Pour sortir de la crise, les recettes keynésiennes ne font pas mieux que l’astrologie

La pensée scientifique moderne doit au philosophe autrichien Karl Popper sa règle d’or, que voici : pour qu’une théorie soit recevable, il faut la formuler de façon à ce qu’elle puisse, le cas échéant, être réfutée (« falsifiée ») par les faits observés. En économie le keynésianisme est un exemple parfait de ces théories irréfutables.

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John Maynard Keynes

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Pour sortir de la crise, les recettes keynésiennes ne font pas mieux que l’astrologie

Publié le 9 juillet 2012
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La pensée scientifique moderne doit au philosophe autrichien Karl Popper sa règle d’or, que voici : pour qu’une théorie soit recevable, il faut la formuler de façon à ce qu’elle puisse, le cas échéant, être réfutée (« falsifiée ») par les faits observés. En économie le keynésianisme est un exemple parfait de ces théories irréfutables.

Par Fabio Rafael Fiallo.

John Maynard Keynes

La pensée scientifique moderne doit au philosophe autrichien Karl Popper sa règle d’or, que voici : pour qu’une théorie soit recevable, il faut la formuler de façon à ce qu’elle puisse, le cas échéant, être réfutée (« falsifiée ») par les faits observés.

D’après cette règle d’or de Popper, si la réalité vient contredire une théorie, mais celle-ci retombe toujours sur ses pattes parce que ses défenseurs sont à même d’ajuster leur argumentation en toute circonstance sans devoir abandonner la théorie en question, alors on a affaire à une théorie infalsifiable, et donc non scientifique, qui ressemble plutôt aux vaticinations de l’astrologie.

En économie nous avons un exemple parfait de ce genre de théorie. Formulée par John Maynard Keynes à l’époque de la Grand Dépression des années 30, elle consiste à voir dans les dépenses publiques le moyen de faire sortir une économie de la récession ou de la dépression.

Or, cette foi dans les dépenses publiques comme vecteur de croissance ne se trouve pas confortée par les faits, bien au contraire.

On le voit, par exemple, avec la politique de relance du président Obama (son fameux « stimulus package ») : huit cents milliards de dollars injectés depuis 2009 dans l’économie américaine par le biais de dépenses publiques de tout ordre, et ce dans le but, déclaré par Obama lui-même, de faire descendre le chômage au-dessous de la barre de 8% et de remettre l’économie sur le chemin d’une croissance soutenue.

Or, trois années plus tard, le chômage aux Etats-Unis demeure au-dessus de la barre de 8%. Pour ce qui est de la croissance, parmi les onze reprises économiques enregistrées aux Etats-Unis au cours des 60 dernières années, celle d’Obama s’avère être la plus faible, la plus incertaine et la plus lente de toutes[1].

Quand on fait allusion à ces résultats plus que décevants, les gourous du keynésianisme n’en démordent pas pour autant. Ils prétendent alors que la situation économique aurait été pire encore s’il n’y avait pas eu de « stimulus package ».

Et quand on leur répond que le but du plan d’Obama n’était pas d’adoucir les effets de la récession mais de la surmonter, alors ils avancent un tout nouvel argument, à savoir, que pour venir à bout de la récession, huit cents milliards de dollars n’étant pas suffisants, il faudrait dépenser encore quelque centaines de milliards de plus.

Ainsi, incommodés par les faits, les avocats de la dépense joyeuse modifient opportunément leur argumentation au gré des circonstances.

Finalement, à court de réussite récente, ils sortent un vieux joker de leur poche : ils invoquent le New Deal lancé par le président Franklin Roosevelt en 1933, avec les dépenses massives qu’il aura entraînées, et censé – selon eux – avoir sorti l’Amérique de la Grand Dépression.

Sauf que, le New Deal ne fut pas le grand succès que l’on nous décrit, car il n’empêcha pas l’économie américaine de sombrer en 1937 dans une « dépression dans la dépression ».

