deux décisions d’assemblée plénière du 11 décembre de la même année, reprend ce principe. Elle précise néanmoins que, pour justifier un changement d’état civil, le transsexualisme doit être médicalement constaté et avoir donné lieu à une ou plusieurs opérations ayant modifié l’apparence physique de la personne. Le critère essentiel est celui de l' »irréversibilité de la transformation », c’est-à-dire concrètement l’ablation des organes reproducteurs. Dans une décision du 7 juin 2012, la Cour de cassation a réaffirmé ce principe, la transformation physique étant ainsi considérée comme le préalable indispensable au changement d’état civil.

Le changement d’état civil avant la conversion physique ?

Aujourd’hui, on voit apparaître l’idée que la modification de l’état-civil ne doit pas être le point d’aboutissement d’un parcours médical, mais bien davantage la conséquence d’une profonde crise identitaire. Cette modification d’état-civil pourrait donc intervenir plus tôt, accompagner la transformation physique au lieu de la suivre.

Dans sa décision du 8 janvier 2009 Schlumpf c. Suisse, la Cour européenne s’efforce déjà de dissocier l’approche physique du transsexualisme de son aspect psychologique. Elle sanctionne ainsi un régime d’assurance maladie trop rigide, qui imposait au demandeur un délai très long avant toute opération physique de conversion, sans tenir compte de sa situation psychologique.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans sa résolution 1728 du 29 avril 2010, appelle désormais les États membres « à ce que les documents officiels reflètent l’identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir une stérilisation » (…). À la suite de cette résolution, l’Allemagne, la Suède, l’Espagne et la Suisse ont adopté des règles nouvelles mettant fin à l’exigence d’interventions chirurgicales de conversion sexuelle comme préalable de la reconnaissance judiciaire du changement de sexe.

En France, une proposition de loi a été déposée par Madame Michèle Delaunay (PS, Puy de Dôme) et soixante-treize parlementaires socialistes le 23 décembre 2011 sur le bureau de l’Assemblée Nationale. Elle vise précisément à dissocier le changement d’état civil du parcours médical qu’impose la conversion sexuelle. Il est vrai qu’elle n’est guère satisfaisante, dans la mesure où elle impose seulement l’attestation de trois témoins choisis par l’intéressé pour fonder la demande de changement d’état civil. Rien ne permet donc de prouver réellement la situation psychologique du demandeur, et peut-être serait-il plus judicieux d’exiger un certificat médical attestant de la « dysphorie de genre » dont-il souffre ? Quoi qu’il en soit, cette proposition de loi a le mérite d’exister, et il suffirait de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée pour ouvrir le débat. Sans y être juridiquement obligé, le droit français pourrait ainsi s’inspirer des recommandations du Conseil de l’Europe.

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  • Comme d’habitude, l’intersexualité est le parent pauvre de toute cette « lutte pour les droits ». Le plus triste, c’est que l’expérience accumulée par les chirurgiens pour faire changer de sexe les trans est ensuite un argument de plus pour « corriger » des nouveaux-nés au mépris de toute éthique, tandis que l’activisme LGBT accapare toute la lumière médiatique, et fait des considérations de genre et de sexe une affaire d’esprit… pendant que ceux pour qui c’est un problème bien physique, assez souvent mortel, sont livrés à eux-mêmes, très sous-diagnostiqués et mal soignés.

  • Il faudrait d’abord arrêter de penser que nous souffrons d’un quelconque trouble. Si nous souffrons c’est de l’étroitesse d’esprit des institutions médicales et de l’état, qui ne veulent pas avouer que le genre est une notion culturelle et sociale et a peu à voir avec le sexe. Car être une femme ou un homme est une construction sociale. Nous demandons alors simplement de pouvoir disposer de notre auto détermination, qu’il s’agisse de notre genre ou de notre corps.
    Il ne me semble pas que l’on se présente aux gens en affirmant que l’on a un pénis ou un vagin. Ce que nous avons dans la culotte ne concerne que très peu de monde, et n’est pas le préalable à notre genre. La preuve les milliers de personnes qui ont une vie sociale dans un genre sans avoir les attributs sexuels qu’on prétend lui associer.
    De plus aucun psy quelque soit sont expérience ne peut déterminer le genre d’une personne, puisqu’il ne s’agit pas d’un trouble psychiatrique, mais seulement le refus de se conformer à un genre qui a été déterminé par erreur à la naissance. Il s’agit juste de corriger cette erreur administrative, et cela doit donc se faire en dehors de tout tribunal, afin d’en éliminer le caractère arbitraire, le coût financier, et le possible recours par le juge à des expertises, qu’il sera toujours libre (dans son indépendance) d’exiger.

  • « Car être une femme ou un homme est une construction sociale »

    « De plus aucun psy quelque soit sont expérience ne peut déterminer le genre d’une personne »

    J’ai le droit, de considérer que vous êtes un(e) malade mental(e), ou pas ? Car telle est mon intime conviction.

  • quels que soient les transformations chirurgicales, plastiques, esthétiques…, les chromosomes qui déterminent le sexe ne changent pas : on reste XX ou XY !
    Je ne suis pas sûr que pousser les gens dans leur déni de la réalité est réellement les aider : ils sont toujours confrontés à la réalité.

    Par ailleurs, les opérations chirurgicales définitives apparaissent plus comme de la mutilation qu’autre chose.

    • Faux, il existe des altérations des chromosomes observable pour le caryotype humain. De plus la détermination du sexe n’est pas uniquement génitale ou chromosomique.

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