Laureano Figuerola au champ d’honneur

Quand il mourut, Figuerola était un homme d’une époque déjà disparue, mais son caractère et ses idées n’avaient pas beaucoup changé

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Laureano Figuerola au champ d’honneur

Publié le 2 juin 2012
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Quand il mourut, Figuerola était un homme d’une époque déjà disparue, mais son caractère et ses idées n’avaient pas beaucoup changé depuis cette nuit de 1862 où il fut sur le point de jouer sa vie au cours d’un duel.

Par Francisco Cabrillo, de Madrid, Espagne

Au nombre de deux furent les grandes contributions que Figuerola apporta à l’économie espagnole dans les deux brèves périodes où il a détenu le portefeuille de ministre des Finances. La première, la création de la pesète en 1869, qui sera notre monnaie jusqu’à la récente implantation de l’euro. La seconde, une réforme douanière libérale qui, si elle avait été consolidée, aurait sûrement permis un développement économique beaucoup plus solide du pays.

Laureano Figuerola est né en 1816 dans le village barcelonais de Calaf. Après avoir étudié le droit à Barcelone et à Madrid, il commença son activité comme professeur universitaire dans la première ville en 1842. Professeur à Barcelone en 1847, il obtint sont transfert à Madrid six ans plus tard ; et en 1853, nous trouvons notre personnage dans la capitale, où il aura une brillante carrière politique dans les rangs du parti progressiste. Collaborateur et ami du général Prim, il intervint activement dans la préparation de la révolution de 1868, qui expulsera Isabelle II du pays. Grâce à ce changement politique, il entra au gouvernement, avec l’objectif de mettre en pratique les idées de réformes libérales de l’économie espagnole, qu’il avait défendues pendant longtemps dans des forums comme l’université, l’Athénée, la Société libre d’économie politique et l’Association pour la réformes des droits de douanes.

Figuerola était un libéral radical, ennemi du régionalisme et féroce critique du socialisme. Les idées politiques et économiques de l’Église ne réveillaient pas plus son enthousiasme et il n’hésitera pas à traiter dans certaines occasions les socialistes de moines du 19e siècle, car, selon son opinion, aussi bien les uns que les autres s’en remettaient à un être supérieur comme s’ils étaient morts. Et il n’était pas un homme de caractère faible. De lui, Palacio Valdés disait qu’un curé faisait son déjeuner et son dîner. Et Francisco Cañamaque définissait ainsi sa rhétorique parlementaire : « Les mots sortent de sa bouche coupants et sans saveur ; plus de quatre fois, il blesse par la manière crue de dire les choses. Ses adversaires ne s’en vont jamais sans griffes au visage ou un coup. » Et c’est précisément ce qui arriva à Enrique O’Donnell, frère de don Leolpoldo.

On était en 1862 et s’approchait la fin du long gouvernement de O’Donnell, qui présidait de manière ininterrompue le conseil des ministres depuis déjà quatre ans. Nous connaissons l’histoire grâce à une lettre de Salustiano Olózaga adressée à Víctor Balaguer. Après un dur débat qui se tint au congrès, Enrique O’Donnell exigea des explications à Figuerola, ce qui à l’époque signifiait un défit au duel si ces explications n’étaient pas jugées satisfaisantes par l’offensé. Notre économiste s’y refusa ; et les témoins de O’Donnell et ceux de Figuerola s’accordèrent sur les conditions du duel. Ce serait au pistolet, après la crépuscule. L’affaire se présentait de manière compliquée pour Figuerola, non seulement parce qu’il avait peu d’expérience des armes, mais aussi parce qu’il était myope et eût des problèmes de vue presque toute sa vie.

Jusqu’à deux heures et demie du matin, don Laureano et ses témoins, le général Latorre et Manuel Ruiz Zorrilla, le futur leader du républicanisme espagnol, restèrent à côté de la boîte à pistolets. Figuerola rédigea un protocole d’accord, que les témoins d’Enrique O’Donnell se refusèrent à accepter ; et le sang aurait sans doute coulé si le président du Congrès lui-même et de nombreux députés de toutes les tendances n’étaient intervenus pour éviter le duel. Et finalement, aussi bien la vie que l’honneur de Figuerola restèrent saufs.

Ces événements, cependant, ne changèrent pas la manière d’être de notre personnage. Après la proclamation d’Alphonse XII, Figuerola, qui pensait qu’il ne pouvait avoir de chose plus funeste pour notre patrie qu’une restauration bourbonienne, passa dans le camp du républicanisme, ce qui signifia en pratique la fin de sa carrière politique. Mais même ainsi, on ne réussit pas à faire taire le vieux libéral, qui fut expulsé en 1875 de sa chaire pour avoir pris parti contre le gouvernement dans l’affrontement qui eût lieu suite au décret du marquis d’Orovio, qui limitait la liberté d’enseignement dans l’université espagnole ; ce qui, il est vrai, le conduira à être le premier président de l’Institution libre d’Enseignement, alors que les krausistes n’avaient pas encore pris le contrôle de l’Institution, chose qu’ils réussiront plus tard.

Quand il mourut en 1903, il était un homme d’une époque déjà disparue : républicain dans une Espagne où la monarchie semblait s’être bien assise ; libre-échangiste dans une Espagne qui avait emprunté d’une manière décidée la voie du protectionnisme ; et libéral dans un monde qui croyait chaque fois plus dans l’État et chaque fois moins dans le libre jeu des forces du marché. Mais son caractère et ses idées n’avaient pas beaucoup changé depuis cette nuit de 1862 où il fut sur le point de jouer sa vie au cours d’un duel.

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Article paru dans Libertad digital. Traduit de l’espagnol.

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