TPP, NDAA : le retour de la vengeance d’ACTA, en pire

Deux propositions de lois américaines récentes, le TPP et le NDAA, emboutissent un peu plus les libertés fondamentales des américains…

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TPP, NDAA : le retour de la vengeance d’ACTA, en pire

Publié le 21 juin 2012
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Il y a quelques années encore, c’était le bon temps, celui où des propositions de lois débiles étaient mises sur la place publique et où les internautes, les découvrant, pouvaient les réduire en charpie et se moquer des ministres et autres bouffons de députés en mal de lobbyisme qui les proposaient. Ça ne contrait pas toujours les velléités des gouvernants à museler tout et tout le monde, mais au moins, on savait qu’on se faisait bouloter discrètement les chevilles par les caniches de l’État. En France, on a ainsi eu le droit à des moments épiques avec la DADVSI, la LOPPSI puis sa séquelle, et l’inénarrable aventure de HADOPI. Et si c’est vrai en France, c’est aussi vrai aux USA…

Et aux États-Unis, comme le veut le dicton populaire, on voit tout en grand. Ce qui fut fait en France à une échelle réduite avec des moyens limités (surtout intellectuellement), les Américains l’ont refait avec la force de frappe hollywoodienne qui les caractérise.

On a donc eu le droit à SOPA, ACTA, PIPA, tout plein d’actes grandiloquents destinés à chaque fois, la main sur le cœur, à aider l’humanité dans sa recherche d’un monde plus doux, plus câlin, plus gentil et surtout moins encombré de ces gens qui veulent lire, écrire, parler, et dire des choses qui sortent de la doxa établie par les politiciens.

À chaque fois, pour chacune de ces tentatives lamentables par les hommes de pouvoir de détourner un peu plus internet en leur faveur, une partie des médias et des internautes se sera malgré tout mobilisée pour faire entendre sa voix, et faire connaître au reste du public une autre version que le sirop aux édulcorants délivrés par les thuriféraires de l’immixtion étatique à tous les étages.

Ces derniers ont finalement compris qu’en procédant de façon habituelle, l’information finit par filtrer. Dès lors, ils procèdent à présent en utilisant le secret et la plus grande discrétion, ce qui rend le débusquement de leurs exactions plus difficile. Et de façon logique, plus l’action menée entame de liberté fondamentale, plus elle sera camouflée.

C’est donc en loucedé que le gouvernement des États-Unis a passé, récemment et dans une relative indifférence des médias, le « National Defense Authorization Act » qui rend par comparaison, le Patriot Act presque pastel.

Ce dernier, on s’en souvient, avait étendu d’une façon fort élastique la définition même de terroriste. Son application sur le territoire américain (et bien au-delà) aura provoqué un paquet d’affaires aussi ahurissantes que scandaleuses.

Le NDAA, de son côté, est normalement l’acte de loi consacré au budget du ministère de la Défense. Cependant, pour l’année 2012, ce dernier a reçu ce qui s’apparente à un fort sympathique cavalier législatif, qui, ni plus ni moins, codifie la détention militaire indéfinie de tout civil sans jugement et sans motif exposé. (Pour les intéressés, ils pourront se référer à ce PDF du texte complet, et c’est à la page 359).

NDAA Président Obama, le socialisme pépère en action outre-Atlantique.Ce texte est fort intéressant parce qu’en pratique, il permet à l’oncle Sam de choper qui il en a envie (c’est à dire vous, moi, et y compris des Américains, un comble) et de le coller en cellule sans motif exposé, ni jugement, ni date de sortie. Le président Obama, cette petite crotte molle calculatrice de gauche, dans sa grande clairvoyance et son humanisme de Président lui aussi socialiste, a bien évidemment senti que ce texte était fort dangereux, et l’a donc signé sans plus y penser.

On pourrait croire que ce joli coup fut un coup de maître en lui-même suffisant pour l’année 2012. Que nenni.

À peine l’encre séchée sur cette forfaiture, le gouvernement Obama enchaînait sur une autre magnifique tentative d’érosion des libertés civiles, et cette fois-ci, en nous rejouant le meilleur du traité ACTA qui, on s’en souvient, avait essentiellement basé son succès politicien sur l’opacité complète qui avait présidé à son élaboration et à son approbation dans toutes les sphères du pouvoir.