Le Dow Jones chute de 49% entre mars 1937 et mars 1938, la production industrielle se rétrécit de 40% entre août 1937 et janvier 1938, et le chômage grimpe de 14% à 19% (alors que dans une Europe sans New Deal le chômage se situait à 12% en 1938).

Tant et si bien qu’en 1938, Roosevelt se voit obligé de rectifier le tir et réduit ou supprime certains impôts et introduit un ensemble d’incitations au secteur privé (« politique de l’offre »). La reprise durable démarre à ce moment-là et non pas – comme on nous le martèle – avec les grandes dépenses de 1933[2].

Les avocats de la dépense publique prétendent également avoir la solution aux problèmes des pays, tels ceux de l’Europe du Sud, qui sont aux prises avec une dette souveraine insoutenable. Pour nos keynésiens récalcitrants, s’il faut s’attaquer au déficit des comptes de l’Etat, eh bien, augmentons les impôts, mais ne touchons en tout cas pas aux dépenses (notamment aux effectifs de la fonction publique), et ce afin de ne pas nuire à la croissance économique.

Là encore, leur théorie se trouve contredite par les faits.

Une étude menée par les économistes Alberto Alesina et Silvia Ardagna, de l’université de Harvard, couvrant les 107 plans d’austérité mis en place dans les pays de l’OCDE au cours des 30 dernières années, montre que les plans les plus efficaces sont ceux qui ont comporté des coupes dans les dépenses publiques sans  augmentations d’impôts(cf.« Large Changes in Fiscal Policy: Taxes versus Spending »).

Une équipe du Fonds monétaire international arrive à une conclusion semblable : les coupes dans les dépenses publiques et les réformes structurelles (baisse des charges sociales, libéralisation du marché du travail) sont les seuls moyens de réduire durablement la dette souveraine d’un pays (cf. Chipping Away at Public Debt).

En fait, si les dépenses publiques permettaient vraiment de relancer l’économie, ou de préserver celle-ci de la récession, pourquoi, alors, le Japon, la Grèce et l’Italie, pays qui depuis longtemps en font un usage démesuré, se trouvent-ils dans le pétrin que l’on sait ?

Et c’est dans ce cul-de-sac du maintien (« stabilisation ») des dépenses publiques, avec en prime des augmentations d’impôts et de charges sociales, que le président Hollande a choisi d’évoluer !

  1. Harvey Golub, “How the Recovery Went Wrong”, Wall Street Journal, 22 mai 2012.
  2. Harold L. Cole et Lee E. Ohanian, “New Deal Policies and the Persistence of the Great Depression”, Journal of Political Economy, 2004; et Burton Folsom Jr. et Anita Folsom, “Did FDR End the Depression”, Wall Street Journal, 12 avril 2010.
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  • La philosophie des sciences a réfuté totalement Karl Popper, c’est le philosophe américain A noter pour l’intro: Thomas Kuhn qui a enfin mis fin aux erreurs grossières de Popper et des autres épistémologues européens. Cf La structure des révolutions scientifiques.

    • L’oeuvre de Thomas Kuhn « La Structure des révolutions scientifiques » est basée sur un concept idéologique pur. Dans cet traité, Kuhn modélise notamment la science comme phénomène social…Pour lui la Science et son développement (et donc in fine les lois scientifiques) sont dictée par la pression sociale. Ou plus exactement par la vision sociale du monde à l’instant t.
      Cette position a amené au développement de toute « une science sociale » réfléchissant sur le développement et les découvertes des sciences « dures ».
      Cela a explosé en vol avec l’affaire Sokal, dont le but était de montré que les positions philosophiques peuvent être utilisées pour contester les théories scientifiques en place et servir à élaborer de nouvelles théories (plus sociales, plus acceptables). Ce qui en soit idiot.

