Dieu n’est pas keynésien

L’application des recettes keynésiennes nous a conduit à la faillite et a permis à notre « élite » de se maintenir au pouvoir. Économiquement, elle a piteusement échoué. Politiquement, elle a magnifiquement réussi, grâce a Keynes

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Dieu n’est pas keynésien

Publié le 19 mai 2012
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L’application des recettes keynésiennes nous a conduit à  la faillite et a permis à notre « élite » de se maintenir au pouvoir. Économiquement, elle a piteusement échoué. Politiquement, elle a magnifiquement réussi, grâce a Keynes.

Par Charles Gave.

Tous les trimestres, dans toutes les grandes démocraties, nous assistons à la publication des résultats du « PNB » local  (produit national brut). Des centaines voire des milliers d’économistes attendent ces publications avec anxiété, tant les résultats risquent d’avoir de l’influence sur leurs carrières selon qu’ils les auront prévu convenablement ou pas (remarquons au passage que si quiconque pouvait prévoir quoi que ce soit, le socialisme fonctionnerait et l’Union soviétique serait le pays le plus développé du monde).

Ces résultats sont immédiatement intégrés dans des modèles « économétriques multi-variables », remplis d’équations mathématiques compliquées, censés encore une fois prédire l’avenir.

Avant même de commenter plus avant, remarquons que les meilleurs de ces modèles ont rarement une erreur d’estimation inférieure à la variation moyenne d’un trimestre sur l’autre du PNB officiel, ce qui fait irrésistiblement penser à la fameuse blague : « Les économistes ont été inventés pour que les astrologues aient l’air sérieux. »

Mais le pire, c’est que tous ces braves gens passent leur temps à essayer de prévoir l’évolution de quelque chose qui en bonne théorie économique ne veut strictement rien dire et que cela entraine des graves erreurs de politique économique.

Je m’explique.

En théorie, le PNB est censé être la somme des valeurs ajoutées créées dans un pays pendant la période sous étude.

Calculer la valeur ajoutée dans le secteur privé est très facile et s’apparente quelque peu  au calcul des bénéfices pour une société industrielle ou commerciale. Si on agrège toutes ces valeurs ajoutées, il est également aisé de calculer ce que l’on pourrait appeler le PNB du secteur privé, que l’Insee en son temps appelait le PNB « marchand ». Ce PNB marchand est établi en fonction de règles comptables simples et compréhensibles qui sont parfaitement compatibles avec la théorie de la valeur subjective des Autrichiens (la seule valable), dans la mesure où toutes les transactions qui sont à l’origine de ces calculs sont volontaires, faites dans un marché concurrentiel et à partir de prix libres.

Ce n’est pas du tout le cas dans le secteur public.

Là, il n’y a pas de prix de marché, la concurrence n’existant pas dans les « services  publics » dont nul ne sait comment calculer la rentabilité. Comment calculer la valeur ajoutée créée par l’arme atomique, la police, la Sécurité Sociale ou l’ANPE ?

Devant cette difficulté conceptuelle une solution toute simple a été trouvée : la valeur ajoutée créée par le secteur non marchand sera égale à la somme des salaires versées par l’État à tous ses employés. Le PNB français va donc monter prochainement de la somme des salaires versés par Monsieur Hollande aux 60.000 nouveaux professeurs qui vont être embauchés, ce qui sera salué avec enthousiasme par les supporters du nouvel élu.

Peut-être ces 60.000 nouveaux professeurs vont-ils créer de la valeur ajoutée, peut-être ne vont-ils rien créer du tout si ce n’est des déficits budgétaires accrus, personne ne peut le dire ni le calculer. Ce qui veut dire en termes clairs que la part « étatique » du PNB est calculé selon les principes de la valeur travail, chers à ce bon vieux Marx.

Le PNB est donc le résultat de l’addition de deux agrégats, l’un calculé selon la théorie de la valeur autrichienne et l’autre selon la théorie de la valeur marxiste dont chacun a pu constater les mérites en URSS, au Cambodge ou dans la Chine  maoïste.

