Présidentielle 2012 : les Français et le syndrome de Cartouche

Si la démocratie émousse la valeur des candidats, le syndrome de Cartouche français accélère le mouvement.

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Présidentielle 2012 : les Français et le syndrome de Cartouche

Publié le 29 janvier 2012
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Ça y est : il semble que la campagne présidentielle soit lancée. Et je ne dis pas ça seulement à cause du clip et de la chorégraphie totalement ridicules lancés par le Parti Socialiste : on sent que l’actualité est, définitivement, à la castagne pré-électorale. Mais alors que les débats se succèdent, une idée n’arrête pas de me trotter derrière la tête lorsque je vois les principaux leaders politiques…

Cette idée, je l’ai déjà formulée de façon plus ou moins claire dans de précédents billets, mais elle apparaît d’autant plus clairement que des élections se rapprochent et que les médias, lâchant tous leurs escadrons de ouistitis à cymbales sur d’amusants petits vélos colorés, nous abreuvent d’une quantité invraisemblable de réflexions profondes et de causeries philosophiques puissantes en allant interroger ou titiller d’un gros micro mou les décideurs politiques de ce pays.

En quelques mots, cela peut se résumer par une question : comment les Français peuvent-ils, systématiquement, écouter puis élire à leur tête une bande de brigands, de voleurs, de menteurs compulsifs, de psychopathes ou de sociopathes ? Quels sont les ressorts, les motivations de l’électeur lorsqu’il glisse son bulletin dans l’urne, et que ce vote n’est pas celui de l’homme honnête devant l’absence de choix, c’est-à-dire le vote blanc, nul ou le fameux bulletin proposé dans ces colonnes précédemment ?

Ici, j’entends les quelques tenants de la démocratie et du vote citoyen s’effaroucher devant le discours hérétique : comment pouvez-vous vous ériger contre le vote alors que Des Gens Sont Morts Pour Avoir Le Droit De Voter et patati la démocratie est indispensable et patata expression du peuple souverain tirelidondaine !?

Je vous arrête. Si vous désirez voter, je ne suis pas contre.

D’une part, l’exercice est futile, mais, en bon libéral, je ne vais pas vous empêcher de bousiller une heure de votre temps pour effectuer cette démarche. D’autres choisissent la pêche, le jardinage ou le macramé pour occuper leur temps libre et si voter vous inspire, allez-y.

D’autre part, là n’est pas la question puisqu’en réalité, je me demande non pas pourquoi voter, mais pourquoi voter lorsqu’on n’a comme choix que des types à la moralité plus que suspecte ?

Et j’en veux pour preuve l’avalanche d’affaires toutes plus sordides et scandaleuses les unes que les autres qui secouent régulièrement la République. Regardez, sur les quelques années passées simplement, le nombre de ces « grands leaders » qui se sont retrouvés devant un juge, et/ou ont été condamnés : Chirac (pour emplois fictifs), Mauroy (emplois fictifs), de Villepin (Clearstream), Pasqua (ventes d’armes en Angola), Emmanuelli (trafic d’influence dans l’affaire Urba), Dumas (affaire Elf), Marchiani (abus de biens sociaux), Fabius (sang contaminé), Juppé (emplois fictifs), Tron et Strauss-Kahn (ai-je besoin de fournir des liens ?), etc., etc., etc…

On pourrait ajouter au tableau les tombereaux d’affaires politiques récentes du Parti Socialiste des Bouches-du-Rhône, qui incriminent directement un paquet de seconds couteaux et mouillent indirectement Hollande qui, de façon absolument évidente, ne pouvait ignorer les agissements franchement louches de ses amis politiques du Sud.

PS : le comité de soutien Bouches Du Rhônes

On devrait aussi, pour faire bonne mesure, ajouter l’affaire Karachi au palmarès de Sarkozy, les corruptions diverses et variées qu’on retrouve facilement dans la presse sur une base au moins hebdomadaire, et on comprendra que l’accusation initiale de mafieux, de brigands, de voleurs, de psychopathes et de sociopathes n’est en rien usurpée.

Évidemment, là, la remarque suivante est : oui mais bon, mon brave anarchiste, vous avez fait un échantillon peu ou pas représentatif des politiciens ! Il y en a de très bien, qui sont propres sur eux, et on ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain et la démocratie est une belle idée et c’est poujadiste ce que vous dites là et vous êtes un gros démago et patati le tous pourri n’est pas vrai et patata vous êtes méchant.

