RD Congo, une partition serait-elle vraiment justifiée ?

Beaucoup en appellent à la partition de la République Démocratique du Congo, arguant de sa non-existence en tant qu’Etat-nation. Pourtant, la situation est plus nuancée, comme le rappelle cet article.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
RDC-Congo

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

RD Congo, une partition serait-elle vraiment justifiée ?

Publié le 26 mai 2012
- A +

Beaucoup en appellent à la partition de la République démocratique du Congo, arguant de sa non-existence en tant qu’État-nation. Pourtant, la situation est plus nuancée, comme le rappelle cet article.

Par Remy K. Katshingu.
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre.

Six mois après des élections tronquées, la crise de légitimité couve toujours en RD-Congo, alors que les combats ont repris dans le Kivu sur fond de rumeurs de balkanisation. « There Is No Congo », tel est le titre d’un article publié en mars 2009 dans Foreign Policy [1] par Jeffrey Herbst et Greg Mills invitant la communauté internationale à reconnaitre une« évidence brutale » : la non-existence de la RD-Congo comme État-Nation. Leur thèse se résume à peu près à ceci : extrêmement riche en ressources naturelles, sous-peuplée et ayant une population culturellement moins intégrée et institutionnellement faible, le Congo ne serait pas un État fonctionnel. De nombreux Congolais en ont déduit que cette thèse serait téléguidée par les firmes multinationales, en collusion avec certains pays voisins, dans le but de fournir la preuve scientifique à la matérialisation de la partition du Congo.

Question : pourquoi relie-t-on cette thèse à un « complot » visant la partition du Congo ?

Premièrement, elle tombe singulièrement à pic, au moment où la RDC est assaillie par une guerre déclenchée en 1996 par M’zee Kabila pour renverser Mobutu avec l’aide du Rwanda et de l’Ouganda sous la houlette des États-Unis. Depuis, l’Est du pays est soumis au pillage systématique de ses ressources naturelles par une bande des milices armées opérant à la solde des pays voisins susnommés et des puissantes multinationales sous l’œil attendri de la Monuscoet de la Communauté internationale.

Deuxièmement, les déclarations simultanées de Nicolas Sarkozy et Herman Cohen, le premier plaidant pour un meilleur partage de l’espace et des richesses dans la région des Grands-Lacs et le second affirmant qu’au Département d’État, le Kivu faisait partie du Rwanda, sont révélatrices des intentions des grandes puissances.

Enfin, en 2010, les Pays-Bas ont abrité un séminaire centré sur les frontières du Congo à l’horizon 2020.Récidivant en avril 2012, le ministère des Affaires étrangères du même pays en collaboration avec la fondation Netherlands-African Business Council, convoquait une rencontre d’information aux entreprises intéressées sur la situation du « Ghana, de l’Éthiopie et de la région des Grands-Lacs » (sic !), la RDC comme État est ignorée !

Voilà pour les indices. Rappelons toutefois que le Congo n’est pas à sa première expérience de tentative de partition commanditée à partir de l’extérieur. En remontant la trajectoire de son histoire, il y a un siècle environ, vers 1890, les minerais du Katanga attirèrent le premier ministre de la colonie du Cap (Afrique du Sud), le britannique Cecil Rhodes, fondateur de De Beers. Au faîte de sa puissance, Rhodes menait une stratégie agressive dans la conquête de nouvelles sources des minerais. Il projeta de déconnecter le Katanga de l’État Indépendant du Congo (EIC) pour l’intégrer dans l’Empire britannique en Afrique Orientale, quitte à soudoyer le roi Mwenda M’Siri. Celui-ci réservera une fin de non-recevoir à sa requête.

Utilisant un argumentaire presque identique à la thèse Herbst-Mills (sous-peuplement, vaste superficie),mais tout en évitant de mentionner leur appétit pour les mines d’or et de cuivre, les médias britanniques firent de grosses manchettes revendiquant ouvertement ni plus ni moins la séparation du Katanga de l’EIC. Alerté, Léopold II déjoua ce plan en envoyant une expédition armée au terme de laquelle fut décapité le roi M’Siri qui était farouchement opposé autant à la partition du Katanga qu’à son occupation par un souverain étranger.

À l’indépendance (1960), les multinationales belges et américaines rééditeront le même subterfuge en commanditant la session katangaise.

La thèse Herbst-Mills a omis deux variables non négligeables dans l’équation de la partition du Congo. La première est relative à l’affirmation contrastante de Delphine Schrank[2] soutenant que le nationalisme dont font preuve les Congolais empêcherait l’émiettement de leur territoire. En effet, il y a lieu de marteler que l’identité nationaliste congolaise ne se réduit pas à la simple prise de conscience de soi, de sa culture ou de l’appartenance à un groupe ethnique spatialement dominant ou non. Elle plonges es racines plutôt dans la relation mythique que les Congolais, à l’instar du Mwami M’Siri ou de Nvita-a-Nkanga (roi Kongo qui fut décapité en 1665 par les Portugais pour s’être opposé à la prédation des mines de cuivre), entretiennent avec le « mabele ya ba Nkoko » (la terre de nos ancêtres), sans ignorer les considérations rituelles qui l’entourent.

