La Grèce officiellement en défaut et le déclenchement des CDS

L’ISDA, l’organisme de référence de la plupart des CDS souverains a finalement reconnu l’état de défaut grec

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La Grèce officiellement en défaut et le déclenchement des CDS

Publié le 13 mars 2012
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La semaine dernière, je vitupérais l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association), l’organisme de référence de la plupart des CDS souverains, qui décrétait que le renoncement des créanciers à 70% de leurs avoirs sur la Grèce n’était pas un défaut, contre toute logique et toute base légale. Visiblement, cette première décision a fait désordre, tant et si bien que l’ISDA a finalement reconnu l’état de défaut grec. Cette décision est intrinsèquement bonne, quand bien même elle ne règle aucun des problèmes de fond de la zone Euro.

Par Vincent Bénard.

Sauver la crédibilité des CDS

Il faut croire qu’il n’y a pas que moi a m’être posé la question de la crédibilité du marché obligataire après un coup pareil. Même si l’attitude d’un Bill Gross (PDG du fonds PIMCO) semblait ambiguë, il était clair que le refus initial de l’ISDA de considérer le défaut grec comme un « événement de crédit » risquait d’obérer gravement non seulement le marché des CDS, mais aussi celui des dettes souveraines des pays en forme « moyenne » comme la France (pour les PIIGS, la situation reste tendue de toute façon).

L’ISDA vient donc de renverser sa première décision et va déclarer que le défaut grec est un « événement de crédit » déclenchant les CDS vendus sous un contrat type ISDA, soit plus de 80% de parts de marché des CDS. Les investisseurs peuvent donc continuer à hedger leurs obligations souveraines, et donc à en garnir leurs portefeuilles.

Il faut donc s’attendre à une poursuite temporaire de l’accalmie sur les marchés obligataires [1], et donc, dans la foulée de résultats d’entreprises plutôt bons, quelques jours (semaines ?) de bonne tenue des marchés d’actions, sauf si bien sûr un autre cygne noir passe dans le ciel à ce moment (Iran, François Hollande, etc.).

Naturellement, l’embellie sera d’assez courte durée, jusqu’à ce que les problèmes fondamentaux de la zone Euro resurgissent, car aucun d’entre eux n’est réglé, j’y reviendrai dans un autre article.

Cette prévision inhabituellement optimiste de ma part ne vaut que sauf, bien sûr, incident sur le réglement des CDS… Mais cet incident semble pour l’instant peu probable, sauf erreur d’appréciation de ma part.

Exposition brute et nette

Les conséquences du déclenchement des CDS sont encore difficiles à évaluer. La presse évoque couramment une exposition aux CDS du système bancaire de seulement 3 milliards de dollars. Le risque réel est sans doute plus élevé : 3 milliards correspondent à une exposition nette, mais selon les chiffres de l’ISDA, l’exposition « brute » est plus proche de 60 milliards d’Euros.

Brute, nette… Ceci mérite explications.

Imaginons que le vendeur de CDS « A » vende un CDS assurant 1 millions d’euros de bons grecs à une assurance vie française « X ». Puis, les conditions se dégradant, le vendeur de CDS A va lui même couvrir son risque de perte en achetant un CDS couvrant le même million d’euros auprès d’un autre vendeur de CDS « B » acceptant de porter le risque de contrepartie, en quelque sorte un « réassureur ». Dans ce cas simple, l’exposition « brute » du système financier composé de A, B et X est la somme des contrats CDS passés, soit 2 millions, et l’exposition nette n’est que de 1 million, correspondant au risque de perte du réassureur B.

Imaginez un enchevêtrement complexe de CDS successives et vous obtenez une très grande différence entre l’exposition brute et nette du système. Si aucun maillon de la chaîne de réassurance successive des CDS ne défaille, alors le coût total de la décision de l’ISDA sera faible : 3 milliards environ, soit le chiffre claironné par la presse mainstream. Mais si un porteur de position « brute » se trouve en défaut, il peut désorganiser la chaîne. Toutefois, ce risque semble limité, seule une banque autrichienne, KA Finanz, semblant porter plus d’un milliard de risque non couvert. Et encore, il semblerait que l’État autrichien se porte au secours de cet établissement. Je n’en suis plus à me formaliser d’une telle immoralité, que les contribuables autrichiens fassent leur boulot !

Bref, le coût total du défaut grec au niveau des CDS sera compris entre 3 et 60 milliards d’Euros, mais sans doute plus proche de 3 que de 60. Pas de quoi effrayer les marchés à ce stade.

La suite : dettes obligataires grecques parapubliques et Portugal

Après une plus ou moins courte période d’Euphorie, les problèmes de fond de la zone Euro ne sont pas réglés.

Tout d’abord, la Grèce bénéficiera d’une courte respiration financière sur sa dette publique. Mais l’État grec s’est porté garant d’un certain nombre de dettes para-publiques, garantie qui tombe de facto du fait du défaut. Quelle en sera l’incidence sur la situation financière des entreprises publiques concernées ? On devrait voir rapidement quelque animation en ce domaine. Le très catastrophiste site ZeroHedge publie une liste complète de ces expositions désormais sans parachute étatique.

Enfin, le Portugal, dont les fonctionnaires et retraités ont déjà subi plus de 15% de pertes de revenus, et dont la dette est de tout façon irremboursable, demandera à bénéficier d’un haircut sur sa dette obligataire, c’est désormais évident, quoiqu’en disent les eurocrates bruxellois. Ils disaient encore en 2010 que la Grèce ne ferait pas défaut, leurs dénégations à venir ne vaudront pas mieux.

Et qui dit Portugal sous-entend immédiatement « Espagne », 160 milliards de dollars de CDS bruts, 15 milliards nets. Et là, nous entrons vraiment dans une nouvelle zone de fortes turbulences. Alors si les marchés marquent un court rebond technique grâce à la décision de bon sens de l’ISDA, profitez-en, il ne durera pas.

—-
Sur le web 

Note :

* L’autre problème aux conséquences non évaluées sur l’obligataire souverain européen est la conséquence de la subordination de facto des créanciers privés à la BCE sur ces titres, évoqué il y a peu sur Contrepoints. Je ne pense pas que cette question change « brutalement » le comportement des investisseurs obligataires, les conséquences se mesureront à moyen terme. 

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