Une brève histoire de l’hyperinflation

Si l’Histoire apprend quelque chose, c’est que l’hyperinflation est possible et qu’actuellement tout se met en place pour.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Inflation en Mark

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Une brève histoire de l’hyperinflation

Publié le 30 octobre 2012
- A +

Plusieurs fois dans ces colonnes, et bien évidemment ailleurs (mais, comme par hasard, très rarement dans la presse mainstream), on a parlé d’hyperinflation, notamment à la suite des dernières opérations aux noms magiques comme QE (pour les Américains) et LTRO (pour les Européens). Aujourd’hui, je vous propose de revenir un peu dans l’histoire récente de cette hyperinflation, définie comme une période où l’inflation mensuelle est de plus de 50%.

Grâce au travail de Steve Hanke et Nicholas Krus, du Cato Institute, on dispose de données fiables et intéressantes sur les périodes d’hyperinflations connues.

Première constatation : saperlotte, la monnaie papier, ça inflate drôlement dans les périodes de crise, et pas qu’une fois de temps en temps. Si l’on regarde le tableau des deux chercheurs, on se retrouve avec des périodes d’inflations étalées de 1920 à 2008, avec un regroupement de trois grosses périodes :
– la première, avant la seconde guerre mondiale, de 1920 à 1924
– la seconde, depuis 1941 jusqu’au sortir de la guerre, 1949
– la troisième, après l’explosion du bloc soviétique, de 1988 à 1998

Bien évidemment, on trouve aussi un saupoudrage de quelques pays jouant avec leur presse à billets en dehors de ces périodes, l’exemple le plus frappant étant le Zimbabwe de Mugabe pour la période récente, le Chili de la transition Allende/Pinochet, et la France des assignats (qui est donc un précurseur de tous les autres, puisqu’au 18ème siècle). Et en substance, le schéma est toujours le même : la situation économique du pays qui va subir une hyperinflation se dégrade rapidement notamment sous l’effet de dépenses de moins en moins contrôlées par l’État. Ensuite, pour éviter une dépression sévère, les autorités monétaires du pays commencent à emprunter et laisser filer la valeur du papier monnaie pour aboutir à un épisode de grand n’importe quoi dont l’aspect rigolo n’est perçu qu’au-delà des frontières par ceux qui ont eu le temps de fuir ou la présence d’esprit de n’avoir aucun intérêt économique avec les malheureux qui sont restés sur place. Pour s’informer, on pourra lire avec attention le dossier réalisé par Business Insider qui revient sur la période d’hyperinflation dans le régime de Weimar.

Par curiosité, voici les pics d’inflation constatés dans les différents cas. Comme on peut le voir, il n’y a pas vraiment de limite : oui, à proprement parler, lorsque les presses se mettent à cracher du billet, tous les nombres sont possibles et un doublement du prix des biens et services toutes les quinze heures a déjà été constaté (en Hongrie, donc).

daily peaks
(NB : certains pays sont présents plusieurs fois, parce qu’ils ont eu plusieurs épisodes de fête du slip monétaire)

La question qui vient ensuite à l’esprit est de savoir s’il existe une corrélation entre la durée de l’hyperinflation et sa force (importance du taux). J’ai réalisé un petit nuage de points qui donne ceci, et sur lequel on peut distinguer trois groupes de pays.

En gros, le premier groupe (bleu) correspond aux pays dont l’hyperinflation (quelques pourcents par jour) n’a pas duré très longtemps (jusqu’à trois mois). Le second groupe correspond à ceux qui ont eu ces mêmes taux (voire un peu plus soutenus) et qui ont fait durer le plaisir plus d’un an. On imagine le bonheur des populations concernées. Enfin, le dernier groupe, heureusement moins gros, correspond aux États dont la population aura eu a subir l’incurie et l’incompétence avec des taux records pendant de longues années. De ces trois groupes, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il n’y a pas de pays pour lesquels il y aurait eu des taux journaliers très forts et une courte période d’hyperinflation. Manifestement, si les taux d’hyperinflation galopent, c’est parti pour durer…

Il est intéressant de constater que certains de ces États furent des dictatures ou que dans la plupart des cas, la possibilité même de fuir la monnaie imposée était combattue avec d’autant plus d’acharnement que la durée d’hyperinflation était longue et que les taux étaient élevés. Autre point intéressant : dans aucun des cas le phénomène ne se sera arrêté de lui-même sans la mise à mort pure et simple de la monnaie considérée, éventuellement assortie de la chute du régime correspondant. Autrement dit : non seulement, l’hyperinflation est un phénomène qui est au début déclenché volontairement sous couvert d’une inflation « contrôlée », mais en plus, il échappe rapidement à tout contrôle.

Et maintenant, pour en revenir à la situation européenne ou américaine, on constate quelques similitudes. Par exemple, les efforts actuels des banquiers centraux, Draghi et Bernanke, visent à éviter autant que possible une dépression carabinée dans leurs deux grands blocs économiques, en compensant les déflations visibles sur les biens secondaires ou de luxe. Par une multiplication de jeux d’écriture et d’opérations dont la complexité apparente s’explique difficilement par autre chose qu’un désir de camoufler une création monétaire soutenue, les deux bricoleurs ont malgré tout du mal à endiguer le manque cruel d’enthousiasme des populations pour une nouvelle vague de crédit bon marché ; on sent que la succession de QE et de LTRO, dont chaque avatar suscite moins d’intérêt que le précédent, ne parvient pas à relancer le furieux bastringue monétaire.

Pour le moment, tout le monde s’accroche aux deux monnaies. L’Euro et le Dollar sont encore vecteurs de valeur. Mais comme dans tous les épisodes d’hyperinflation précédents, qui peut encore garantir que, un petit matin, la confiance qui sous-tend encore ces monnaies ne va pas s’évanouir ? Certes, le pire n’est pas certain, mais il est de moins en moins improbable, surtout vu les injections de monnaies auxquelles on assiste. Du reste, les mouvements récents d’abandon du dollar de certains pays, dont des acteurs majeurs comme la Chine, dans leurs transactions commerciales, montrent que le règne du dollar s’achève. Or, pour le moment, rien ne semble prêt pour le remplacer, et certainement pas l’Euro, dont tout le monde comprend que s’il doit partir en sucette, il le fera avant le dollar ; et bien malin qui pourra dire quand cela pourra advenir, encore que les tensions s’accumulant entre l’Allemagne et la Grèce pourraient déclencher des événements intéressants.

Si l’Histoire nous apprend quelque chose, c’est qu’elle réalise le paradoxe d’être imprévisible et de se répéter. L’hyperinflation n’est ni rare ni impossible sur un continent comme l’Europe ou les États-Unis. Et les mêmes causes (crises, tensions internationales, manipulation excessive de la monnaie) provoquent les mêmes effets (inflation galopante, perte de confiance, destruction de richesses). C’est dans ce contexte qu’un homme averti en vaut rapidement deux, puis quatre, puis 60 puis un million.

—-
Sur le web

Voir les commentaires (12)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (12)
  • 1/ « L’hyperinflation n’est ni rare ni impossible sur un continent comme l’Europe ou les États-Unis. »

    Exact

    2/ « Et les mêmes causes (crises, tensions internationales, manipulation excessive de la monnaie) provoquent les mêmes effets (inflation galopante, perte de confiance, destruction de richesses). »

    Exact également mais, d’une part, on n’est jamais sur de la façon dont les choses vont évoluer (les politiques peuvent changer brutalement par ex) et, d’autre part, on ne connait jamais toutes les causes à l’avance. Moralité, il faut certes se faire une religion mais en la pondérant de probabilité.

  • Hum…1920 à 1924 ce n’est pas avant la seconde guerre mondiale c’est après la première guerre mondiale.

    • Oui certes. Il s’agissait juste de donner un repère temporel, mais effectivement, le lien est à faire avec la première avant et non la seconde après. Mea culpa.

  • Globalement d’accord avec ce qui est dit sur l’Europe : l’euro et les politiques socialistes ont créé une hypertrophie monétaire en distribuant massivement de l’argent non gagné, par exemple au travers des systèmes de retraite par répartition. Cette hypertrophie doit à un moment ou un autre entraîner de l’inflation.
    Par contre c’est beaucoup moins clair pour les États-Unis : ma compréhension est qu’il n’y a pas de création monétaire, mais une circulation accélérée de la monnaie : les banques US ont cessé de prêter aux banques européennes (qui sont massivement sous-capitalisées et donc très fragiles) et ont donc de gros excédents de liquidités qu’elles placent à la Fed, laquelle utilise ces liquidités pour acheter des bons du Trésor et donc encourager l’activité. D’un point de vue monétariste, les perspectives des US sont donc bonnes.
    Ma source : le blog de Jean-Pierre Chevallier dont je recommande à tous la lecture : http://chevallier.biz/
    Mon seul point d’incompréhension par rapport aux explications de Monsieur Chevallier sur les US est le niveau anormalement bas des taux d’intérêt qui semble être un paramètre secondaire dans l’approche monétariste et qui entraîne cependant une mauvaise allocation du capital, aspect souligné notamment par Charles Gave dans plusieurs articles récents.
    PS : si certains ont des éléments pour m’aider à y voir plus clair entre les points de vue de Messieurs Chevallier et Gave, je suis preneur.

