Accord franco-suisse : nouveau scandale concernant l’impôt sur les successions

Un pavé dans la marre lancé par la Radio Télévision Suisse hier. Selon une nouvelle disposition de la convention fiscale franco-suisse actuellement en révision, les Français qui choisissent de s’installer en Suisse et dont les enfants auraient le malheur de vivre en France devraient acquitter les droits de succession français.

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Accord franco-suisse : nouveau scandale concernant l’impôt sur les successions

Publié le 3 août 2012
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Par Thibault Doidy de Kerguelen.

Voici une information dont vous n’avez pas entendu parler dans la « grande presse ». Dès le 1er janvier 2014, les héritiers domiciliés en France d’un résident suisse pourraient être soumis à l’impôt français sur les successions. Les plus gros patrimoines se verraient ainsi taxés à 45% sur un héritage en ligne directe, contre 7% au maximum en Suisse (dans le canton de Vaud).

Autrement dit, les Français qui choisissent de s’installer en Suisse et dont les enfants auraient le malheur de vivre en France devraient acquitter les droits de succession français. C’est la Radio Télévision Suisse qui a lancé ce pavé dans la « mare » hier. Cette disposition est contenue dans la nouvelle mouture de la convention franco-suisse de 1953 en matière d’impôt sur les successions actuellement en révision. Cette révision a été initiée par la France et paraphée par les deux États le 9 juillet dernier. Elle est actuellement en procédure d’audition auprès des cantons suisses et c’est ainsi que cette disposition a transpiré. Bien évidemment, telle que rédigée, la convention ne concerne pas seulement les résidents suisses d’origine française, mais aussi les citoyens suisses dont les enfants auraient la très mauvaise idée de venir vivre dans l’hexagone. Ce qui, vous vous en doutez, provoque quelques levées de boucliers de l’autre côté du lac…

Selon une étude du cabinet suisse FBT Avocats, le texte, en plus de la prise en compte du domicile de l’héritier, prévoit d’élargir la notion de «biens immobiliers» soumis aux droits de succession français. Jusqu’à présent, si un résident suisse possède un bien immobilier en France dans le cadre d’une société immobilière (SCI la plupart du temps), ses parts ne sont soumises qu’aux droits de succession suisses. Avec le nouveau traité, la succession serait également imposée en France, selon le principe de la prépondérance immobilière. «Dans ce cadre, écrit le cabinet FBT, rares seront les biens immobiliers détenus en France par des non-résidents qui pourront encore échapper aux droits de succession français

Le célèbre avocat fiscaliste suisse Philippe Kenel, auteur du livre Délocalisation et investissement des personnes fortunées étrangères en Suisse a déjà réagi à ce projet de révision. Il a notamment déclaré :

Ces changements, en particulier la prise en compte du domicile de l’héritier, relèvent d’une forme dimpérialisme français. Et cela ne concernerait pas que les Français, mais aussi les Suisses qui auraient des héritiers en France. Le droit français consacre ce principe, en contradiction avec le modèle de convention de l’OCDE, qui préconise l’imposition au domicile du défunt. En clair, la France tente de faire primer son droit national sur le droit international. C’est inacceptable : la France ne peut pas vanter les mérites des standards de l’OCDE et s’asseoir dessus quand ils jouent en sa défaveur !

L’avocat lance un appel aux cantons afin qu’ils rejettent cette révision de convention. Il ajoute : « Pour les cantons, l’enjeu est très important. Genève, par exemple, a encaissé 195 millions de droits de succession en 2008. »

Le Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI) de la Confédération, prévoit, quant à lui que cette nouvelle convention soit signée cet automne et entre en vigueur dès le 1er janvier 2014. Jusqu’à la signature, le SFI se refuse à commenter le texte.

