Mitt Romney : Ce « 47% » qui n’a pas lieu d’être

La polémique enfle autour des récentes déclarations de Mitt Romney filmées à son insu. Mais sont-elles si choquantes ?

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Mitt Romney : Ce « 47% » qui n’a pas lieu d’être

Publié le 20 septembre 2012
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La polémique enfle autour des récentes déclarations de Mitt Romney filmées à son insu. Mais sont-elles si choquantes ?

Par Baptiste Créteur.

 

Mitt Romney

Les déclarations récentes de Mitt Romney, filmées à son insu mais dont il déclare assumer pleinement le contenu, révèlent sa compréhension fine des enjeux aussi bien politiques qu’électoraux : il défend des idées sur lesquelles le capitalisme repose et qui ont fait la réussite des États-Unis, et sait que cela le prive du soutien et du vote de la quasi-majorité de l’électorat américain.

Cela peut paraître surprenant de notre côté de l’Atlantique, mais il souhaite, s’il est élu, réduire le pouvoir dont il disposera en tant que chef de l’État :

M. Romney a persisté dans son approche et a décrié la philosophie de M. Obama, « celle d’un gouvernement plus gros » selon lui. Le candidat républicain s’est dit opposé à la « redistribution » des richesses, estimant que « un pays où le gouvernement joue un rôle plus important et redistribue de l’argent, c’est une mauvaise voie pour les États-Unis ».

La polémique enfle autour de sa vision d’une frange de la population américaine, 47% plus exactement :

[…] il y a 47 % d’électeurs qui soutiennent Barack Obama, parce qu’ils dépendent de l’aide de l’État fédéral, qui pensent qu’ils sont des victimes, qu’il est du devoir du gouvernement de les assister, qui pensent avoir droit à une couverture maladie, à être nourris, à être logés, bref à tout ce que vous voulez.[…] Et comme 47 % des Américains ne paient pas d’impôts, notre discours sur les réductions d’impôts n’a pas de sens pour eux.

Personnellement, je ne vois rien de scandaleux à affirmer qu’une partie de la population, par un calcul simple, préfèrera sans doute augmenter les prestations sociales dont elle bénéficie financées par des impôts qu’elle ne paie pas plutôt que renoncer à une partie de ces prestations pour alléger le poids des taxes. Il en déduit logiquement que cette partie de la population sera en toute vraisemblance défavorable aux idées qu’il défend et favorisera lors du scrutin les idées qui lui sont les plus favorables, défendues par Barack Obama.

Mais au-delà de la polémique, le débat sur le niveau acceptable de redistribution des plus productifs vers les moins productifs repose sur une hypothèse forte : l’acceptabilité intrinsèque de cette redistribution forcée. Accorder à chaque individu le droit à des services qu’il n’a pas à financer suppose de les faire financer par d’autres, c’est-à-dire priver certains individus d’une partie des fruits de leur travail au profit des autres. Soumettre par le vote la décision d’accorder ces droits, c’est octroyer à la majorité le pouvoir de décider de qui bénéficie des fruits du travail des individus. Des auteurs comme Robert Nozick ou Ayn Rand ont parfaitement illustré cette dérive :

Le droit à la vie est la source de tous les droits, et le droit de propriété en est la seule application. Sans droits de propriété, aucun autre droit n’est possible. Dans la mesure où l’homme doit subvenir à ses besoins par ses propres efforts, un homme qui n’aurait pas droit au fruit de son travail n’a aucun moyen de subvenir à ses besoins. L’homme qui produit alors que d’autres disposent du fruit de son travail est un esclave.

Il faut garder à l’esprit que le droit de propriété est un droit d’agir, comme tous les autres : ce n’est pas le droit à un objet, mais le droit d’agir et de jouir des conséquences de la production ou du gain de cet objet. Il ne garantit pas que tout homme possède quelque chose, mais seulement une garantie que, s’il la gagne, il la possèdera. C’est le droit de gagner, conserver, utiliser et disposer des valeurs matérielles. (Ayn Rand, « The virtue of Selfishness »)

La question des droits des individus à une protection sociale par l’État soulève celle des droits des individus, ou plus exactement des droits qu’a la majorité sur les individus :

« Démocratique » dans son sens d’origine [fait référence à] une règle de la majorité sans limites… un système social dans lequel le travail, la propriété, l’esprit et la vie de chacun sont à la merci du premier gang venu qui en appellerait au vote d’une majorité, à n’importe quel moment et dans n’importe quel but. (Ayn Rand, « The Ayn Rand Letter », “How to Read (and Not to Write)”)

Ainsi, le capitalisme repose sur le droit de conserver et jouir des fruits de son travail. Le droit de propriété n’est pas une limite à la démocratie, mais un principe qui évite qu’elle ne devienne une tyrannie de la majorité. Ce débat sur le 47% de Mitt Romney n’a pas lieu d’être.

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  • C’est pas faux …

  • C’est choquant car il n’y a certainement pas 47% de gens aux US qui veulent vivre sur le dos des autres. Parmi les bénéficiaires d’aides, il y en a qui ont réellement besoin d’aide, et qui préfèreraient s’en sortir par eux-mêmes. Les classer parmi les assistés professionnels est aussi insultant que se faire traiter d’exploiteur des pauvres pour un libéral.. sinon, globalement d’accord avec la tonalité de l’article.

    • Il s’agit de 47% de gens qui n’ont pas objectivement intérêt à ce que les idées de Romney l’emportent.

      De plus, qu’ils votent à gauche n’est pas une spéculation mais un constat (bien entendu il y a des exceptions).

      • « Il s’agit de 47% de gens qui n’ont pas objectivement intérêt à ce que les idées de Romney l’emportent. »

        Mais je rêve ??? parmi ces 47% qui ne paient pas d’impôts, il y a aussi les chômeurs qui ont perdu leur travail et qui attendent une politique plus saine pour en retrouver, des étudiants qui en cherchent et n’en trouvent pas, et des retraités qui ont cotisé leur vie entière ! Cet imbécile de Romney les insulte en leur disant qu’ils ne sont que des losers, alors qu’ils sont au contraire prêts à voter pour une personne qui fasse sortir l’économie de l’ornière.

        Et vous reprenez sa phrase pour argent comptant ? Mais bon sang réfléchissez un peu aux FAITS !

        Les amerloques parlent de « fact free statement » face à des phrases pareilles.

        Ce type ne connait même pas son propre pays et son propre électorat. C’est un désastre. Obama est là pour 4 ans de plus.

  • J’imagine que la question de savoir si la France est encore une démocratie ne se pose meme pas … (entre les fonctionnaires et les bénéficiaires des programmes sociaux).

    Est il « libéral » de retirer le droit de vote à toute personne qui perçoit plus d’argent de l’état qu’elle ne lui en donne (impôt ou autre) ?

    • C’est quand même rigolo, je trouve : aux USA, les « libéraux » sont traditionnellement plutôt placés à « gauche », c’est-à-dire du côté démocrate.

      Or, les deux politiciens prônant une réduction significative du rôle de l’Etat dans la société américaine sont… républicains.

      Comprenne qui boit.

      • Aux USA, un « Liberal » est peu ou prou un « Gauchiste ».
        Un libéral (au sens classique du terme) est un Libertarian (ou libertarien).
        Ron Paul se revendique lui-même de l’école liberal-classique (Bastiat, Guizot, Tocqueville…)

      • Les gauchistes ont choisit le nom de libéraux pour échaper au McCartisme. Mais rappelez-vous qu’il y’a aussi beaucoup d’étatiste chez les Républicains, mêmes si les authentiques libéraux (au sens de chez nous), y semblent de plus en plus nombreux. Ou en tout cas parviennent de plus en plus à s’y faire entendre.

        Il ne faudrait pas oublier que les valeurs du libéralisme sont parmi les valeurs traditionnelles de l’Amérique. Il n’est donc pas extraordinaire que des conservateur puissent s’en sentir plus proches que des progressistes.

    • Non, retirer le droit de vote ce n’est pas libéral. Ce qui est libéral c’est de diviser à l’infini les sujets, en n’accorder le droit de vote sur un thème qu’aux citoyen effectivement concernés par le sujet : de même que les habitant de Lille ne votent pas pour choisir le maire de Lyon, ou que les actionnaires de Total sont les seul à voter sur la direction de cette société, il n’est pas juste que les gens qui ne contribuent pas votent les recettes, mais rien ne s’opposent à ce qu’ils participent à la décision sur la dépense, ou sur les réglementations qui s’appliqueront à eux. Séparation des pouvoirs, tout ça…

  • c’est marrant les médias lui tombent tous dessus alors que personne n’a parlé du « you didn’t buiuld that » qui est bien plus choquant

    • C’est effectivement ce qui m’a le plus choque… Le « you didn’t build that » est une insulte a ceux qui se levent le atin pour aller PRODUIRE leur salaire plutot que de « gagner » leur traitement, par la loi. Mais pour un pays socialiste (et nationaliste ,dans le sens ou un emploi francais vaut plus qu’un emploi chinois selon les protwctionnistes genre MelanCon) comme la France.

      • Faut arrêter avec ce genre de remarques, elles sont doublement insultantes, et en plus elles sont contre-productive.
        Insultante parce que ça met tous les français dans le même panier, celui des socialistes.
        Insultante parce que ça rend responsable de leur malheur les français qui souffrent de la domination par une « élite » (presse, personnel politique, enseignement…) qui ne jurent que par le socialisme ou l’étatisme.
        C’est l’Etat Français qui est socialiste, comme tous les états d’ailleurs, et c’est un peu pénible pour l’esclave de se voir reprocher le comportement de son maitre. si les français étaient vraiment socialistes, ils seraient dans des SCOP, des coops, des kibboutz, affiliés à la CGT et militant du PCF ; ce n’est pas le cas …

        Enfin c’est contre-productif, parce que dans le combat politique il est stupide d’affirmer que l’ennemi est le plus fort, domine sur tous les plans, etc. Il faut on contraire d’autant plus affirmer sa force qu’elle est moins grande. En effet, les moutons de Panurge qui vont se rallier à la majorité apparente, et les timides qui vont s’abstenir de s’y opposer, sont bien plus nombreux que les anticonformistes et les têtes brûlées.

    • Absolument !

      On vous impose des services que vous n’avez pas demandés à un prix que vous ne pouvez pas négocier – et après on vous demande de dire « merci »…

  • La phrase « 47 % des Américains ne paient pas d’impôts » est complètement fausse : ceux qui ne paient pas d’impôt sur le revenu paient les diverses taxes à l’achat, la payroll tax, etc… Tout cumulé, Ils peuvent avoir des taux d’imposition comparables à des plus riches qui se débrouillent bien (et dont la part de la consommation, donc de la TVA, dans leur budget, est bien moindre).

    Il a dit une énorme connerie du niveau ivrogne accoudé au café du commerce commentant la conjoncture.

    L’énorme problème de Romney est qu’il n’a rien d’un présidentiable. Quand on fait campagne, on controle chaque syllabe de ce qu’on dit, on fait vérifier tout ses chiffres par un team compétent. On ne ment pas : on spinne, on déforme, mais on ne ment pas. Là, il a menti à 100%. Volontairement ou pas ? Aucune importance, c’est une faute impardonnable en politique américaine.

    Je vois dans la calamiteuse campagne de Romney un des ravages de la notion de « truthiness » (on pourrait traduire par « véritude ») c’est à dire une conception de la vérité libérée des faits… Ou plus exactement le réflexe de plus en plus décomplexé de dire des grosses conneries juste parce que ça fait bien. Ce n’est plus du spin, c’est du mensonge, du pas-vrai, de la connerie…

    Les faits sont importants : et le fait est qu’il a insulté une bonne part de son électorat, qui ne paie pas d’impôt sur le revenu (une bonne part des retraités notamment).

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