Il s’agit ici du Trans-Pacific Partnership, le TPP. Ici, nous parlons de la mouture actuelle, qui a été négociée à huis clos et dans un secret qui confine au complot. Le traité initial, qui date de 2005 et couvre tous les échanges de biens, règlements de litiges, mesures phytosanitaires, services, propriété intellectuelle et contrats gouvernementaux, avait pour objectif d’éliminer 90% des droits de douane entre les pays membres de la région Asie-Pacifique et les États-Unis dès 2006, et de les annuler complètement d’ici 2015. Rien de bien méchant, a priori. On frisait même, sur le papier et dans les objectifs avoués, du libéral compatible de première bourre.

Mais à la suite de l’explosion en vol du traité ACTA l’année dernière, les furieux lobbyistes (et autres majors des industries médiatiques qui rêvent de museler internet une fois pour toute) ne pouvaient en rester là et ont donc tenté le tout pour le tout en bidouillant le traité TPP pour y réintroduire par la fenêtre ce qui n’était pas passé par la porte.

Comme pour ACTA, l’ensemble de la négociation se sera donc tenue dans le plus grand secret, et comme pour ACTA, des morceaux juteux auront fuité, malgré une chape de plomb sur le sujet.

Le secret était tel que la grogne a fini par monter dans les rangs mêmes de ces sénateurs qui sont en charge, justement, de négocier les traités commerciaux internationaux, comme le sénateur Wyden, à qui l’on a refusé l’accès aux documents du traité, purement et simplement, ou encore Darell Issa, le président du Comité de Surveillance du Gouvernement, le comité le plus puissant à la Chambre des Représentants américaine, qui, excédé de voir se qui se tramait, en a lui aussi fuité quelques passages éclairants.

Pour ce qu’on peut en lire (et pour résumer à grands traits), la nouvelle mouture du traité est farcie de dispositions qui n’auraient pas départi dans ACTA, SOPA et autre PIPA, et qui étendent les droits de propriété intellectuelle dans des proportions en pratique inapplicable sur internet sauf à plonger l’ensemble de la technologie correspondante dans un marécage juridique profond et gluant. Là encore, la patte des lobbies pharmaceutiques et des industries médiatiques et culturelles est évidente.

Tous ces traités montrent de façon criante comment, en utilisant à fond le capitalisme de connivence et en mariant de façon incestueuse et répétée la politique et les grandes firmes nationales, le socialisme aura vendu la démocratie américaine par morceaux à une industrie qui dépend maintenant totalement du pouvoir de coercition étatique employé à son strict profit.

Fascism : do you think it'll be this obvious ?

Tous les jours, les États dits démocratiques continuent leur chemin sur la route de la servitude, et parviendront un jour au stade du fascisme dans ce qu’il a de plus traditionnel : par l’État, pour l’État, rien que l’État.

Ce sera par petites touches subtiles, par changements progressifs. Ce qui se passe aux États-Unis n’a, bien malheureusement, rien de novateur ni même de différent de ce qui se passe en Europe, où par exemple, à l’heure même où ces lignes sont écrites, des pays comme le Luxembourg, l’Autriche ou la Slovaquie participent aux décisions sur les quotas de pêche de l’Angleterre ou de la France… Le mécanisme est connu : les institutions étatiques prennent de plus en plus de place jusqu’au jour où elles décident d’absolument tout, y compris de la vie et de la mort des citoyens les plus récalcitrants.

Et si vous pensiez que l’arrivée du fascisme serait évidente à déceler, qu’il y aurait des gens pour se lever comme un seul homme pour dénoncer ces dérives monstrueuses, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. À l’évidence, des ardents humanistes, des fervents défenseurs de la veuve, de l’orphelin et de leurs droits d’expression, on en trouve des brouettées dans les rédactions des journaux, les cabinets ministériels, les coursives et les bancs de l’Assemblée Nationale, qui en sont tous farcis à nos frais.

Et dites moi, actuellement, combien sont debout ?
—-
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