Or ces deux théories sont complètement incompatibles l’une avec l’autre. On additionne donc gravement des pommes et des oranges selon la plus vieille méthode qui date des origines de l’humanité celle dite (en anglais) « GIGO » ou « garbage in, garbage out » (ordures en input=ordures en output), ce qui est tout simplement hilarant.

Prenons l’exemple de la France.

Depuis 1992 (vingt ans), c’est à dire depuis la politique d’abord du franc fort et ensuite de l’euro, en termes nominaux, l’économie « marxiste » a cru de 4% par an et l’économie libérale de 1,5% alors qu’auparavant, les deux économies avaient des taux de croissance similaires. De ce fait, le poids de l’État dans l’économie a considérablement augmenté, et comme nous n’avons jamais présenté un budget en équilibre depuis 1973, la dette a explosé puisque l’État ne se finance pas en réinvestissant des profits, mais en émettant de la dette pour régler ses factures.

Cette hausse structurelle du poids de l’État a entraîné une baisse tout aussi structurelle du taux de croissance de notre pays et bien sûr un sous-emploi et donc un chômage en constante progression. La France a le record mondial du chômage de longue durée. On a les records mondiaux que l’on peut. [1]

Et tout cela s’est fait alors même que la population était persuadée par les media que tous ses malheurs venaient d’un libéralisme débridé.

Parler des excès du libéralisme alors même que le poids de l’État dans l’économie ne cesse d’augmenter constitue en fait la vraie, la seule « exception culturelle Française ». Pour être honnête, pendant ces vingt ou ces trente dernières années, la gauche et la droite ont alterné au pouvoir sans que l’on puisse remarquer la moindre différence.

En dehors de l’erreur de politique monétaire (franc fort, euro, largement supporté par les deux camps) qui explique largement les désastres actuels (merci Monsieur Trichet), remarquons quand même que toutes les élites françaises communient sur les autels de l’Église keynésienne et que c’est sans doute là que se trouve l’explication.

L’application de recettes keynésiennes nous a conduit à  la faillite, comme on pouvait s’y attendre. Mais cela a permis à cette soi-disant élite de rester au pouvoir. Économiquement, elle a piteusement échoué. Politiquement, elle a magnifiquement réussi, grâce a Keynes.

Il faut donc la féliciter et souhaiter bonne chance à son dernier représentant qui vient d’être élu, tout en souhaitant qu’une fois au pouvoir Saul se transforme en Paul de Tarse.

Une petite remarque en terminant.

Quand nous avons été chassé du Paradis, Dieu ne nous a pas dit « consommez, empruntez, la croissance suivra » mais bien « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ». Ce qui veut dire, si je comprends bien : tu bosses et après tu consommes, si tu as bien bossé. À mon humble avis, Dieu n’est pas keynésien. Comme le disait Reagan : « Les économistes sérieux croient en Dieu, les Keynésiens croient au Père Noël. L’embêtant c’est que le Père Noël n’existe pas. »

Nous sommes le 25 décembre au matin et les Français vont se rendre compte qu’il n’y a rien dans leurs chaussures. Le monde est injuste.

—-
Sur le web.

  1. Pour plus d’explications voir mon ouvrage L’État est mort vive l’état, chez  François Bourin éditeur.
Voir les commentaires (37)

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  • La méthodologie comptable considérant que les salaires des fonctionnaires constituent la valeur ajoutée des administrations est un aveu. C’est l’aveu que les administrations sont à leur propre service et non au service de la population.

  • Un peu pénible, à la longue, toutes ces références à Dieu…

  • « Calculer la valeur ajoutée dans le secteur privé est très facile et s’apparente quelque peu au calcul des bénéfices pour une société industrielle ou commerciale. »

    Ho pépé, prend tes goutes. 2 le matin, 2 à midi, et alors, 8 le soir.

    • Pourriez-vous argumenter ?
      Sans arguments, ni démonstration, vos propos ne présentent aucun intérêt.

      • Il n’y a rien à démontrer, les définitions parlent d’elles même.
        La valeur ajoutée n’est pas le bénéfice, point. En schématisant, la valeur ajoutée c’est les bénéfices plus tous les salaires payés (qui en composent bien souvent la plus grande partie). Sa démonstration ne tient pas la route, quand bien même la conclusion aurait du sens.

        • L’auteur ne dit pas que la valeur ajoutée est égale au bénéfice mais que le mode de calcul de la valeur ajoutée s’apparente au mode de calcul du bénéfice.

  • « « Calculer la valeur ajoutée dans le secteur privé est très facile et s’apparente quelque peu au calcul des bénéfices pour une société industrielle ou commerciale. » »

    Il est sérieux ???

    La vieillesse est un naufrage….

    Article à jeter à la poubelle.

    • Disons que par rapport à l’impossibilité de calculer la valeur ajoutée d’un service public, c’est bien plus facile.
      Comment peut-on savoir si un service public vaut l’argent qui le finance, vu que le consommateur est forcé de payer ?

    • Avant d’insulter gratuitement les gens, va falloir apprendre à lire. L’auteur ne dit pas que la valeur ajoutée est égale au bénéfice mais que le mode de calcul de la valeur ajoutée s’apparente au mode de calcul du bénéfice. Ce en quoi il a parfaitement raison.

  • « Le PNB est donc le résultat de l’addition de deux agrégats, l’un calculé selon la théorie de la valeur autrichienne et l’autre selon la théorie de la valeur marxiste dont chacun a pu constater les mérites en URSS, au Cambodge ou dans la Chine maoïste.
    Or ces deux théories sont complètement incompatibles l’une avec l’autre. On additionne donc gravement des pommes et des oranges selon la plus vieille méthode qui date des origines de l’humanité celle dite (en anglais) « GIGO » ou « garbage in, garbage out » (ordures en input=ordures en output), ce qui est tout simplement hilarant. »

    L’argument du « on n’additionne pas des pommes et des oranges » est correct, mais il ne doit pas être limité au calcul du « PIB » généré par le secteur public. En réalité, c’est l’entier concept du « PIB » qui est détruit par cet argument.

    Je m’explique. Le « premier agrégat » distingué par M. Gave, celui relatif au secteur privé, ne résulte pas de l’application de la théorie subjective autrichienne. Celle-ci dispose expressément que les utilités ne peuvent être additionnées. En réalité, ce que le « PIB » additionne, ce sont des prix, et non des valeurs.

    Le problème est qu’un prix, i.e. une somme de monnaie, ne donne absolument aucune indication sur le niveau de la production. Si demain, vous divisez par deux la masse monétaire en circulation dans le pays, le « PIB » sera (approximativement) diminué de moitié. Alors que le niveau de la production, lui, n’aura pas bougé.

    Les statisticiens sont ainsi confrontés au problème irrésoluble suivant. Leur but est d’agréger la production nationale pour l’exprimer en un chiffre unique. Or, d’une part, la production est de nature hétérogène, de sorte qu’on ne peut en additionner directement les éléments (On n’additionne pas des pommes et des oranges). Il faut donc un dénominateur commun. Ce dénominateur ne peut être que la monnaie. Cependant, la monnaie ne donne aucune indication sur le niveau de la production. La seule manière de décrire le volume de la production est de dresser un inventaire interminable de tous les biens qui auront été produits au cours de la période considérée.

    Le « PIB » est donc totalement inapte à exprimer le volume de la production, en ce compris celle du secteur privé. La seule information (approximative) que cet agrégat puisse véhiculer a trait à la manière dont se répartit le revenu entre deux groupes distincts (par exemple, entre l’Etat et la société civile, entre la France et les Etats-Unis, etc…).

    • critique facile mais fausse. La PIB ne mesure pas la production mais la valeur de cette production. Et contrairement à ce que vous croyez cette valeur ne dépend pas de la quantité de monnaie en circulation, quantité qui est de toute façon endogène ce qui vous interdit de la diviser par deux ; le seul lien entre la masse monétaire et le PIB c’est que tous les deux sont représentatifs du fonctionnement général de l’économie.

      • Soit vous êtes idiot, soit vous ne savez pas lire. Soit les deux.

        1°Je suis précisément en train de dire qu’un agrégat exprimé en monnaie ne donne aucune indication sur la richesse globale, et vous me répondez  » contrairement à ce que vous croyez cette valeur ne dépend pas de la quantité de monnaie en circulation ».

        2° L’idée de « mesurer la valeur » est une absurdité totale. Le B-A-BA de l’économie est que la valeur, étant subjective, ne se mesure ni ne s’additionne.

        4° Contrairement à l’utilité, la masse monétaire, elle, peut parfaitement être additionnée, divisée, etc… C’est ce qui permet le calcul économique.

        4° Votre dernière phrase (« le seul lien entre la masse monétaire et le PIB c’est que tous les deux sont représentatifs du fonctionnement général de l’économie. ») est absolument vide de sens.

    • « La seule manière de décrire le volume de la production est de dresser un inventaire interminable de tous les biens qui auront été produits au cours de la période considérée.  »

      Non. Le PIB ne mesure pas le volume de production (càd l’ensemble des biens produits) mais la « richesse » créée (résultat d’un échange). Autrement dit, comptablement, le PIB est la somme des valeurs ajoutées qui sont des soldes de flux de richesses et non des stocks de productions. Raison pour laquelle C. Gave explique que le mode de calcul de la valeur ajoutée s’apparente à celui du bénéfice (ce que les excités du clavier plus haut n’ont pas compris) : la valeur ajoutée c’est la différence entre le flux de richesse qui sort d’une entité et le flux de richesse qui y rentre.
      Cette précision est importante puisque C. Gave montre ensuite que le PIB non marchant (qui se mesure par une somme de coûts) n’a pas la signification d’une richesse créée.

      • Je vois que vous n’avez pas compris mon commentaire.

        L’impossibilité de mesurer la production tient à l’hétérogénéité de celle-ci. Vous n’avez pas présenté d’argument qui montrerait comment on pourrait dépasser cette hétérogénéité pour agréger la production.

        La notion de « valeur (monétaire) ajoutée » présente un sens aux yeux de l’agent économique individuel car elle lui permet de savoir dans quelle mesure a évolué son « droit de tirage » (entre guillemets ») ou sa « part » du « gâteau » total, mais elle ne procure aucune information sur la valeur absolue du gâteau. Quant à la somme des VA, elle doit correspondre à 100% de la variation de ces droits de tirage, mais, pas plus que les VA individuelles, elle ne procure d’information sur la valeur totale du gâteau.

        De même, un échange résultant de l’évaluation divergente par les parties de la valeur du bien échangé, le « résultat d’un échange » ne peut absolument pas être évalué ou chiffré.

        Accessoirement, le mot « production » peut désigner à la fois un flux (l’action de produire) et un stock (le résultat de la production).

  • Les critiques infantiles contre Gave passent à côté de la phrase essentielle de sa démonstration : « Le PNB est donc le résultat de l’addition de deux agrégats, l’un calculé selon la théorie de la valeur autrichienne et l’autre selon la théorie de la valeur marxiste ».

    Contrairement à ce que nos comptables publics imaginent, les salaires de la fonction publique n’ajoutent pas de valeur parce que leur financement est contraint. Ici, il n’y a pas création de valeur mais déplacement de valeur. En revanche, les salaires et les dividendes du privé ajoutent de la valeur car ils procèdent d’un échange volontaire.

    Ce qui est essentiel, consubstantiel à la création de valeur, c’est le caractère volontaire de l’échange. D’ailleurs, si le caractère volontaire de l’échange n’était pas indispensable, les sociétés esclavagistes seraient devenues prospères. Mais c’était impossible, car l’esclavagisme détruit toujours plus de valeur qu’il n’est capable d’en créer, exactement comme les sociétés communistes, fascistes ou les Etats providentiels socialistes.

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