En dépit de la diversité des particularités ethnoculturelles, les Congolais ont vécu et partagé sur leur terre, au cours des 50 dernières années, des événements historiques de portée nationale : la lutte pour l’accession à l’indépendance, le chaos post indépendance, le mobutisme avec ses périodes de gloire et de décadence, les turpitudes de la Conférence Nationale Souveraine, la double opération de « libération » menée par M’zee Kabila (contre la dictature mobutienne et contre les forces d’occupation rwandaises), la fraude électorale de novembre 2011… De là s’est développée une identité de situation qui vient fortifier une conscience nationale.

L’autre variable concerne la cristallisation politique de la génération congolaise-Y. Celle qui, entre décembre 2011 et février 2012, par milliers, a pris d’assaut les grandes artères des métropoles des 5 continents, a brandi le drapeau congolais devant le Capitole, la CNN, la CPI, la Maison Blanche, l’Élysée dénonçant le complot… Cette génération-là porte collectivement les stigmates du sang versé par 8 millions de congolais assassinés, violés et mutilés dans l’Est du pays par les forces d’occupation étrangères face à un État congolais incapable de les défendre et de défendre son territoire.

Ainsi, si l’institution « État congolais » parait inexistante, la Nation congolaise, elle, existe et se conforte justement en réponse aux dysfonctionnements du même État congolais sur son territoire (soit en pillant son peuple, soit en ne le protégeant pas de l’étranger, puis en le transcendant pour bénéficier d’une protection étrangère).

L’Histoire veillera à valider ou non le pouvoir prédictif de la thèse Herbst-Mills. En revanche, ces deux variables pèseront sans aucun doute dans l’analyse des résultats.

  1. http://www.foreignpolicy.com/articles/2009/03/17/there_is_no_congo?page=0,1
  2. http://www.foreignpolicy.com/articles/2009/04/08/68_million_congolese_cant_be_wrong?page=0,1
Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • « Beaucoup en appellent à la partition de la République démocratique du Congo, arguant de sa non-existence en tant qu’État-nation ».

    Cet argument étant valable pour tous les Etats du monde sans exception possible, il n’y a pas de raison qu’il concerne certains Etats ni plus ni moins que les autres. Ce qui distingue les Etats, c’est leur degré de violence à l’égard des populations qu’ils assujettissent, notamment par les contraintes réglementaires bafouant la propriété privée, le niveau de spoliation fiscale entamant la liberté économique et le chaos social volontairement entretenu pour saper la famille, donc la vie.

  • Une petite question ?
    En 1665, Nvita-a-Nkanga, roi du royaume du Kongo, donc géographiquement se trouvant à l’extrême ouest du Congo actuel, le Katanga actuel, ne faisant partie de son royaume, comment pouvait-il s’en prévaloir ? A cette époque, il ne pouvait pas connaître la valeur industrielle du cuivre qui plus est ses techniques d’extraction et de purification n’étaient pas encore connues dans cette région et à cette époque. Le Fer, l’or, et le diamant oui car avaient pour lui plus de valeur et l’extraction plus simple. Votre article est par ailleurs intéressant, mais il faut respecter l’histoire et éviter les anachronismes et certaines interprétations qui ne sont pas à la hauteur du sujet.

    Bene.

  • Le sujet est tellement simplifié et l’auteur semble prendre une position de militant – que le nivellement tire vers le bas. Ce pays a été créé de toute pièce (1885) et maintenu comme tel dans la violence depuis Leopold II. Les clivages régionaux et ethniques qui refont surfaces aux élections memes estudiantines semblent contredirent la thèse de l’auteur. Regardons la réalité en face pour justifier au minimum une structure de l’Etat capable de faire le lien entre diverses communautés et compatible avec les aspirations réelles des peuples de jouer et de de faire l’autriche!

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
4
Sauvegarder cet article

Le trafic d’or représente une source de financement pour les groupes terroristes, et plus récemment pour les mercenaires russes de Wagner. De facto, cette manne renforce tous les ennemis et compétiteurs de la France en Afrique de l'Ouest. Pire, elle est un fléau pour tous les pays de la région. Certains, comme la Centrafrique et le Soudan en sombrent. D’autres, comme la Mauritanie et la République Démocratique du Congo (RDC), ripostent.

 

La ruée vers l’or sahélienne : une malédiction pour la région ?

Depuis 2012, la bande ... Poursuivre la lecture

Par Isidore Kwandja.

En choisissant de nommer comme Premier ministre, un chef d'entreprise publique sans assise parlementaire confortable, le président Félix Tshisekedi apparaît comme le véritable chef de l’exécutif, même s'il n’est pas responsable devant le Parlement.

En effet, la Constitution congolaise en vigueur a institué un régime politique semi-présidentiel qui établit un équilibre des pouvoirs entre le président de la République et le Parlement reposant sur la même légitimité du suffrage universel.

Dans un système... Poursuivre la lecture

Par Isidore Kwandja Ngembo.

En acceptant la démission du Premier ministre Ilunga Ilunkamba et de son gouvernement, le président Félix Tshisekedi devra assurément procéder rapidement à la nomination d’un nouveau gouvernement devant mettre en œuvre son programme de réformes politique, économique, sociale et sécuritaire, durant les trois prochaines années qui restent, pour relever les multiples défis auxquels le pays fait face.

Parmi les priorités qui s'imposent et les défis qui attendent le prochain gouvernement, figurent notammen... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles