Christian Vanneste : « le système actuel privilégie les députés godillots et le clientélisme »

Le fougueux député du Nord répond en philosophe aux questions de Contrepoints sur l’actualité politique et sociale

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Christian Vanneste (Image libre de droits)

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Christian Vanneste : « le système actuel privilégie les députés godillots et le clientélisme »

Publié le 28 mars 2012
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Le fougueux député du Nord répond en philosophe aux questions de Contrepoints sur l’actualité politique et sociale.

Entretien exclusif de Contrepoints.

Christian Vanneste (Image libre de droits)

Contrepoints : Pensez-vous qu’il existe un espace pour le libéral-conservatisme ?

Christian Vanneste : Il faut commencer par distinguer trois niveaux : sémantique, politique et idéologique. Sur le plan sémantique il n’y a rigoureusement aucun espace, car l’opinion dominante en France refuse l’emploi des mots. Le terme conservatisme est systématiquement dénigré par les responsables. Écoutez le président de la République par exemple. Chaque fois qu’il emploie le mot conservateur c’est manifestement pour stigmatiser une attitude. Dans les pays anglo-saxons, les partis de droite s’assument comme conservateurs, ce qui correspond à ma position dans tous les domaines, alors que la gauche y désigne des libéraux. En France, même le mot libéral est quasiment une injure, parce qu’il y a une confusion entre le libéralisme politique et le libéralisme économique, bien-sûr toujours suspecté d’hyper-libéralisme, une espèce de capitalisme sauvage. Ce qui est consternant dans la mesure où parmi les plus grands penseurs libéraux, il y a un certain nombre d’auteurs français importants, ne serait-ce que Montesquieu, Benjamin Constant qui est complètement ignoré, Bastiat et l’immense Tocqueville, un des penseurs les plus lucides sur l’évolution de la démocratie. Leur occultation en France est tout à fait scandaleuse. Il faut rappeler que la philosophie libérale appartient à notre histoire.

Quant au champ politique, il est malheureusement en train de se rétrécir, puisque vous avez par exemple un courant qui a osé se réclamer du libéralisme, ce sont Les Réformateurs menés par Hervé Novelli, à la suite d’Alain Madelin, sur des positions davantage économiques. Pourtant même sur ce terrain, il n’a guère été suivi. On pourrait à peine citer quelques maigres avancées, comme le statut d’auto-entrepreneur. Le bilan reste très faible par rapport à ce qu’on aurait pu et dû faire. Si vous voulez, en paraphrasant Sieyès, on pourrait dire « qu’est-ce que le libéralisme ? Rien. Qu’est-ce qu’il devrait être ? Tout  ». Car c’est exactement ce dont la France a besoin, dans une situation de recul que l’actuel président de la République n’a pas redressée.

Comment expliquer cette inertie ?

Cela peut se résumer ainsi : l’apparente résistance de la France à la crise repose sur une politique de consommation essentiellement fondée sur les prestations sociales et donc sur le transfert des revenus, alimenté par une dépense publique monstrueuse qui fait de la France un pays socialiste, que ce soit la droite ou la gauche qui gouverne. Quand vous avez 56% du PIB en dépense publique, vous êtes évidemment dans une structure socialiste. Cette dépense permet entre autres d’entretenir un secteur protégé confortable, avec des assistés dotés de revenus même quand le pays se porte mal, et avec de nombreux fonctionnaires qui ne ressentent pas les effets de la crise. Ce système est alimenté par le déficit, donc par la dette. Malheureusement M. Sarkozy est quelqu’un qui parle beaucoup, qui s’agite beaucoup, mais qui n’a pas eu le courage de faire les réformes à la hauteur de nos problèmes, même s’il en a réalisé davantage que ses prédécesseurs.

Situez-vous la place du libéralisme à droite ou à gauche ?

Dans le paysage idéologique, il existerait un espace possible à droite, à condition d’avoir un libéralisme économique combiné avec un conservatisme social, ou bien avec  un souci général des libertés individuelles primant sur l’égalitarisme. En revanche, il n’en existe pas pour le libertarisme, c’est-à-dire une pseudo émancipation des mœurs qui serait, de mon point de vue, une forme de suicide social.

Y a-t-il une droitisation de la campagne de M. Sarkozy ?

Le drame du président Sarkozy est qu’il n’a pas de ligne directrice. Il n’est pas un stratège mais un tacticien de la politique. Il prend des idées dans l’air du temps, qui peuvent être de droite dans la mesure où elles lui paraissent bonnes pour communiquer, mais dont l’éventuelle mise en place est suivie de mesures contradictoires en fonction des circonstances. Ce fut le cas par exemple avec la suppression de la « double peine », suivie de textes répressifs contre l’immigration. Les contre-mesures en appellent d’autres et ainsi de suite. Cette attitude empirique, dénuée de règle éthique et de cohérence, s’est particulièrement vue lors de l’ouverture à gauche, catastrophique puisqu’elle a montré que la droite a peur de défendre ses idées et s’inspire de la gauche avec vingt ans de retard. Au fond elle se cantonne dans une attitude purement pragmatique, fait diversion sur le sécuritaire et se contente de proposer un moindre mal économique, apparemment opposé à la gauche, alors que dans les pays anglo-saxons, elle a su imposer ses valeurs.

Sarkozy installe-t-il un climat de défiance sur les questions de sécurité ?

Nicolas Sarkozy fait une campagne en deux temps, d’abord réduire les marges du FN en séduisant son électorat. Bien entendu s’il passe le premier tour, il changera son fusil d’épaule et cherchera à se recentrer pour rallier les voix de François Bayrou. Il pense à la communication avant d’agir en usant d’une tactique opportuniste. C’est la thèse d’Éric Zemmour, lorsqu’il dit que le gouvernement est conçu comme un casting et non comme une équipe de gens compétents. La défiance vient de ce manque de vision : quand Nicolas Sarkozy lance une idée, il est automatiquement soupçonné de calcul électoraliste et donc cela la décrédibilise. Cela avait été le cas lors du débat sur l’Identité Nationale. D’une manière générale, le jeu politicien consiste à nourrir des espoirs avec des gesticulations. Hollande a ainsi promis du rêve, ce qui me paraît malheureux. L’élection de 2007 avait provoqué des attentes fortes et par son absence de perspective, le président a déçu et créé un sentiment de désillusion. Son actuel slogan de candidat sur la France forte ne suscite guère d’enthousiasme.

À propos de laïcité « à la française ». Que pensez-vous de la proposition de François Hollande d’inscrire la laïcité dans la Constitution ?

Parmi les idées intéressantes du président, la laïcité positive était excellente : elle consiste à ne privilégier aucune religion mais à les respecter toutes. C’est l’esprit du texte même, en abandonnant son orientation agressive et sectaire développée au début du XXème siècle. Lors de l’inventaire des biens du Clergé imposé de façon violente, c’était vraiment une guerre injuste entre l’État et l’Église. La laïcité positive est une prise en compte de la réalité des rapports apaisés tels qu’ils doivent exister entre la politique et les religions.

Cette mesure peut-elle freiner la montée des extrémismes religieux ?

L’idée d’introduire la laïcité dans la Constitution, c’est comme la volonté de supprimer le mot race, il s’agit d’un cache-misère sémantique. On change les mots pour ne pas parler des idées, puisque le mot race est justement utilisé pour interdire les discriminations. Comme avec les communistes, il y a une volonté de table rase. On veut garder le crime mais supprimer le mot qui le désigne, c’est idiot. Montesquieu disait qu’il ne fallait toucher à une loi qu’en tremblant, or sur ce sujet on doit trembler beaucoup, la Constitution est faite pour que l’on ne la change pas. Personnellement, je suis opposé à toute inflation législative.

Comment empêcher cette inflation de lois ?

Un moyen efficace serait de mettre en place un comité d’évaluation et de contrôle indépendant, pour que le Parlement s’occupe beaucoup plus de vérifier l’impact de la loi et les conséquences pratiques de sa mise en œuvre à long terme. Trop de lois sont inutiles ou inappliquées, comme celle interdisant les attroupements dans les halls d’immeubles qui attentent à la liberté de circuler. Il faudrait aussi empêcher les mandats multiples. Une idée à laquelle je tiens est le référendum d’initiative populaire, comme en Suisse. Car un gouvernement ne laisse jamais passer une proposition de loi qui lui déplaît, en revanche il va imposer des projets qui lui plaisent. Vous avez vu par exemple l’opération menée par le Gouvernement et un député pour pénaliser la négation du génocide arménien. Il s’agissait bien sûr de faire voter les 300 000 arméniens. Ce n’est pas de la bonne politique car même si le génocide des arméniens en 1915 dans l’Empire Ottoman est une certitude, la mission parlementaire créée durant ce mandat pour traiter de la question des lois mémorielles avait clairement conclu qu’il ne fallait plus de lois dès lors que la réforme de 2008 permettait les résolutions. Durant mon dernier mandat parlementaire j’ai été le membre de la majorité qui a le plus souvent voté contre les textes gouvernementaux, en étant aussi souvent libéral que conservateur. J’ai voté contre Hadopi par exemple, qui est une vraie atteinte aux libertés.

Pourquoi n’y a-t-il pas une rébellion des députés ?

Parce que le système actuel privilégie les députés godillots et le clientélisme.

La seconde partie de l’interview, dans laquelle M.Vanneste s’exprime sur le clientélisme électoral entre autres, sera très prochainement publiée dans nos colonnes.

—-

Que penser de la dernière affaire Vanneste ?

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  • Bien que je doute fortement que M. Vanneste ai de la sympathie pour le libertarianisme au sens du wikiberal, il ne me semble pas qu’en l’occurrence ça soit de celui la qu’il parle mais plutôt du libéralisme « grand angle » qui a souvent tendance a confondre « les vices ne sont pas des crimes » et « il n’y a pas de vice la ou il y a la liberté ».

  • « …une pseudo émancipation des moeurs qui serait, de mon point de vue, une forme de suicide social. » Amusant… et toujours symptomatique de l’obsession vannestienne concernant les sexualites (orientations, plaisirs, pratiques, choix, entre adultes consentants, il va de soi) differentes de la sienne. « Suicide social ? » Donc le tissu social se desagregerait des que X coucherait avec Y au lieu de Z ? Ou quand XY coucherait avec XY’ ? Ou bien quand la bouche de X se rapprocherait dangereusement de … etc. Mais la liberte d’echanges et de contacts (litteralement le libre-echangisme ici 🙂 ne renforcerait-elle pas au contraire ce fameux tissu (reseau) social ??

    C’est tout de meme une jolie hypocrisie de precher la « liberte » economique de l’individu (qui sait mieux que l’Etat comment entreprendre, gerer sa vie, etc., nous sommes tous d’accord) tout en voulant lui dicter sa conduite privee dans la chambre a coucher (la, tout d’un coup, l’Etat sait mieux que lui ce qui est bien et pas bien).

    Des adultes consentants sont des adultes consentants et vous n’y pouvez rien : ils ont le droit naturel de disposer de leurs corps comme ils l’entendent, y compris de facon sado-masochiste, il n’y aura jamais aucun crime, aucune victime et la societe ne s’ecroulera pas — au contraire, en assouvissant ces desirs librement, la veritable violence et les vrais crimes (contre des enfants et adultes non-consentants) s’en trouve diminuee. Meme logique que la prohibition des drogues…

    • PS : dans « …il n’y aura jamais aucun crime… », je voulais dire plus exactement « …ils ne *correspondent* a aucun crime… »

  • Il ne dit pas que « l’Etat devrait dicter les conduites privées », mais qu’il n’a pas à distribuer des droits particuliers aux revendications des groupes demandeurs de législations. Il met en avant un conservatisme social, vision proche de Hayek selon laquelle les structures traditionnelles sont les meilleures pour assurer un ordre spontané de la société. Il y a en effet une présomption fatale dans la volonté rationaliste de détruire les traditions qui ont des effets positifs involontaires et cette présomption conduit toujours au renforcement des prérogatives de l’Etat ingénieur social.

    • C’est interpretation bien idealiste de ses propos (tenus ailleurs, en effet, pas vraiment ici-meme : juste une allusion en passant qui nous les rappelle). Pour lui, par exemple, l’homosexualité est clairement un dérangement mental (voir son discours fumeux pseudo freudien (tiens-tiens, Freud est soudain commode ici) sur le « narcissime » et autres balivernes, etc.). Donc il y a bien un jugement moralisateur et une forme de combat engagé de sa part — et non pas une simple tolérance pour la vie privée et une position politique anti-interets-particuliers (avec laquelle je suis d’accord : le « mariage » gay n’a pas lieu d’etre, ergo, d’ailleurs, le mariage etatisé en général, n’a pas lieu d’etre) comme vous le décrivez.

  • « C’est interpretation bien idealiste de ses propos »… Avant de reprendre le procès d’intentions ambiant dans un contexte de chasse aux sorcières à base de citations tronquées, attendez la seconde partie (publiée en semaine prochaine par nos soins), qui traite entre autres de ce sujet. Vous vous ferez votre propre idée.

    En attendant lisez cet article de Contrepoints qui rétablit la vérité:
    http://www.contrepoints.org/2012/02/17/69519-que-penser-de-la-derniere-affaire-vanneste

    Contrepoints, la revue qui lutte contre le prêt-à-penser.

  • bonjour

    pas très libéral Mr Vannestre… comme le pâté de cheval et d’alouette, bcp conservateur peu libéral.
    sur wikipedia:

    – En novembre 2005, il est l’un des premiers à déposer une proposition de loi visant à instituer la TVA sociale
    – en octobre 2006 une proposition de loi visant à lutter contre l’arrêt de commercialisation intempestif de produits médicamenteux
    – novembre 2007, il dépose une proposition de loi visant à permettre la création de logements étudiants
    – 15 juillet 2009, il vote contre, avec 10 autres parlementaires UMP, la proposition de loi de Richard Mallié autorisant le travail dominical
    – En septembre 2009, il dépose une proposition de loi16 visant à interdire l’ensemble des vêtements ou accessoires permettant de masquer l’identité d’une personne

    • Très bon récapitulatif.

      N’a-t-il de ce fait rien d’intéressant à dire sur le libéralisme ?

      • Mr Vannetre dit:

        il existerait un espace possible à droite, à condition d’avoir un libéralisme économique combiné avec un conservatisme social,

        En revanche, il n’en existe pas pour le libertarisme, c’est-à-dire une pseudo émancipation des mœurs qui serait, de mon point de vue, une forme de suicide social.

        Le pâté de cheval et d’alouette 🙂

        Le libéralisme économique ( pour les entreprises amies …)
        Le conservatisme social ??? (la messe le dimanche la famille …)

        Le libéralisme est un tout et libéralisme et conservatisme sont antinomique AHMA

        • @ gillib

          Ils le sont uniquement si le libéral-conservateur essaie d’imposer sa morale conservatrice par la force publique.
          En revanche s’il est conservateur « à titre privé » uniquement, pas de problème.

          Mais de toutes façons, Vanneste peut dire tout ce qu’il veut ses actes montrent qu’il n’est pas libéral, mais simplement conservateur.

          • « En revanche s’il est conservateur « à titre privé » uniquement, pas de problème. »

            toutafé 🙂
            le libéralisme défend ses choix de vie individuels

            Cela étant dit on parle de politique et une politique libérale est une politique qui décrète le primat de l’individu (le souverain), le conservatisme considère que la société s’organise suivant un ordre qui nous est « donné » (naturel) et l’individu doit s’y plier.

    • @ gillib

      Merci. On peut donc penser que ses mots « gentils » sur le libéralisme sont en totale opposition avec ses actes, et donc qu’il cherche juste à glaner quelques voix libérales en mentant.

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