  • L’inflation se voit depuis 2008 particulièrement mais dans des proportions très faibles comparé à la quantité de monnaie émise. Pour le moment les banques ne prêtent pas, les entreprises et les ménages remboursent leurs dettes, quand tout ça sera fini et que la machine repartira ce sera le déluge d’hyperinflation.

    • C’est un risque mais il n’est pas certain. L’hyperinflation sera efficacement combattue par l’hyperdéflation des secteurs publics européens, en contraignant les Etats à rembourser effectivement leurs dettes.

      Un très mauvais signe serait une modification du mandat de la BCE à la faveur d’un nouvel accès de crise.

  • Paradoxalement, pour moi ce qui a évité un épisode de fausse monnaie ces dernières années en France, c’est l’euro et son « ancrage » au mark allemand.
    Sinon, je suis sûr que l’un de nos politiques aurait eu la merveilleuse idée d’imprimer des billets pour financer les promesses électorales les plus délirantes…

  • l’hyperinflation ne représent pas grand chose si on ne le rapporte pas aux moyens de subsistance existanciels.

    En effet si on peut vivre sans se payer de produits non indispensable, c’est moins grave que de finir à la rue et ne plus pouvoir manger correctement.

    Alors que l’asie nous vende des ordinateurs de plus en plus bon marché, vu qu’il n’y a plus assez de demande, c’est juste normal.
    Mais ce que cela implique c’est aussi les masse d’argent perdus dans cette spéculation pour ces produits qui peut être demain ne seront plus consommés…. Le retour à la terre n’est pas une uthopie !

  • Les sociales-démocraties peuvent-elle être une dictature au sein de la zone euro pour reprendre la main sur la manipulation de la monnaie ? Les allemands pourront-ils accepter de laisser glisser la monnaie en lâchant du lest aux politiques budgétaires laxistes de la zone euro ? Car la réponse à une inflation puis hyperinflation est là : soit les politiques acceptent de voir que leur folies dépensières iront au clash et se plieront à l’orthodoxie allemande en matière de gestion budgétaire, ce qui relâchera la tension sur la monnaie, soit la démagogie l’emportera et là deux solutions : 1) les pays sont en total désaccord et chacun reprend ses billes et malheur aux pays qui laisseront les politiques manier leur monnaie 2) les pays de toute la zone euro sont en phase et la BCE se trouve dans l’obligation de suivre et le scénario décrit ci-dessus prend toute sa dimension : nous entrons dans une dictature provoquée par la sociale-démocratie et qui fera exploser tous les pays.

  • On s’apercoit en lisant le lien sur l’inflation allemande dans les années 20 que les gens se passent des billets de banque pour favoriser des coupons qui sont utilisables dans les commerces. En somme, les prémices d’une autre monnaie que celle de l’étât.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

6
Sauvegarder cet article
Inflation et plus-value dans l’immobilier

En règle générale, les calculs du prix de l’immobilier publiés dans les journaux et revues, ou cités sur les sites internet ou les chaînes de radio-télévision sont effectués sans tenir compte de l’inflation. Les interprétations des résultats qu’ils présentent n’ont guère de sens.

La hausse des prix de l’immobilier est de toute évidence incontestable, mais il est nécessaire de rétablir une mesure rationnelle et réaliste de cette augmentation.

Cette mesure est déduite de deux indices défin... Poursuivre la lecture

Ce vendredi 2 février, les États membres ont unanimement approuvé le AI Act ou Loi sur l’IA, après une procédure longue et mouvementée. En tant que tout premier cadre législatif international et contraignant sur l’IA, le texte fait beaucoup parler de lui.

La commercialisation de l’IA générative a apporté son lot d’inquiétudes, notamment en matière d’atteintes aux droits fondamentaux.

Ainsi, une course à la règlementation de l’IA, dont l’issue pourrait réajuster certains rapports de force, fait rage. Parfois critiquée pour son ap... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles