Rencontres économiques d’Aix-en-Provence 2012

Organisées par Jean-Hervé Lorenzi, les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence sont souvent présentées comme le « Davos français ». Cet événement mélange, venant du monde entier, de grands chefs d’entreprise, des hommes politiques, des représentants de grandes institutions internationales et des universitaires. Compte-rendu des principales idées échangées.

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Rencontres économiques d’Aix-en-Provence 2012

Publié le 10 juillet 2012
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Organisées par Jean-Hervé Lorenzi, les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence sont souvent présentées comme le « Davos français ». Cet événement mélange, venant du monde entier, de grands chefs d’entreprise, des hommes politiques, des représentants de grandes institutions internationales et des universitaires. Compte-rendu des principales idées échangées.

Par Jean-Jacques Netter.
Publié en collaboration avec l’Institut des libertés.

Il y avait beaucoup de monde le week-end dernier aux Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence organisées par Jean-Hervé Lorenzi, Président du Cercle des Économistes. Cet événement est souvent présenté comme « le Davos français » d’abord parce qu’il se passe sous le grand soleil et la chaleur de la Provence et non pas dans les neiges et le froid des Alpes et ensuite parce que les présentations se passent dans des locaux universitaires ouverts à tous. Cela n’empêche absolument pas le « off » sous la forme de cocktails, diners et manifestations autour du Festival d’Aix-en-Provence, organisées par les sociétés qui financent l’événement. Le plateau des intervenants est toujours très intéressant. Il mélange, venant du monde entier, de grands chefs d’entreprise, des hommes politiques, des représentants de grandes institutions internationales et des universitaires. Voilà les principales idées  que l’on peut retenir des débats auxquels nous avons assisté.

L’Europe a encore des atouts, mais il faut aller très vite

L’Europe est engagée dans un cercle vicieux pour Nouriel Roubini de Stern School New York. Le très médiatique économiste, qui passe régulièrement en boucle sur Bloomerg TV et CNBC n’a pas fait dans la nuance. La première route possible pour l’Europe c’est l’union fiscale, puis l’union bancaire et très vite l’union politique. La deuxième route c’est celle de la désintégration de l’Euro puis de celle de l’Europe. C’est selon lui la plus probable aujourd’hui. Confrontée à une triple crise : crise de dette souveraine, crise de dette bancaire et crise de compétitivité, l’Europe ne possède pas de mécanismes d’ajustement comme les dévaluations pour compenser les différences de compétitivité entre pays. Si la BCE a fourni de la liquidité pour éviter le blocage complet du système financier, cela ne peut être que temporaire pour Benoit Cœuré économiste Membre du Conseil Exécutif de la BCE.

L’Europe est dans l’improvisation permanente pense Peter Sloterdijk, le grand philosophe allemand. « Palais de Cristal » son dernier livre est une histoire de la modernité, métaphore de la clôture sur eux-mêmes des nantis occidentaux. Le palais de cristal est menacé, comme l’Europe, car il n’arrive pas à mettre au point des politiques démocratiques de “recharge d’énergie”. Les rythmes de la réflexion démocratique sont bafoués. Il y a un manque de contact extraordinaire entre les dirigeants de l’Europe et les opinions publiques. La temporalité de la réflexion ne colle pas avec la temporalité de la décision.

En écoutant Cecilia Malmström, une suédoise Commissaire européen chargée de la police, du contrôle des frontières et des migrations, on pouvait comprendre pourquoi les opinions publiques ont du mal à comprendre ce qui se passe à Bruxelles. Sans aucune nuance, sur le sujet de l’immigration, elle a déclaré que « nous avons besoin de faire venir des millions de gens qui ne se trouvent pas en Europe », et ensuite « le printemps arabe a montré que le modèle européen était attractif »… On avait envie de lui conseiller de relire Le Camp des Saints  de Jean Raspail. Ce roman-brûlot paru en 1973, raconte l’arrivée d’un million d’immigrants africains sur les côtes européennes.

Il faut débrancher les banques de leurs états de tutelle pour éviter la contamination entre pays touchés et pays sains a dit David Thesmar professeur à HEC.

La chance de l’Europe, c’est d’avoir en matière de recherche et d’innovation des laboratoires de recherche mixtes pense Jean Pierre Clamadieu Président de Solvay.

