SMIC : coup de pouce… au chômage

Au moyen d’un coup de pouce au Smic, François Hollande prétend faire du social. Pourtant les économistes du monde entier savent que le Smic est une machine à créer des chômeurs.

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Feuille de paie (Crédits : George Grinsted, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

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SMIC : coup de pouce… au chômage

Publié le 6 juin 2012
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Au moyen d’un coup de pouce au Smic, François Hollande prétend faire du social. Pourtant les économistes du monde entier savent que le Smic est une machine à créer des chômeurs.

Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’Aleps.

C’est une des promesses de campagne de François Hollande.

Le salaire minimum augmentera en juillet plus vite que ne l’implique la formule actuelle : c’est le fameux coup de pouce au Smic. De plus, la formule de calcul devrait être modifiée pour tenir compte de la croissance. On appelle cela faire du social. Pourtant les économistes du monde entier savent que le Smic est une machine à créer des chômeurs. Plus on le relève, plus il y a de chômage. Le coup de pouce au Smic est une mesure profondément antisociale.

 

Le pouvoir d’achat du Smic ne cesse d’augmenter

Le coup de pouce au Smic est une tradition bien française, pas seulement à gauche.

Valéry Giscard d’Estaing avait augmenté le Smic de 23 %, en plein choc pétrolier, François Mitterrand en 1981 avait décrété deux hausses successives l’une à 8 %, l’autre à 10 %. François Hollande, plus flou dans ses promesses, suivra le même chemin : le coup de pouce sera donné, ses ministres l’ont confirmé, mais on s’interroge encore sur la grosseur du pouce.

L’innovation de François Hollande est ailleurs.

Lors de la conférence sociale de juillet, il devrait proposer une modification du taux de la hausse automatique du Smic : à la hausse légale habituelle viendrait s’ajouter une hausse égale à la moitié du taux de croissance économique. On sait qu’actuellement le mode de calcul fait que le taux de hausse du Smic est celui du taux d’inflation augmenté de la moitié du taux d’accroissement du pouvoir d’achat du salaire de base horaire ouvrier. Le coup de pouce est en plus, à la discrétion du gouvernement.

Le Smic est actuellement à 1398,37 euros brut, et la CGT demande le Smic à 1700 euros ! Selon le cabinet McKinsey, le Smic net a progressé de 18 % en dix ans, beaucoup plus que le salaire moyen (5 % seulement). Résultat : lpart des salariés payés au Smic ne cesse d’augmenter, resserrant l’éventail des salaires. Un coup de pouce accentuerait cette dérive. Pourtant le Smic français est déjà l’un des plus élevés d’Europe : entre 100 et 300 euros dans les pays de l’Est, moins de 500 au Portugal, moins de 800 en Espagne et 1138 en Angleterre. Seuls quatre pays sont devant nous, mais pour davantage d’heures travaillées.

 

Le salaire est le prix d’un service

Ces discussions sur le coup de pouce ou le mode de calcul masquent l’essentiel.

Certes, si le coup de pouce est plus grand, les dégâts sont pires. Mais le problème de fond n’est pas dans le coup de pouce, mais bien dans le Smic lui-même.

Qu’on le veuille ou non, le marché du travail est un marché. Un marché, ce n’est pas un gros mot, c’est une rencontre pour acheter ou vendre non pas des hommes-marchandises, comme disait Marx, mais des services fournis par des hommes. Ces services s’échangent suivant un contrat de travail qui précise les conditions des prestations et leurs rémunérations.

Sur ce marché, il y a une offre de travail de la part des salariés, ou une demande d’emploi si l’on préfère. Corollairement la demande de travail émane des entreprises (elles demandent du travail aux salariés, elles offrent un emploi). S’il y a une offre et une demande, il y a donc un marché et qui dit marché dit prix. Ce prix, c’est le salaire.

