Edward O. Wilson : Biophilie

Un biologiste passionné plaide pour la symbiose de la nature et de la connaissance. Une revue de l’ouvrage d’Edward O. Wilson, Biophilie.

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Edward O. Wilson : Biophilie

Publié le 5 août 2012
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Un biologiste passionné plaide pour la symbiose de la nature et de la connaissance. Une revue de l’ouvrage d’Edward O. Wilson, Biophilie.

Par Thierry Guinhut.

C’est avec bonheur que Wilson nous emporte dans les sphères de la nature. Lorsqu’il décrit la population et les travaux de la « fourmi parasol », dont le graphisme sur fond vert mousse anime la couverture, il est d’une clarté persuasive, d’une précision encyclopédique. À la lisière du récit, de l’essai scientifique et du journal, il nous fait voyager parmi la terre, parmi ses modestes et fabuleux habitants.

Edward Osborne Wilson est biologiste et entomologiste. Il est le créateur du terme « biophilia », ce profond besoin de l’homme d’aimer et de s’intégrer dans une relation innée avec les plantes, les animaux et le cosmos. Pour lui, le « développement mental » consiste à « explorer la vie » et « comprendre d’autres organismes ». Cette passion pour le vivant et les systèmes naturels relève d’une pensée écologique. Mais au meilleur sens du terme, scientifique, empathique et poétique, non sectaire. S’il étudie « la sixième extinction massive en cours », due aux déprédations humaines, il n’est pas un de ces écologistes radicaux qui préconisent la fin de l’homme : « On tirera peu de profit à jeter du sable sur les pignons de la société industrialisée ». Il préfère la confiance envers la connaissance, la recherche : « plus on explorera et on utilisera le vivant, meilleures seront l’efficacité et la fiabilité des espèces particulières retenues pour l’usage économique ». Et de faire l’éloge du pois carré de Nouvelle-Guinée et du melon velu, avant de plaider (en 1984) pour les OGM : « Ainsi une plante alimentaire précieuse pourra recevoir l’ADN d’espèces sauvages conférant une résistance biochimique à la maladie la  plus destructrice  à laquelle elle est sujette ».

Entre forêt amazonienne et Alabama, le regard fureteur du naturaliste, dans la tradition de Darwin, s’intéresse moins aux millénaires humains qu’à l’évolution des espèces. Loin de se confiner dans la seule observation d’un termite, il place son éthique scientifique dans la perspective des Lumières, au-delà de la méfiance romantique envers la science chez Tennyson ou Keats ; quoique oubliant la symbiose entre cette dernière et la poésie chez Goethe et les romantiques allemands. Sa curiosité, affichant une prédilection pour le monde des fourmis (on pense alors aux Vies des abeilles et des fourmis vues par Maeterlinck), est omnivore : il est fasciné par le sol de Mars, les serpents, une crête à 4000 m en Nouvelle Guinée, « l’oiseau de paradis » et ses « arènes de séduction partagée ». Grâce auquel il a « parcouru une révolution du cycle de l’intellect. L’excitation de la recherche, par le savant, de la vraie nature matérielle de l’espèce s’estompe pour être remplacé par les recherches plus durables du chasseur et du poète. » Son lyrisme est prenant, exalté, lorsqu’il déclare : « le scientifique idéal pense en poète. » Ce dont il a bien conscience : « l’esprit poétique ne se contente pas d’une description factuelle et juste, mais cherche à rehausse la sensation ».

La culture de Wilson est aussi pointue qu’ouverte, citant Octavio Paz ou Einstein, s’entretenant avec l’écologiste MacArthur de la « biogéographie. Il va jusqu’à se demander si « la beauté réside en quelque manière dans les gènes de l’observateur », en parcourant mentalement les paysages de la planète.

Les éditions José Corti, sous l’égide de Fabienne Raphoz, créent, outre d’incontournables collections -« Domaine Romantique » ou « Série américaine »- un nouvel espace littéraire : « Biophilia » dont voici le premier volume. Avec Les Bêtes de l’italien Federigo Tozzi ou Voyage sur le Rattlesnake de Thomas-Henry Huxley, nait une réflexion transdisciplinaire sur le devenir de notre adéquation à la nature. Quant à nos qualités artificielles, celles du savant, de l’économiste, de l’artiste et du politique, elles doivent permettre, selon la sagesse de Wilson, « l’éthique de la conservation » autant que notre développement.

— Edward O. Wilson : Biophilie, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Villeneuve, José Corti, 224 p, 20 €.

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  • E.O. Wilson est un néo-malthusien multi-catastrophiste de la pire espèce.
    Il croit à toutes les fadaises escrologistes à la mode, non seulement à la prétendue « sixième extinction de masse » dont il est le principal propagandiste avec ses estimations sorties du chapeau (par ex. de 27 à 100 mille (!) extinctions/an, dont on attend toujours de voir les corps), mais aussi au réchauffement catastrophique dû aux gaz à effet de serre anthropique, à la déplétion des énergies fossiles (admirez la cohérence entre les deux), et même à la déplétion de l’eau fossile.
    C’est le profil type du parfait idiot utile de l’écofascisme, toujours tort et jamais honteux. Si on devait trouver une quelconque utilité à l’un de ses torchons littéraires, c’est en tant que trace pour la postérité des innombrables âneries colportées par la religion écologiste.

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