      Enfin, la position de Popper n’a jamais été rendu caduque. Les propositions de Kuhn sont des exemples même de ce que Popper considère comme des pseudo-sciences (Il est toujours possible d’ajouter à la théorie une proposition ad-hoc pour prendre en compte l’observation, Il peut ne pas exister de théorie alternative, Il est possible de modifier la proposition réfutée dans un sens qui permet à la fois de prendre en compte l’observation, L’observateur peut avoir fait une erreur, le postulat de l’expérience peut être faux… etc etc etc). Tout un tas d’artifices pour ne pas remettre en cause la théorie. Et tant pis si ces artifices se contredisent les uns les autres…

      Comme le disais Sokal : Quiconque croit que les lois de la physique ne sont que des conventions sociales est invité à essayer de transgresser ces conventions de la fenêtre de mon appartement. (J’habite au 21e étage.)

  • « En économie le keynésianisme est un exemple parfait de ces théories irréfutables. »

    ?!? Bien au contraire!

  • Au contraire, la Théorie Générale est tout à fait réfutable sur le plan théorique et beaucoup s’y sont employés avec succés avant Keynes même (Say, Mill Ricardo par exemple contre Malthus précurseur de Keynes) et après lui (Friedman, Lucas, Hazlitt, Mises, Hayek etc). C’est une erreur de ne retenir que les faits pour affirmer son opposition aux idées keynésiennes.

  • @Reinert. Thomas Kuhn n’a pas réfuté Popper! Au contraire: Kuhn affirme que la science avance par changement de paradigme; or à chaque fois qu’il y a changement de paradigme, c’est le paradigme ancien qui est réfuté et tombe en désuétude. Par ailleurs, il n’y a pas que Kuhn; Lakatos va lui aussi dans le sens de Popper.

  • @Lio. Tout à fait d’accord: le keynésianisme a été contesté, voire réfuté, en aval et en amont. Seulement, pour les keynésiens, et pour les keynésiens seulement, leur théorie demeure irréfutée; car ils trouvent à chaque fois une excuse pour prétendre que, malgré les faits, elle est toujours valable. En cela, elle ressemble au marxisme, que Popper, pour cette raison, rangeait dans la catégorie de théories prétendument irréfutables.

  • Une économie qui est financée par la dépense publique n’est une économie viable, mais une dépense sure.
    Une économie viable se développe toute seule, crée de la richesse et des emplois. C’est en cela qu’elle est viable.

    Dans le cas d’une économie subventionnée, le remède est pire que le mal.
    Une grande part de l’activité est subventionnée, et donc des emplois sont préservés. Mais pour cela il faut de l’argent. Donc on va taxer les autres secteurs non subventionnés. Ce qui va réduire leurs développement et entrainer du chômage. Les emplois sauvés par la dépense publique sont au final détruit dans le secteur « privé ».
    On va donc aider les nouveaux secteurs en difficulté. Et la la machine s’emballe. On ne peut plus taxer. Le système va exploser…. Et non, on invente la dette, et on emprunte de l’argent pour continuer le système…
    Mais là aussi cela détruit de l’activité. Car ces subventions freinent le développement des secteurs non subventionnés. Pourquoi prendre des risques et investir si on est concurrencé par des acteurs protégés par la manne (et les lois) de l’état.
    Il arrive un moment (Argentine, Irlande, Espagne, Grèce) ou la dette n’est plus tenable. Et l’état doit donc arrêter les subventions.
    Et alors tout les secteurs subventionnés s’effondrent, le chômage augmente massivement et la récession s’installe durablement.
    Pourquoi durablement? Parce que les activités non subventionnées n’existent plus ou sont devenues marginales…
    La dépense publique fait reculer la baisse d’activité, mais accentue ses effets quand elle n’est plus soutenable.
    C’est une catastrophe… Comme mettre des étais sur un barrage en train de céder, au lieu de le vidanger…

  • Plusieurs problèmes sérieux dans ce papier.

    1. A supposer qu’Hollande ait bien choisi le maintien des dépenses et la hausse des recettes, ceci n’a rien de particulièrement keynésien à première vue, donc cela semble hors sujet.

    2. L’attitude décrite des « keynésiens » est certainement celle de Krugman. Pourquoi ne pas le nommer? Parler à la place d’une masse anonyme de keynésiens est mettre tout le monde dans le même panier. Il y a de fortes chances dans ces conditions que l’auteur construise un homme de paille. On ne peut pas dire comme ça que tous les keynésiens se comportent comme Krugman.