Il faut rappeler cette vérité : sur un marché, le prix est l’élément central. C’est lui qui indique les raretés : le prix monte quand la demande est supérieure à l’offre (sur le marché du travail, le salaire augmente quand les entreprises ont besoin de plus de travailleurs que les salariés ne peuvent en fournir), et c’est l’inverse quand l’offre est supérieure à la demande. Le prix est donc ici comme ailleurs un vecteur d’information ; et sans liberté des salaires, les agents économiques (entreprises et salariés) ne savent plus que faire.

 

Le Smic : un faux prix

Le prix est un élément d’incitation : si les salaires augmentent dans un secteur et pas dans un autre, c’est qu’on manque de main-d’œuvre dans le premier, et la hausse du salaire incite les travailleurs à se porter de ce côté-là, tandis que la baisse les pousse à quitter les secteurs en déclin. Ce sont ces incitations qui permettent le rééquilibrage permanent de l’économie, réduisant le chômage au minimum. Comme il y a toujours des rigidités, des décalages, et comme les salariés ne sont pas tous mobiles ni disponibles, il existe toujours un léger chômage, dit frictionnel : le temps que les adaptations se fassent. Accroître ces rigidités, c’est accroître le chômage, en revanche la mobilité et la flexibilité le réduisent.

Or, la première des flexibilités, c’est celle du prix. Le Smic est un prix bloqué, on veut l’empêcher de baisser, puisqu’il s’agit par définition d’un minimum. Un prix bloqué, c’est un faux prix, comme le disait Jacques Rueff ; il fait prendre de mauvaises décisions et, dans le cas du marché du travail, il conduit au chômage. Le niveau élevé du Smic décourage les entreprises d’embaucher des travailleurs peu qualifiés, dont le coût salarial est supérieur à leur productivité ; comparativement la main-d’œuvre plus qualifiée est moins chère, donc on laissera pour compte les candidats au Smic. C’est encore plus vrai en France en raison des charges sociales qui s’ajoutent au salaire. Résultat : le déséquilibre ne pouvant se réduire par la variation du prix, il se reporte sur les quantités : les smicards sont bien payés, quand ils trouvent des emplois… mais ils n’en trouvent pas. Le Smic, c’est pas de salaire du tout.

Toutes les études, de l’OCDE à l’INSEE en passant par le Conseil d’analyse économique montrent que le niveau du Smic crée du chômage, en particulier chez les moins productifs, les moins qualifiés, à commencer par les jeunes, les femmes ou les personnes en difficulté. Le chômage des jeunes est élevé là où le Smic est élevé. C’est un facteur d’exclusion. Cette exclusion est durable, car en écrasant la hiérarchie des salaires le Smic n’incite pas à se qualifier et à progresser. Il y a en France près de 17 % des salariés au Smic, contre à peine 1,5 % aux États-Unis où il joue juste le rôle de la voiture balai.

 

Le Smic, vrai faux ami de la justice sociale

En outre, tous les pays n’ont pas de Smic, Allemagne en tête : ce sont les conventions collectives qui fixent le salaire par branche, ce qui permet de payer davantage là où c’est possible. S’il y a moins de chômeurs en Allemagne c’est certes en raison des réformes du marché du travail, mais c’est aussi en raison de l’absence de Smic.

Oui, mais on rétorquera qu’avec un salaire inférieur au Smic, on ne peut pas vivre.

Souvent exact, mais c’est confondre salaire et revenu : on peut être deux à travailler, avoir d’autres revenus. Et il existe des mécanismes de soutien qui ne pénalisent pas ceux qui travaillent, tel l’impôt négatif (en dessous d’un certain revenu les contribuables ne paient pas d’impôts, ils reçoivent un chèque du percepteur). Cependant la seule façon d’avoir un pouvoir d’achat en hausse durable et de prévenir le risque de licenciement c’est d’inciter chacun à s’adapter, à progresser. Or le Smic décourage et empêche ces évolutions.

Le coup de pouce au Smic n’est donc qu’un coup de pouce au chômage. Il est un « vrai faux ami de la justice sociale » (Les Échos). Il est urgent de le supprimer ou, au moins, de le bloquer : ce qui demande courage politique et compréhension de l’économie. Difficile !

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