Dette cachée : le monstre invisible

À la dette visible de l’État français, il faut ajouter la dette invisible, ou dette implicite, qui correspond aux engagements des régimes de sécurité sociale.

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Dette cachée : le monstre invisible

Publié le 27 octobre 2012
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À la dette visible de l’État français, il faut ajouter la dette invisible, ou dette implicite, qui correspond aux engagements des régimes de sécurité sociale.

Par Acrithène.

Dans mon dernier article sur la dette publique, je vous expliquais qu’au regard des précédents historiques, lorsqu’une économie avancée voit sa dette s’élever au-dessus de 90% de son PIB, elle met en moyenne un quart de siècle à redescendre sous ce seuil. Mais c’est sans compter sur l’énorme dette implicite qui pèse aujourd’hui sur l’Europe des vieux et qui viendra s’ajouter à la dette comptable au cours des 25 prochaines années avec l’explosion du papy boom.

D’après la BCE, avant le début de la crise financière (2007), la somme des dettes explicites et des obligations implicites de la sécurité sociale de la zone euro avoisinait les 400% du PIB, contre 170% aux États-Unis. Voyons de quoi il s’agit…

Les statistiques comptables de la dette publique ne révèlent en effet qu’une petite partie des engagements financiers futurs auxquels sont assujettis les États.  Cela ne vient pas d’une manipulation de compte, mais du fait que la comptabilité, à la différence notable de la finance, se concentre sur le passé et l’explicite.

La dette publique comptable vient de l’accumulation des dépenses passées de l’État qui n’ont pas pu être couvertes par les recettes publiques. Ce déséquilibre a été temporairement pris en charge par des épargnants, qui ont obtenu en retour une créance sur l’État, obligeant ce dernier à leur verser dans le futur une compensation financière (la somme initiale augmentée des intérêts). C’est ce que référence correctement la comptabilité et qu’on peut qualifier de dette explicite.

Tous les jours, l’État accorde aussi des dettes implicites. Par exemple, lorsqu’il prélève de votre salaire des charges sociales pour payer les retraités, il ne vous accorde pas en retour une créance explicite, statuant d’un échéancier précis pour le remboursement de cette avance. Cependant, si vous acceptez ce système, c’est parce que vous croyez que ce don à l’État fait naître une créance implicite, à savoir votre droit de recevoir une pension dans plusieurs années. La cotisation retraite n’est en ce sens pas un impôt comme les autres, il a une dimension tacite sur les budgets futurs de l’État. C’est un impôt à rembourser, donc une forme de dette.

Pour l’économiste, les dettes implicites et explicites sont fondamentalement similaires : elles sont des obligations de rembourser de l’argent. Leurs différences se limitent principalement à leur clarté comptable et à leur forme juridique, mais elles impactent d’une même manière le futur des comptes publics. D’ailleurs, avec le temps qui passe, les dettes implicites se matérialisent (des actifs demandent leur retraites), et sont alors affectées à la dette explicite.

Ce qu’en France on appelle le « système par répartition » pour souligner la notion de partage, les manuels d’économie l’appellent « unfunded system » et l’opposent au « funded system », qu’on appelle aussi en Gaule « système par capitalisation », pour en montrer la perversité financière. Les mots anglais sont bien plus adaptés, car ils résument simplement la différence fondamentale des deux systèmes. Dans le système funded, l’argent nécessaire au paiement des futurs retraités est mis de côté au fur-et-à-mesure que naissent et grandissent leurs droits à la retraite. Dans le système unfunded, l’argent nécessaire n’est récolté qu’au moment où l’obligation de payer se manifeste. Que le système unfunded soit perçu comme plus prudent par l’essentiel de la population tient des miracles de la politique.

Donc quand existe un système unfunded, il n’existe pas d’actifs dédiés au financement futur des obligations financières implicites de l’État. Il s’agit d’une dette totalement nette. L’argent qui permettra de l’honorer n’existe pas encore, et devra être prélevée plus tard, exactement comme la dette explicite.

Pourquoi cela nous intéresse-t-il ? Parce que les dettes implicites de l’État sont colossales. Mais aussi parce qu’elles sont assez différentes d’un pays à l’autre, ce qui fait de la dette explicite un mauvais instrument de comparaison internationale.

Comme je l’ai expliqué, la dette implicite ne figure pas dans les comptes de l’État. Il faut donc s’appliquer à réaliser une analyse financière sérieuse pour la chiffrer. Cela explique pourquoi je n’ai pas de chiffres tout frais à vous offrir. Par ailleurs, le montant de la dette implicite est incertain, il dépend de variables démographiques (durée de vie), de variables politiques (âge de départ à la retraite)… ce qui explique pourquoi je vous donne des estimations qui peuvent varier d’une source à l’autre.