Ainsi, après l’« Exit Tax », véritable impôt sur le droit de la personne que je n’hésite pas à comparer à ce que le serf devait payer au seigneur lorsqu’il décidait, lui ou un membre de son foyer, de quitter la terre à laquelle il était attaché, impôt totalement attentatoire à la liberté individuelle et à la liberté de circulation, voici que le seigneur de ces temps nouveaux nous invente le droit de poursuite sur la descendance. Désormais, le serf qui décide de quitter le fief « France », même s’il acquitte sa « franchise », devra verser au seigneur « État » la moitié des biens qu’il transmet à sa progéniture demeurée sur le fief. C’est sa descendance qui en sera redevable… Tout cela, bien évidemment en complète contradiction avec les sacro-saints principes des « droits de l’homme », de la « révolution française », et même du droit international !

Plus prosaïquement, est-ce que cette mesure a des chances de changer quelque chose ? Je pense, pour ma part, que lorsqu’un pays se conduit mal à l’égard d’une partie de sa population, rien n’empêchera cette partie de « voter avec ses pieds » et de partir. Nous l’avons connu à maintes reprises dans l’histoire de notre pays. Alors si cette révision de la convention fiscale franco-suisse est adoptée, les « réfugiés fiscaux » (au secours, l’UNHCR !) iront ailleurs, dans d’autres montagnes ou sur d’autres plages plus accueillantes et plus respectueuses de la liberté des individus et du droit international. La France n’y gagnera pas, la Suisse y perdra.

La France, comme toujours, fait cavalier seul au lieu de s’inscrire dans le cadre international de la lutte contre la fraude fiscale. Les autres pays européens ont signé des accords «Rubik», la France a refusé de les signer, nous avons écrit en son temps notre analyse sur ce refus. L’OCDE vient de mettre en place de nouvelles dispositions de lutte contre la fraude fiscale qui vont permettre aux pays d’origine de poursuivre leurs ressortissants fraudeurs de manière collective et non plus seulement individuelle… Cela n’intéresse pas la France. Pourquoi ? Parce que dans tous les pays du monde, le fraudeur est celui qui commet des actes répréhensibles par la loi, qui triche. En France, l’État ne juge pas les actes, mais les intentions. D’ailleurs, vous verrez qu’il est bien question dans notre pays non pas de combattre la « fraude » fiscale, mais bien « l’évasion » fiscale, terme qui permet toutes les interprétations. Si quelqu’un, en restant dans la légalité, trouve le moyen de payer moins d’impôts que ce que l’État lui réclame, il est jugé de façon morale et condamné de façon morale. Savez-vous qu’en France, lorsque vous souscrivez à une « niche fiscale », l’administration peut contester la validité de votre investissement si le contrôleur a l’intime conviction que l’unique but était de se soustraire à l’impôt ? La lutte de l’État français est une lutte morale, idéologique et ne peut donc s’inscrire dans le cadre de la lutte mondiale contre la délinquance fiscale, puisque n’en n’ayant pas la même définition. En plus de cette attitude totalitaire, l’État français a une position discriminatoire. Ce qui lui permet de « choisir » ses cibles. Comme je l’évoquais à propos de « Rubik », un tel dispositif touche tout le monde, y compris ses « amis » et ses « petites affaires plus ou moins d’État ». C’est encore le cas avec le nouveau dispositif de l’OCDE. Imaginez que dans le cadre d’une enquête sur des critères généraux, la Suisse communique des noms ou des coordonnées « amis »… Plus moyen d’éviter de les redresser. Le système discriminatoire imposé par la France évite ces écueils.

Attachement à la terre, paiement d’une franchise pour la quitter, attachement de la descendance à la terre, droit de préemption sur la totalité des biens de l’individu, considérations morales et discrétionnaires dans l’application du droit… Pas de doute, nous sommes en plein système féodal.

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  • Taxés dedans, taxés pendant la vie, taxés après la mort, taxés à la sortie, et maintenant taxés aussi à l’entrée. Quel beau goulag fiscal que la France !

  • Un scandale. Une nouvelle fois la Suisse se défroque devant ce pays qui n’a plus que le pouvoir de nuisance pour rayonner internationalement.
    Qu’avions nous à gagner à faire cette faveur à cet état fasciste ? De plus l’attitude du SFI qui consiste à cacher les choses est digne du gouvernement zélé de Vichy.
    La solution est de faire des donations anticipées (à 100’000€/10 ans, mieux vaut ne pas être millionnaire.

  • Rien que dans les mots, on devine la totale inversion des valeurs. sur la diminution des exonération de drotis de succession, on lit partotu que l’état est « moins généreux ».
    Il faut comprnedre par cela que quand on décède, ce ne sont pas nos héritiers légitimes qui sont propriétaires de nos biens, mais l’état, qui condescend « généreusement » en nous en laisser une partie.

    Et si demain il nous prend tout, ce n’est pas du vol, non non, c’est juste qu’il a arrêté d’être généreux avec des « privilégiés ».

    Bientôt, un taux d’impot sur les successions inférieur à 100 % va être considéré comme une niche fiscale !!!!

    • Oui, vous avez tout compris, c’est pourquoi je fais le parallèle entre notre statut de citoyen français avec celui de serf. Le serf n’était pas attaché au seigneur mais au fief et priori (parce que son statut a évolué dans l’histoire et à la fin du servage il avait plus de droits et de liberté que nous actuellement) rien ne lui appartenait, le seigneur propriétaire du fief au moment de l’évènement (mariage, décès, naissance..) décidait de ce de quoi le serf avait droit de jouissance moyennant redevance. Si le serf voulait quitter le fief ou si sa fille se mariait avec quelqu’un d’un autre fief, il devait payer la « franchise », c’est à dire l’impôt qui rendait « franc », c’est à dire libre…
      Ben nous, c’est tout pareil, le fief c’est la France et tout est réputé appartenir au seigneur, l’Etat qui, comme vous le dites, généreusement nous accorde telle ou telle jouissance, décide de qui pourra jouir de certains de nos biens après notre décès, dans quelles proportions selon ds règles qu’il se donne le droit de changer selon son bon plaisir.

      • Ca mériterait de rédiger un article, même bref, avec les infromations et la comparaison que vous nous donnez ici.

  • Je préfère un vrai système féodal pour ma part, au moins il y a concurrence fiscale…
    La Suisse n’est vraiment plus qu’une passoire fiscale

  • Question bête : Ça marche à l’envers ?
    Si on habite en France, décède en France, et que les héritiers sont en Suisse ?

  • cela n’est pas nouveau, si vous habitez la belgique et que vos héritier habitent en France ils sont taxés, cela s’est toujours pratiqué

  • Et après la France imposera la re-négociation du pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU pour imposer aux Francais qui veulent voyager ( découvrir le monde tel qu’il est et pas quelle que la propagande veut le faire croire) d’obtenir un visa de sortie de la part de l’administration.Comme en URSS!Puis de faire modifier son article 6 de façon a pouvoir condamner a mort ceux ( y compris des enfants d’a peine 10 ans) qui essaient de s’en aller malgré tout.Bref Staline est de retour!

  • Bon article ! Sinon les préconisations de l’OCDE ne sont pas du droit international (sauf à avoir été reprise par un traité).

  • Je ne comprends pas comment l’on peut soutenir l’idée d’une transmission sans taxe et défendre la valeur travail: personne ne mérite de recevoir une somme importante d’argent ou des biens sans avoir travaillé pour ça. Sinon c’est une société d’assistés, de rentiers qu’on nous vend…Veut-on une France d’héritiers ou d’entrepreneurs ? Une fortune bien placée est une fortune qui investit pour l’avenir de son pays, qui investit dans les oeuvres caritatives ou encore dans les talents de nos banlieues…

    • @twitter_alyv54

      1/ Vous oubliez que selon le liberalisme, l’individu a le droit de jouir des fruits de son travail comme il l’entend, ce qui inclue le droit de le léguer à ses enfants. Point à la ligne.