    3. On ne peut pas dire à la fois que la théorie keynésienne est un exemple type de théorie infalsifiable au sens de Popper et arguer que les faits la falsifient décennie après décennie. Qu’est-ce qui fait dire à l’auteur que la théorie keynesienne est infalsifiable? A ce stade, cela ne semble être qu’une affirmation gratuite.

    4. Que Popper ait effectivement fourni le critère de scientificité reconnu par la majorité des chercheurs est une chose, qu’il aient raison en est une autre. Il ne suffit pas d’affirmer que c’est la règle d’or pour que l’épistémologie sous-jacente soit correcte.
    Je ne suis pas sûr des vues de Keynes à ce sujet mais je ferais remarquer à l’auteur et ses lecteurs que si Popper a raison, alors la méthode de la tradition autrichienne et toutes les théories construites dessus sont d’aussi grande valeur scientifique que l’astrologie. Etes-vous prêt à les dénoncer plutôt que de vous concentrer sur Keynes?

    • @Xavier M.
      1. Ce qui est keynésien, c’est le refus de toucher aux dépenses quand on est contraint de réduire les déficits.
      2. Krugman n’est pas le seul à soutenir les idées incriminée moyennant un discours inspiré de Keynes.
      3. Le propre d’une théorie infalsifiable n’est pas qu’elle ne soit pas contredite par les faits mais que ses défenseurs modifient leur argumentation par des ajouts ad hocs pour la maintenir en vie. Exemple: le marxisme, qui trouve toujours des défenseurs, avec de nouveaux discours (Badiou, Zikev,etc.), malgré le désastre soviétique, chinois, cubain, etc.
      4. Ceux qui soutiennent Friedman contre Keynes vous diront qu’ils critiquent aussi Hayek à longueur de journée.

      • Le propre d’une théorie infalsifiable au sens de Popper est qu’elle soit formuler de telle manière qu’on ne peut pas la tester comme on le fait en sciences naturelles. C’est une question complètement séparée de l’attitude des gens qui disent être partisan de ladite théorie, vous malangez tout.

  • Keynes n’était déjà même pas d’accord avec lui-même, et sa théorie générale est remplie de contradictions, ce qui en soi n’est pas si étonnant si l’on considère qu’il réfléchissait aux frontières de son domaine d’étude.

    Cela dit, je trouve un peu facile de balayer l’héritage Keynésien d’un coup d’un seul alors qu’il n’a jamais été aussi utile pour le libéraux, et Friedman n’a pas manqué de la rappeler d’ailleurs.

    Si tout le monde est à peu près d’accord sur la micro-économie, il persiste de nombreuses « écoles » pour ce qui touche à la macro, et se pencher sur Keynes sans le nier d’entrée peut nous apprendre beaucoup.

    Keynes a fait des erreurs, a fait des généralisation hâtives très réfutables (l’exemple « il suffirait d’embaucher les chômeur à creuser des trous, etc »), mais il a néanmoins mis le doigt sur des réalités économiques qui sont cruciales pour comprendre l’économie basée sur une monnaie fiducière, gérer les crises, et surtout favoriser la libre entreprise. La monnaie fiducière en particulier, et la capacité pour les banques centrales de racheter les bons du trésor sans limite (théorique – l’inflation pouvant être une limite politique très solide) change complètement la donne quant aux prévisions économiques et notamment aux taux auxquels les État s’endettent. Le fait que le Japon, avec une dette colossale, puisse s’endetter à des taux historiquement bas est un exemple flagrant de paradigme.

    Je pense que les libéraux, et Contrepoints au passage, ont tout intérêt à se renseigner sur le néo-chartalisme et autres écoles hétérodoxes qui essayent, non sans succès, de favoriser la liberté économique de manière diplomate, sociale (au sens « qui peut passer auprès des gauchistes ») tout en proposant des méthodes intelligentes de réduction de l’Etat et de réhabilitation du libre-échangisme dans le débat politique.

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