Le post-libéralisme : un projet pour l’opposition

Comment repenser les institutions qui fondent la solidarité nationale, cause première de l’inflation de l’État et du ralentissement de l’économie ? En favorisant le retour de la société civile.

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Le post-libéralisme : un projet pour l’opposition

Publié le 1 novembre 2012
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Comment repenser les institutions qui fondent la solidarité nationale, cause première de l’inflation de l’État et du ralentissement de l’économie ? En favorisant le retour de la société civile.

Par Guy Sorman.

Les nations d’Europe haïssent la purge financière qu’actuellement leur infligent leurs gouvernements, que ceux-ci soient « libéraux » comme en Espagne et en Grèce ou socialistes comme en France. À terme, ce refus populaire pourrait déstabiliser les gouvernements mais aussi les institutions : on doit s’inquiéter du vent de révolte en Grèce, des tentations autonomistes en Catalogne, en Écosse, voire en Bavière. Ce refus populaire est-il justifié ? En partie oui, parce que les victimes présentes sont rarement les coupables d’hier : seuls les humbles payent par une réduction de leur niveau de vie et par le chômage, les malversations, spéculations et erreurs de gestion des puissants d’hier et d’aujourd’hui. La purge n’est donc pas morale. Pour le plus grand nombre, elle n’est pas non plus compréhensible : la pédagogie économique des gouvernants est absente, ou guère convaincante. Il faut être initié en science économique pour comprendre en quoi le retour à l’équilibre budgétaire serait à même de créer des emplois et des richesses demain, ou plus probablement après-demain. Et surtout, la purge financière sera-t-elle efficace ? Rien n’est moins certain.

En raison d’un malentendu économique tout d’abord. Le jargon financier dominant laisse croire que le retour à l’équilibre budgétaire (ou à un déficit maîtrisé) signalerait la sortie de la crise. En admettant que l’on y parvienne, ce n’est pas tant l’équilibre qui est impératif, que le niveau de la dépense publique : une économie collectiviste, avec 100% de prélèvement, garantirait un budget en équilibre, se passerait du recours au marché des capitaux mais ne créerait aucune richesse. Mais, il est plus aisé pour le gouvernement d’accroître les impôts que de réduire les dépenses : c’est ce que fait François Hollande. Le gouvernement espagnol, plus courageusement, agit sur les deux termes de l’équation. Mais on attend encore qu’un seul gouvernement nous annonce quel serait non pas un objectif d’équilibre à terme mais son plafond de dépenses publiques ? Silence sur ce sujet, car nul n’ose bousculer les avantages acquis des fonctionnaires, des retraités, des militaires ou des enseignants : c’est-à-dire de tout le monde ou presque .

Essayons donc de penser autrement : non pas à institutions économiques et sociales constantes mais en renouvelant leur configuration même. En commençant par repenser les institutions qui fondent la solidarité nationale car la solidarité est le nœud de la crise financière, la cause première de l’inflation de l’État et du ralentissement de l’économie par les coûts qu’elle impose aux entreprises. Il ne saurait être question, en éthique comme en politique, de renoncer à cette solidarité entre générations, entre riches et pauvres : elle constitue le socle de notre civilisation européenne. Mais cessons de confondre le principe de solidarité avec son mode de gestion : celui-ci est hérité de temps révolus quand les enfants étaient nombreux, la croissance forte et la vie relativement brève. Dorénavant, les enfants se font rares, la vie s’allonge et la croissance est ralentie : les institutions de solidarité ne survivent que grâce à un endettement qui, à son tour, ralentit la croissance. Échapper à cette spirale exige d’imaginer la solidarité autrement, de manière que l’éthique collective devienne compatible avec le retour de l’investissement privé.

Une première piste conduirait à remplacer tous les systèmes complexes de redistribution actuels – retraites, chômage, santé, solidarité – par un Revenu minimum universel. Chacun, citoyen, en-dessous d’un certain seuil de revenus, recevrait une allocation mensuelle qu’il utiliserait à sa convenance pour s’assurer contre les aléas de la vie. Également appelée Impôt négatif sur le revenu, cette innovation réduirait la bureaucratie qui gère la solidarité complexe, elle éliminerait la fraude en grande partie et elle serait parfaitement démocratique. Cet Impôt négatif reposerait sur la responsabilité personnelle de chacun, libre de s’assurer, et non plus sur des calculs électoraux : il s’agit donc d’un choix philosophique. Toutes les simulations montrent que le Revenu minimum ainsi garanti coûterait moins cher que l’addition de toutes les aides publiques existantes. La liberté du choix par les récipiendaires de ce Revenu minimum garanti pour tous générerait des milliers d’entreprises nouvelles, en concurrence, pour offrir les meilleures garanties sociales au moindre coût. Telle serait une sortie de crise imaginative et démocratique.

Une autre piste : encourager ce que l’on appelle le Troisième secteur ou encore le secteur Non Profitable. Celui-ci représente aux États-Unis 12% de l’économie totale, tandis qu’il est à peu près inexistant en France. Aux États-Unis, on le sait, l’éducation, la culture, l’aide sociale, la protection de l’environnement reposent essentiellement sur le don et le volontariat : en France, sur l’État. Serait-il réactionnaire de ranimer ici le don et le volontariat qui furent tout de même constitutifs de notre société civile avant d’être arasés par l’étatisation ? La restauration juridique et fiscale du don et du volontariat rallumerait ce qu’il y a de meilleur en nous, conduisant à des résultats socialement et économiquement bénéfiques.

Au total, qu’il s’agisse du Revenu minimum universel ou du Secteur Non Profitable, la société civile prendrait le relais de l’État, anonyme et bureaucratique. La crise devrait être l’occasion d’imaginer ce retour de la société civile ; sans imagination, nous perpétuerons les causes mêmes de cette crise et nous y ajouterons le risque d’un chaos probable.

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  • POST-libéralisme ?!? Quel libéralisme ?

  • C’est encore un peu faiblard comme approche. Le revenu de base universel ne dépend justement d’aucun seuil. Tout seuil implique une administration de contrôle de qui est en dessous, qui est au dessus, et il se passerait quoi alors pour ceux qui un mois serait en dessous, puis le mois suivant au dessus ? Cela n’a aucun sens. Tout le monde émet une part de la monnaie commune via le revenu de base et alors le contrat social change de nature.

    Ou dit autrement encore, chaque être humain citoyen de sa zone économique a un droit d’utilisation des ressources naturelles de sa zone, libre de choix, donc monétaire, tout le long de son existence. L’espérance de vie limitée implique que la valeur de ce minimum est un calcul mathématique non-arbitraire établissant une symétrie temporelle entre les individus.

    http://www.creationmonetaire.info/2012/07/dividende-universel-et-symetrie.html

    Car « premier arrivé premier servi » n’a aucun sens au regard des libertés. L’appropriation unilatérale des ressources originelles par une génération donnée n’est pas compatible avec la clause Lockéenne ni avec les préconisations de Thomas Paine http://www.creationmonetaire.info/2012/10/thomas-paine.html

  • Mr Sorman, l’anthropologie nous apprend que nos réflexes de solidarité sont communautaires. Nous n’aimons aider que ceux qui nous ressemblent.

    1793 : c’est le début du VOL des fonctions sociales tenues par l’Eglise (école, hospitalité, charité,…) par les hommes de l’Etat. Comme l’Etat a aussi le monopole de la force publique, de l’éducation et des médias, on pourrait dire que la partie est perdue.

    Mais il y a le développement du communautarisme: que ce soit par leur coutumes, leur vêtements, leur langage,… les nouveaux ne nous ressemblent pas! Et l’anthropologue nous prédit que la « solidarité obligatoire » va se traduire par pas mal de frustration.

    Ne nous trompons pas d’ennemi, le communautarisme est une chance pour les libéraux et une ouverture vers ce que vous appelez la « troisième voie ». Nous devons encourager toute forme de solidarité intra-communautaire pour arracher la « solidarité forcée » des pattes de l’Etat.

    Observer la situation tendue sur les sujets où l’Etat cherche à s’amadouer un électorat mais freine l’expression des différences visible (foulards) pour que la solidarité forcée continue à fonctionner. L’affaire du mariage-pour-tous sera aussi une occasion d’enfoncer un biais dans la séparation entre l’Etat et les communautés.

    Qu’en pensez-vous?