Les tableaux qui suivent représentent une estimation des obligations financières des États au regard des cotisations retraites déjà perçues (et qui n’ont pas été capitalisées).

Enfin, pour voir pourquoi la dette implicite s’explicitera dans les décennies à venir, il suffit de regarder une pyramide des âges de la France (une des moins inquiétantes d’Europe)…


Sur le web

Voir aussi :

Pour une comparaison analytique des systèmes de retraite : Retraites : pourquoi les jeunes devraient manifester POUR la réforme !

Sources :

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  • Article eclairant. J’ai quand meme une question: pourquoi dit-on que la retraite par repartition est « unfunded »? Tous les mois est retire de notre salaire un montant pour financer notre retraite future (ou pour participer a ce financement). Donc me semble-t-il, le systeme par repartition est « funded », au moins en partie, non? Le probleme est sans doute dans le « au moins en partie »…

    • Il ne faut pas voir « funded » sans le sens « l’Etat dispose-t-il de fonds ? » mais dans le sens :
      Une personne qui souscrit à un système de retraite cotise et attend une prestation en retour à sa retraite. Les fonds finançant dans le futur la prestation d’une personne lambda sont-ils provisionnés ?
      C’est à dire, la somme est-elle mise de côté (placé sur les marchés avec un risque très faible ou plus agressif au choix) ou non ?
      Dans un système par capitalisation, l’argent est placé, il existe dans les comptes du prestataire de la retraite un passif, donc une dette envers cette personne, c’est donc funded, les fonds sont là.
      Dans un système par répartition, l’argent cotisé est immédiatement dépensé et aucune provision n’est passée, aucune dette n’existe, tout simplement car une provision est attachée à un engagement financier et quand on cotise à le retraite par répartition, l’Etat ne s’engage absolument pas à rembourser, d’où la notion de tacite. Vous pouvez avoir cotisé de 20 ans à 60 ans et quasiment rien toucher, vous ne pourrez rien faire, il n’y a pas d’engagement. C’est pour ça que l’Etat peut jouer avec les conditions de départ en retraitre, l’âge, le montant des retraites, des niveaux différents en fonction de critères de travail jugé difficile ou non… On pourrait vous donner 1 centime par mois, il n’y aurait rien à dire car votre argent n’existe plus. Quand vous cotisez à la retraite par répartition, l’état n’a aucune dette envers vous. Juste un engagement tacite sans contrat qui n’engage que ceux qui y croient. Donc, pas de provision, pas de dette, unfunded.

    • En France le terme « cotiser » est abusivement utilisé sciemment.
      On ne cotise pas on paie cash les retraités.
      J’ai payé la retraite des mes grands parents, de mes parents, l’état aujourd’hui peut diviser par deux mes revenus quand ils le veulent, et il ne se gênera pas quand je vois comment il est parti.
      Par contre il ne touche pas à la retraite des fonctionnaires et para-fonctionnaires, rentiers à vie à notre charge, et oh combien cajolés et favorisés alors que c’est nous payons.
      Les comptes de leurs caisses fait peur, mais personne n’en parle, ce sont encore les privés qui vont les engraisser, et on va nous serrer la ceinture à leur profit.

    • @obj95. « Tous les mois est retire de notre salaire un montant pour financer notre retraite future » : non, tous les mois est retiré de votre salaire le montant nécessaire pour financer les retraites des retraités actuels, pas pour vous. Vos cotisations ne servent pas à créer de l’épargne mais sont immédiatement et intégralement dépensées. Dès que les retraités touchent leurs retraites, il n’y a plus un euro en caisse.

    • Dans un système capitalisé on agit pour pouvoir payer les retraites de cotisants, en investissant leurs cotisations. Une gestion actuarielle indique si le fonds est capitalisé convenablement, ou s’il est en excédent ou en déficit. Mais dans ce dernier cas, le déficit constaté pour l’exercice courant correspond à un défaut de paiement dans de nombreuses années.

      Dans un système par répartition, le rendement de vos cotisations dépend entièrement de la croissance de la masse salariale des français divisée par celle des retraites à leur verser, sauf ajustement des taux de cotisation (or il est difficile de les augmenter plus).

  • Dans les systèmes de retraite par capitalisation, il faut différencier celui à prestations définies et celui à cotisations définies. Si le second est, par construction, équilibré, le premier ne l’est pas. C’est d’ailleurs pourquoi nombre de municipalités aux USA ont fait faillite : des rendements trop élevés avaient été garantis aux agents municipaux.
    Sinon, sur les dettes implicites des retraites, si je comprends bien, il s’agit de l’ensemble des engagements futurs (actualisés). C’est-à-dire que l’on ne prend pas en compte les cotisations futures. Si c’est bien le cas, il me semblerait plus pertinent de calculer l’ensemble des déficits (les prestations moins les cotisations) futurs actualisés.

  • Ce qui est génial c’est que, alors que pendant les 30 dernières années, l’Etat aurait du engranger des surplus afin de pouvoir assumer ce déficit prévisible … il s’est passé exactement le contraire, l’Etat a empilé les dettes, afin de rendre la situation encore plus explosive.

    Criminels ou simples incompétents, ceux qui ont dirigé le pays pendant cette période ? On ne le saura probablement jamais, mais en tout cas une certitude : ceux la ne méritent pas leur retraite, et doivent être la première variable d’ajustement du budget.

    • Tant que vous n’êtes pas retraité, vous faites partie des de la masse des indifférents qu’il faut tondre pour engraisser les gentils (retraités) et les méchants (fonctionnaires, qui deviennent aussi des gentils à 60 ans) qui descendent dans la rue pour défendre leurs privilèges. Maintenant que les gentils sont de plus en plus nombreux, les politiciens vont les caresser dans le sens du poil (prime à la casse, accès facile au crédit immobilier) mais à crédit puisque les caisses sont vides.

      Le système de retraite Pétain-Belin-Madoff est une bombe thermonucléaire. Comme en URSS, de nombreux retraités se retrouveront à la rue.

  • Cette élite de bébés a bâti un système qui va bien sûr conduire à la faillite au sens propre du terme, mais elle préfère cela au risque de devoir vivre dans une société portée par les créateurs de richesses. ceux ci existent en effet dans le cadre d’une société libre permettant l’émergence des talents, or sur une telle planète la conccurence pourrait révéler leur incompétence peureuse et blesser par là même leur narcissisme infantile et fragile. Plutôt la faillite que la liberté: on pourra toujours accuser ceux que l’on a plumé d’en être responsable!

  • Ca sent trop vrai…..!

  • Il est de bon ton de rappeler, que le système de retraite par répartition a été mis en place par la loi du 14 mars 1941, promulguée par Pétain et préparée par son ministre du travail, Réné Belin ancien secrétaire général de la CGT.
    Mais aussi, il faut rappeler, que cette loi mettait fin à un système de retraite par capitalisation mis en place en 1930 et qui avait permis d’accumuler 11 milliards de francs de l’époque. Cette somme fut dilapidée entre 1941 et 1944. CQFD

  • Il est bon de rappeler que les obligations qui pèsent sur nous ne se limitent pas aux retraites des fonctionnaires; et que l’État ne peut pas être dédouané de la dette des retraites du privé, car c’est lui qui nous impose ce système.

  • Je lis beaucoup d’articles depuis peu sur ce site. Je suis totalement d’accord sur la valorisation de la prise de risque qui pour moi est un facteur primordial du développement humain. Mais pour en revenir aux analyes économiques j’aimerai avoir le point de vue de libéraux convaincus sur une question: que pensez vous du rôle des paradis fiscaux. C’est bien beau de mettre sur le dos de l’interventionnisme étatique la crise systémique, mais l’endettement est aussi dû au fait que l’on privatise les profits mais qu’on laisse les états gérer les déficits alors même qu’ils sont privés d’une masse importante de recettes fiscales du fait de l’évadement fiscal.

    • Ce n’est pas un avis de libéral mais plus d’économiste.

      Les impôts qui rapportent effectivement de l’argent, ne sont pas les impôts forts par société ou par individu, mais ceux qui ont la base fiscale la plus large.

      Or l’essentiellement de la base fiscale ne peut pas quitter un pays.

      Taxer 50% des revenus des 1% les plus riches rapportera moins que 1% des 99% des autres ! Donc les paradis fiscaux ne sont certainement pas une explication de la dette des Etats (ils sont préoccupants pour d’autres raisons, en particulier l’opacité et l’argent sale).

  • Pensez vous VRAIMENT que sur un site aussi public les vrais chiffres vont être donnés????
    Bonne soirée!
    Une « en état d’éveil »ah ah il faut les informations à la source vérité de LaPalisse…
    MH

  • Les commentaires sont fermés.

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