Pour le Laissez-Faire

Contrepoints propose ici la critique de Galbraith sur le Traité d’Economie de Mises.

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Galbraith

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Pour le Laissez-Faire

Publié le 6 août 2012
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Contrepoints est un journal en ligne libéral mais nous faisons honneur à la profession journalistique en reproduisant les critiques du libéralisme qui ont une certaine tenue. Nous reproduisons ici, celle de J.K. Galbraith, ancien éditeur de Fortune, et membre honoraire du département d’économie d’Harvard, USA. En 1949, il fait la revue de Ludwig Von Mises, Human Action : a treatise on economics, Yale University Press, New Haven, 889 pages pour The Book Review, October, 30, 1949.

Par J.K. Galbraith.

Tous ceux qui aspirent, non seulement par nostalgie, à une véritable, honnête et inconditionnelle défense du laissez-faire, devraient être totalement satisfaits par cet ouvrage. Au cours d’un demi-siècle, à Vienne, Londres et plus récemment à New York, le professeur Mises a combattu les socialistes, les planificateurs, les réformateurs et tout autre type de personne qui sponsorisaient, délibérément ou sans le vouloir, l’ingérence du gouvernement dans le progrès économique. Comme le lecteur va le découvrir bien vite, il n’a pas abandonné d’un pouce sa bataille.

Non pas que ce livre soit dans sa totalité une polémique contre l’interventionnisme bien qu’il s’agisse de cela aussi. Basé sur l’ouvrage de l’auteur Nationaloekonomie, Theorie des Handelns und Wirtschaftens, publié à Genève en 1940, c’est un traité au grand style sur le sujet.

Au cœur du système économique du professeur Mises, il y a le marché, à l’endroit duquel il démontre une impressionnante connaissance de ses constructeurs. Si ce marché est complètement libre, ce qui, pour Mises, veut dire avant tout libre de toute interférence du gouvernement, et si cette liberté s’étend avec cohérence aux marchés du travail, du capital et des facteurs naturels de production, alors l’homme peut accomplir l’état de grâce le plus haut auquel il peut prétendre. Il sera libre, en paix et aussi prospère que ses possibilités naturelles et l’état existant de l’accumulation du capital le lui permettent.

L’ennemi implacable et omniprésent du marché, c’est l’État. Il ne peut y avoir aucun doute qui soit envers ce démon. S’il y en avait, non seulement les valeurs économiques mais toutes les autres seraient sacrifiées. « L’État est en dernière analyse l’emploi des forces armées, de la police, des gendarmes, des soldats, des gardes de prisons et des bourreaux. La caractéristique essentielle de l’État tient dans le renforcement de ses décrets en frappant, en tuant et en emprisonnant. »

Il s’ensuit que la plupart des maux économiques des hommes et la plupart de ses autres problèmes sont le résultat de l’action du gouvernement et le professeur veut bien volontiers s’en passer. Il s’oppose à la réglementation des banques, par laquelle, en fin de compte, il explique la fluctuation des affaires ; il s’oppose à toutes les réglementations de la production, auxquelles il attribue d’autres malfaisances, telle la survivance de la plupart des monopoles ; même l’interdiction du trafic de drogue n’est pas envisageable – « dès que l’on accepte le principe que le devoir de l’État est de protéger les individus contre leur propre folie, il n’y a pas d’objection sérieuse qui peut être faite contre de plus amples empiétements ». L’interdiction s’étend, en pratique, aux réglementations des services publics et, bien sûr, à la propriété publique.

Effectivement, en ce qui concerne l’entreprise publique, le professeur Mises fait de lourdes réserves, même en ce qui concerne les écoles publiques. Il concède que « dans les pays qui ne sont pas harcelés par des luttes entre différents groupes linguistiques, l’éducation publique peut très bien fonctionner si elle est limitée à la lecture, l’écriture et l’arithmétique. » Pour les enfants intelligents, il irait même un poil plus loin. Mais pas beaucoup plus, car l’on découvre bien vite que les écoles sont devenues un instrument d’endoctrinement par l’État. Dans les universités financées par les impôts, il observe que les partis au pouvoir limitent les postes à ceux qui sont d’accord avec eux, ce qui signifie que les professeurs sont pour l’intervention gouvernementale.

Cette dernière remarque est l’une de ces généralisations que l’éditeur, à qui je m’adresse présentement, décrit comme « exaltante » sur la quatrième de couverture. Sans éléments pour juger du contexte, les opposants à l’étalon-or sont décrits comme des personnes qui cherchent « à substituer l’autarcie nationale au marché libre, la guerre à la paix, l’omnipotence totalitaire étatique à la liberté » ; les syndicats « sont les ennemis mortels des machines nouvelles » ; le monde n’a jamais connu un « tel système intelligemment entremêlé de propagandes et d’oppressions que ceux qui sont institués par les États contemporains, les partis et les groupes de pressions. » Le Professeur Mises rappelle néanmoins à ses lecteurs que l’homme « ne peut jamais être absolument certain que ses investigations ne sont pas dévoyées et que ce qu’il considère être la vérité ne se trouve pas être une erreur. » Je saisis moi-même cette perche.

Le marché, plus encore que la roue, est l’un des grands serviteurs de la cause humaine. Mises le défend puissamment contre ceux qui voudraient le renverser pour servir leur propre fin ou encore leurs objectifs à court terme. Mais il est possible que la défense soit plus forte en fin de compte dans les mains d’hommes plus modérés. On reste aussi perplexe sur qui peut adhérer et soutenir l’ordre politique et économique défendu par Mises. Il est l’ennemi vigoureux des autocrates et des dictateurs mais il a aussi peu de respect pour les gens en général. Dans sa défense de la publicité, pour choisir un exemple parmi beaucoup d’autres, il observe que « comme toute chose qui est faite pour s’accorder aux goûts des masses, elle répugne aux gens aux sentiments délicats ». Je ne supposerai pas que les gens aux goûts délicats soient prêts à prendre les choses en main.


Les moyens et les objectifs

L’économie s’abstient de jugement de valeur. Il n’est pas de son ressort de dire aux gens quels sont les objectifs qu’ils doivent atteindre. C’est une science des moyens à appliquer pour parvenir à des fins qui sont choisies, et non pas, c’est certain, une science du choix des objectifs. Les décisions ultimes, l’expertise et le choix des objectifs sont hors de portée de toute science. La science ne dit jamais aux hommes comment ils devraient se comporter. Elle montre éventuellement comment l’homme doit se comporter s’il veut parvenir à des objectifs définis. — Ludwig von Mises dans Human action.


J’en arrive maintenant à l’éditeur. Quel que soit le désaccord avec Mises, c’est un homme éduqué et un enseignant de calibre. Le marché, en dépit de ses vertus, ne paie pas pour tous les livres qui méritent d’être publiés et il est dès lors approprié et bon que les presses universitaires aient mis celui-ci en circulation. Mais il est vrai qu’elles devraient s’acquitter de cette obligation avec une certaine censure savante [1].

Sur la couverture du livre, l’éditeur dit que l’approche du professeur Mises a peu de relation avec ce « qui est enseigné en classe en dehors de cette prometteuse, révolutionnaire « économie » en faillite mais qui a conquis le monde occidental lors des dernières décennies. » Il fait l’article de conséquences politiques « malveillantes » de leur actions qui durant ces dernières décennies se trouvent être en désaccord avec les vues du professeur Mises.

Est-ce que Yales University Press soutient cette compréhension diffamante de l’économie contemporaine, incluant ce qui est enseigné dans les classes de New-Haven ? Quelles sont les « mauvaises » conséquences qui découlent du fait de ne pas suivre les conseils du professeur Mises lors de la dernière décennie ?

Est-ce que l’éditeur croit avec lui, par exemple, que la guerre aurait dû être engagée sans affectation de crédit, sans priorité, sans contrôle des prix et autres mécanismes à part des taxes élevées et de l’inflation ? Ces mécanismes de contrôles furent désagréables – et il est possible que nous ayons à les administrer pour savoir vraiment à quel point ils étaient effectivement désagréables – mais qu’en est-il des alternatives et de leurs risques ? Certainement, ceux qui ont contribué à cette publication, même si cela ressemble bien à une émulation innocente, sont tristement sortis des limites acceptables.

Traduction par JATW pour Contrepoints.

—-
Note :

[1] [Ndt : malheureusement, ce que Mises dit au sujet de la censure universitaire ne s’applique pas aux États-Unis où le dynamisme des universités américaines a permis la traduction de la très grande majorité des ouvrages européens et autres d’importances, et cela dans tous les domaines. Mais on peut sans grande difficulté démontrer que la censure d’ouvrages progressistes a été systématiquement opérée en France et en Europe, soit par la disparition d’auteurs français proéminents (comme Frédéric Bastiat en économie politique, ou encore Henri Fayol en management, Gustave Lebon en sociologie etc.) ou par le retard très étrange de traduction d’ouvrage qu’il est convenu de considérer comme universel (Max Weber sur l’économie, et toute une série d’auteurs américains , anglais et allemands du XXe siècle dans presque toutes les disciplines).]

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