  • j’ai de la peine à comprendre le raisonnement de l’auteur. Car le poid de la dette publique et des intérêts qui s’en suivent provient du fait que l’Etat s’endette auprès des banques privées et paie des intérêts pour cela. Alors qu’auparavant, cela n’était pas le cas, et la France n’était pas endettée du tout. Or, aujourd’hui, le 1er poste de la dépense publique concerne celui du service de la dette. Du coup, si on retournait à l’ancienne méthode de financement de l’Etat, à savoir une banque centrale qui lui prête directement et gratuitement, ce gros poste disparaitrait hypso-facto, donc, moins de taxes, pas d’endettement, des ressources financières pour un Etat-stratège, etc. De plus, le propos concernant les naissances est erroné puisque selon l’insée, le taux de natalité > taux de mortalité. Pour terminer, l’idée d’un revenu minimum universel est une idée de prime abord séduisante, mais je ne vois pas en quoi elle résoudrait le problème de l’emploi si les frontières sont toujours aussi ouvertes. En effet, avec la tendance qui voit le salaire français s’aligner sur celui du chinois, très nombreux seraient les salariés ayant droit au revenu minimum universel, alors que trop peu participeraient au financement du Revenu, mettant par là même à mal l’équilibre du modèle : trop peu de recette fiscale pour trop de dépense sociale.

    • Dans l’hypothèse d’un financement direct de l’Etat par la BC, le prix à payer est l’inflation supportée par ceux qui ne reçoivent pas directement en revenus l’équivalent des prêts de la BC, autrement dit les producteurs privés. Le financement direct de l’Etat par la BC revient à augmenter les taxes sur l’économie, mais de façon cachée, insidieuse, par l’impôt inflation.

      En outre, même sans intérêt, les prêts devront être remboursés in fine à la BC. Ce jour là, les impôts visibles augmenteront. Les producteurs privés subiront alors une double peine : inflation et nouveaux impôts.

      La vérité est simple : ne produisant rien, n’étant pas un acteur économique, encore moins un stratège en la matière, l’Etat ne doit jamais être autorisé à s’endetter, quelles que soient les conditions d’emprunt.

    • «  » »Pour résumer jusqu’ici, nous avons donc un état qui ne se gêne pas pour excréter de la dette comme un gros pachyderme mou et complaisant parce que ses citoyens en réclament à qui mieux-mieux, et de l’autre, des intérêts absolument nécessaire pour assurer que la monnaie fasse un minimum confiance, et qu’elle ne spolie pas complètement les épargnants. «  » »

      http://h16free.com/2011/11/28/11407-pour-en-finir-avec-la-loi-de-1973

  • Mon dieu mon dieu
    Dire que c’est vous qui m’avez fait découvrir le libéralisme dans les années 80 avec ‘La solution libérale’ ou ‘L’état minimale’ que j’ai dévoré.
    Mais alors là mes bras m’en tombent, du constructivisme du constructivisme encore et encore.
    PS et puis mettre ‘ancien élève de L’ENA’ sur un site libéral… menfin personne n’est parfait 🙂
    Bien cordialement quand même.

  • Je pense que les libéraux qui souhaitent rendre audible leurs revendications dans l’espace politique, seraient bien inspirés de réfléchir aux suggestions de Guy Sorman.

    Sinon, le libéralisme restera dans son incompréhension et sa marginalisation.

    A vous de voir.

  • Revenu minimum universel: probablement la meilleure façon de justifier l’irrresponsabilité de beaucoup de nos concitoyens. Regardez, par exemple, à quoi sert la mirifique allocation rentrée qui vient d’être distribuée généreusement par le nouveau gouvernement.
    De plus, que faire de tous les imprévoyants (les cigales) qui jouiraient de la vie sans penser aux lendemains qui déchantent?
    Plus fondamentalement, on ne peut pas réformer une société en imaginant des solutions qui ne s’appliquent qu’à une société idéale: cela reste du pur platonisme (n’enseigne-t-on aucune autre philosophie à l’ENA?), le sceau indélébile de tous les idéalistes.
    Ce sont bien les imperfections initiales de la société qui obligent, en dépit de toutes leurs prévisions, les systèmes socialistes à multiplier sans fin la bureaucratie qui paliera auxdits écueils que la prévision n’envisage jamais.
    La pire utopie me paraît être de vouloir abolir les inégalités d’un monde qui est, par définition, inégal. Apprendre à chacun à faire face à ces inégalités devrait être le rôle de toute éducation et le bénéfice de toute expérience. Mais, là encore nous serons tous inégaux dans l’application de ces principes qui stimuleront certains mais paraliseront d’autres.
    En résumé, laissons chacun se débrouiller avec ce que la chance et l’imagination lui permet d’obtenir de la vie. Mais ce n’est, à coup sûr, pas une philosophie pour les faibles…

    • C’est une position qui se défend, surtout quand on est du bon coté.

      Seulement la démocratie impose un consensus pour satisfaire une majorité.

      Donc, toute idéologie trop avantageuse à une minorité est déposée au fond de l’impasse des utopies.

  • Les commentaires sont fermés.

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