      2/ « Veut-on une France d’héritiers ou d’entrepreneurs ? »
      En quoi le fait d’heriter d’un gros patrimoine empecherait-il l’heritier de jouer un role d’entrepreneur?? Au contraire si je dispose d’une grosse somme d’argent, je peux investir cet argent dans quantité de projets ! Business angel ca vous parle? Prendre le risque de financer des entrepreneurs en manque de capital pour demarrer leur activité si apres etude on juge leur projet prometteur ?Ou tout simplement investir en bourse, acheter des actions, ce qui revient exactement au meme.

      3/ Pour que cet argent herité soit investi en France, c’est tres simple, il faut des regles fiscales qui incitent cet argent à se diriger vers des projets ayant des repercussions en France, et donc faciliter la vie des entreprises, pas trop la direction prise par l’Etat francais…

      • Oui, Fallawa, merci de votre réponse. Je préciserais, pour qu’il ny ait pas de malentendu avec twitter_alyv54 que plus que des règles fiscales qui « incitent », il suffit qu’il n’y ait pas de règles fiscales qui découragent ou rendent s’apparentent plus à de la captation qu’à de la participation à la vie collective…

    • « Je ne comprends pas comment l’on peut soutenir l’idée d’une transmission sans taxe »

      Pour la simple raison que l’écot à la société à déjà été payé en amont pour acquérir ces biens et on parle bien de plus de 50% du gain initial qui est parti en taxes diverses.

      Avec les taxes sur l’héritage on arrive dans les 80% du travail initial qui est parti pour l’état. C’est plus qu’aucun seigneur de l’histoire n’aurait osé à l’encontre de ses serfs les plus vils. Il n’y a guère que chez les esclaves qu’on retrouve des taux encore plus bas.

      « Veut-on une France d’héritiers ou d’entrepreneurs ? »

      Si le type est mauvais son héritage sera dilapidé en une génération, ça c’est pour le fond moral. Sinon il entreprendra et de toute façon il en fait ce qu’il veut. On ne vient pas vous piquer votre iPod offert à noël sous prétexte que vous ne vous en servez pas selon les normes de quelques fonctionnaires ou que vous n’avez pas travaillé pour.

  • Vous en connaissez beaucoup des gens qui payent leur droit de succession ? Personnellement je vois mal comment vous pourriez payer quoi que ce soit sur vos droits de sucessions vu que par définition si vos rejetons touchent votre héritage… c’est que vous êtes mort!

    Evidemment comme le droit est centré sur les humains vivants ce n’est pas votre cadavre pourissant en Suisse qui donne de l’argent ce sont vos enfants aux joues roses en France qui le reçoive, donc droit français et impot français…

    • Faux. C’est la masse successorale qui paie l’imposition, une personne morale réunissant les personnes physiques.
      Or, les personnes morales peuvent être bien vivantes, j’en veux pour preuve qu’elles arrivent bien à payer les impôts confiscatoires des républiques sociales-démagogiques du continent.
      Le droit suisse s’applique, point barre.

  • C’est lamentable. J’ai vu une reportage récemment où on expliquait que le fisc impose des redressements aux PME qui sont dans la légalité et n’ont pas commis de fraude, en sachant qu’elles auront peur d’un procès et qu’elles négocieront leur amende à la baisse. Ainsi le fisc récupère au moins quelque chose. C’est vraiment scandaleux.

  • Et d’ailleurs, pourquoi taxer le patrimoine si on a déjà impôsé les revenus utilisés pour le créer?

  • Soyons concret.

    En France, seule une minorité de successions donne lieu a paiement d’impôts. En effet, après un abattement de 100 000 euros et en utilisant la fiscalité de l’assurance vie, il est possible de léguer à ses enfants sans impôts environ 500 000 euros par enfants. Donc pour une famille de deux enfants ayant un patrimoine de 1 000 000 d’euros, il n’y a pas d’impôts à payer.

    Durant toute sa vie, le français est pris en charge par l’état avec le résultat que beaucoup de chose en France sont gratuites ou presque (santé, éducation y compris supérieur etc …) après si les citoyens pensent qu’il ne faut pas payer d’impôts …

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