Il faut jouer collectif a dit Michel Barnier Commissaire Européen. La construction de l’Europe, ce ne peut être que compliqué, ce n’est pas une épreuve de tir au but.

L’Europe se sous estime et se vend très mal a expliqué Ana Palacio, Membre du Conseil d’État espagnol. La difficulté du moment est qu’il faut à la fois être pompier et visionnaire. Le monde d’aujourd’hui a besoin d’une Europe qui a de l’ambition.

Nous sommes beaucoup trop pessimistes sur l’Europe a dit Jean Claude Trichet ex Président de la BCE. À titre d’illustration, il a cité l’exemple de créations d’emplois entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2011 : 14,5 M en Europe contre 8,5 M aux États-Unis.

En France, les PME sont en grand danger

En France, le coût de la main d’œuvre n’est plus le seul facteur à prendre en considération pour prendre la décision d’implanter une usine a expliqué Bruno Cercley, le Président de Rossignol. Au moment où Ford délocalisait ses usines, Toyota prenait la décision d’en construire aux États-Unis. C’est, selon lui, Toyota qui avait raison. La flexibilité dans le monde du travail doit être introduite rapidement recommande Luca Silipo de Natixis Asie. Observant de Hong Kong que l’attitude des syndicats vis-à-vis des entreprises n’est pas antagoniste, il souhaite que l’attitude des syndicats  change car sinon il ne sera pas possible d’améliorer la compétitivité. Les PME sont actuellement en grand danger a prévenu Gérard Mestrallet patron de GDF Suez. Pour lui, qui n’est pas précisément un patron de PME, la crise bancaire va avoir un effet dépressif sur la croissance. La France sera plus touchée, car les entreprises se financent à hauteur d’un tiers sur les marchés et de deux tiers auprès des banques. Ces chiffres sont l’inverse de ceux des États-Unis, dont les banques ne respecteront même pas Bâle II. Le tissu des PME est très vulnérable. Il faut très vite redonner le goût de l’entrepreneuriat en injectant de la liberté dans le système.

Tous les dossiers de financement ne sont plus étudiés selon leurs mérites et les risques qu’ils présentent, mais selon l’impact qu’ils auront sur les contraintes de Bâle III. Rémy Weber de CIC Lyonnaise de Banque pense qu’il faudrait s’intéresser beaucoup plus aux petits projets qui créent des emplois. Les collectivités locales  qui trouvaient plutôt facilement des financements chez Dexia ne les trouveront plus et ne les obtiendront pas des banques classiques, compte des contraintes de Bâle III. L’épargne qui est un des rares atouts de la France devrait irriguer les investissements productifs. Pour le moment, on est dans la répression financière qui a pour objectif de cannibaliser l’épargne des ménages vers l’État et non pas vers les entreprises. Les entreprises auront beaucoup de mal à se financer en bourse à cause des nouvelles régulations imposées par Bâle III et Solvency II, car les compagnies d’assurance et les banques sont désormais totalement dissuadées d’investir dans des actions. Selon René Ricol de Ricol Lasteyrie, ces mesures, selon lui, ne seront pas mises en place, mais elles auront fait beaucoup de mal. Tous les freins sont serrés surenchérit Eric Lombard de BNP Paribas. Le tissu social pourrait ne pas résister à une aggravation de la crise. On vit dans un monde où les assureurs ne peuvent même plus acheter des actions et des obligations d’entreprise. Il faut absolument défendre les entreprises dans un monde qui ne les aime pas lance Serge Villepelet de PWC.

Le financement, n’est pas le problème essentiel des entreprises. Patrick Artus, chef économiste de Natixis,  pense qu’il est urgent de faire baisser le coût du travail en baissant les charges sociales supportées par les entreprises. « Il faut très vite redonner de la confiance  aux chefs d’entreprise en France » a dit Louis Gallois, Commissaire Général aux Investissements, ancien Président d’EADS. Il faudra trouver des fonds pour financer des investissements d’avenir. Cela devra être réalisé pour lui dans le cadre de coopérations public privé européennes englobant le dialogue social.

Les trois cartes à jouer de la France dans un cadre européen, d’après Didier Lombard Président du Conseil de Surveillance de ST Microelectronics, ce sont celles de l’énergie, des télécoms et des transports. Si les investissements sont effectués, cela contribuerait à ramener le soleil au-dessus de l’Europe.

Pierre Moscovici, Ministre de l’économie a salué sans les nommer, les nombreux économistes présents dans la salle, qui avaient conseillé pendant la campagne l’équipe de François Hollande [1]. Il a redit que le retour à l’équilibre budgétaire était prévu pour 2017 sans hausse de la TVA et sans augmentation de la CSG. Dès l’automne a-t-il ajouté, il faudra agir pour les PME sans donner aucune précision sur les mesures envisagées. Christian Saint Etienne, économiste, professeur au CNAM, qui ne fait pas partie  des économistes qui  s’étaient  prononcés pour François Hollande était extrêmement sceptique. En «opposition totale» avec les premières décisions du gouvernement, l’économiste avait annoncé le 13 juin 2012 sa démission du Conseil d’Analyse Économique, chargé de conseiller le premier ministre.

L’Amérique a une forte capacité de rebond

L’Amérique va se réindustrialiser prévoit Robert Koopman membre de la US International Trade Commission. Cela se passera dans les deux ans qui viennent grâce à la hausse des coûts de production en Chine, la hausse du Renminbi et surtout à l’accès à l’énergie bon marché (Gaz de schistes). Les États-Unis vont devenir un paradis énergétique. Grâce à cette perspective, il devrait y avoir 50 Md$ d’investissements dans les années qui viennent. Les autorités européennes semblent ne pas s’en être aperçu, regrette Jean Pierre Clamadieu, Président de Solvay. Ne sous-estimons pas les capacités de rebond de l’Amérique. Ils ont 40% des meilleures universités mondiales. Le monde entier rêve d’aller étudier en Amérique. Leur puissance militaire représente plus que les 20 pays qui les suivent. 

Délocalisations :  les chaines de valeur ont été déconstruites pense Jean Marie Chevaler du Cercle des Économistes. Aux États-Unis la diminution des emplois industriels est due à 20% seulement aux délocalisations

L’Afrique est une chance pour les pays développés

Tout le continent africain a un momentum fort explique Lionel Zinsou patron de PAI Partners. Il pense que l’annulation de la dette est le moyen le plus efficace pour relancer l’économie de pays incapables de rembourser leur dette. On l’a fait pour l’Afrique, il faudrait le faire pour la Grèce avance-t-il. Il faut selon lui investir dans la technologie et le financement d’infrastructures en Afrique. Un des fonds d’investissement qu’il admire le plus est le « 7 miles Fund » de Bob Geldoff. Les 7 miles étant la distance qui sépare à Gibraltar le continent européen du continent africain.

La préservation des écosystèmes doit être prise en compte par les grands groupes

Les organisations internationales sont affaiblies, les enjeux planétaires ne sont pas assumés. Michel Aglietta du Cercle des Économistes a expliqué que notre monde n’avait pas encore reconnu la réalité écologique. Il faut selon lui changer les systèmes comptables pour qu’ils expriment les justes valeurs en intégrant la totalité des coûts. Zhu Min, collaborateur de Christine Lagarde au FMI a présenté une série de graphiques permettant d’avoir une idée totalement différente du monde selon les angles sous lesquels on le regardait. On en retirait l’idée d’une très forte interdépendance entres les pays, les continents et les groupes auxquels ils appartiennent. Lucas Seligmann, patron de l’ONG Conservation International a montré comment avec beaucoup d’efforts il était arrivé à travailler avec Wal Mart pour intégrer dans leur développement la préservation des écosystèmes.

—-
Sur le web.

[1] Les économistes qui ont soutenu François Hollande sont : Philippe Aghion (Harvard), Michel Aglietta (Paris X Nanterre), Daniel Cohen (ENS), Élie Cohen (Sciences Po), Jean Hervé Lorenzi (Paris Dauphine),Thomas Piketty (EHESS), Françoise Bélorgey (Irest), Françoise Benhamou ( (Paris XIII), Julia Cagé (Harvard), Thomas Chalumeau (Sciences Po), Brigitte Dormont (Paris Dauphine), Samuel Fraiberger (New York University), André Gauron (Cour des Comptes), Jacques Mistral (Harvard), El Mouhoub Mouhoud (Paris Dauphine), Fabrice Murtin (Sciences Po), Dominique Namur (Paris XIII),, Thomas Philippon (New York University), Romain Rancière (École d’Économie de Paris), Laurence Taubiana (Sciences Po), Joëlle Toledano (Supélec). (Le Monde 18/04/2011)

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