Ce à quoi je réponds en sortant mon joker Jim Kouri, très aimablement fourni par mon collègue blogueur Franck Boizard : en substance, l’étude des politiciens révèlent qu’ils partagent plusieurs traits avec les tueurs en série et les sociopathes.

Mais, plus à propos et comme le fait remarquer Franck dans son intéressant billet, tout indique en fait que la démocratie contient, en elle-même, tous les ingrédients qui poussent justement ces sociopathes à exercer la fonction, et, de façon rétro-active, cette démocratie à choisir, par défaut, les plus atteints de ces sociopathes.

En effet, d’élection en élection, le citoyen se retrouve confronté à des choix cornéliens pour déterminer le moins mauvais des candidats parmi un choix de politiciens déjà passablement avariés. Et de leur côté, les candidats, pour attirer à eux le plus d’électeurs, doivent flatter, progressivement, leurs instincts les plus bas, d’où la dégradation permanente du niveau des débats. Notez que si Giscard et Mitterrand se battaient pour savoir qui des deux avait le monopole du cœur, on en est, maintenant, à se battre pour savoir si on n’est pas trop gros, pas trop petit ou pas trop arrogant pour trimbaler l’étiquette « présidentiable » ou « éligible ». Si, il y a trente ans, certains débats s’embourbaient dans une bataille de chiffres, heureusement, de nos jours, on en est loin puisqu’on s’approche dangereusement de l’échange d’invectives, auquel succédera le rapport de force direct. À la télé, c’est plus vivant, mais les questions de fond (et de fonds, actuellement) sont alors scrupuleusement oubliées.

Bref : la nature même de la démocratie tend à appauvrir le débat par dilution des opinions tranchées et par avilissement des candidats. Ceci explique assez bien la tendance générale, observable au-delà de la France, de la baisse générale de tenue des politiciens.

Mais d’un autre côté, il y a quelque chose d’assez typiquement français, c’est cette propension assez incroyable à voir dans le roublard, le brigand ou le parrain un type sulfureux certes, mais capable de diriger les autres, et donc, a fortiori, un pays.

CartoucheC’est ce que j’appelle le Syndrome de Cartouche. Pour mémoire, Cartouche était ce brigand du 18ème siècle qui eut son heure de popularité car, bien que volant et pillant, il avait eu l’idée de redistribuer une partie de son butin aux petites gens. À l’instar de Cartouche, les politiciens sont des brigands qui volent aux uns pour donner un peu aux autres, et savent se rendre populaire par leur bagou et leur langue bien pendue. À la différence de Cartouche, cependant, ils ne sont finalement que très rarement condamnés, et quand ils le sont, la peine paraît bien douce comparée à celle que fut administrée au voleur du 18ème siècle.

Et comme au 18ème siècle, les Français semblent quelque peu enamourés de leurs brigands populaires.

On ne s’étonne pas, dans ce pays, qu’un type avec un casier judiciaire non vierge puisse exercer des fonctions de Ministre ou de Député alors que les postes de l’administration française sont normalement fermés aux repris de justice…

Personne ne semble surpris de l’affection que témoignent encore pas mal de Français vis-à-vis d’un Chirac qui a détourné des millions d’euros pour ses objectifs personnels. Honni lorsqu’il était en poste, on ne lui reproche plus vraiment grand-chose maintenant qu’il est loin du pouvoir et on lui trouve même un charme patriarcal mignonnet alors que ce type a, comme les autres avant et après lui, gentiment mené le pays dans le gouffre financier qu’on connaît par sa totale incompétence pendant qu’il passait son temps à forniquer rapidement au frais de la République.

Alors oui, certes, la démocratie a laissé place à une oligarchie de brigands et de pendards aussi mous que corrompus, mais les Français sont aussi responsables de cette situation en ayant, pendant des décennies, adulé niaisement ceux des politiciens qui prétendent, la gueule enfarinée, redistribuer (i.e. voler) l’argent des riches au profit des pauvres (toujours plus nombreux).

La prochaine élection présidentielle ne sera finalement que le point culminant de cette tendance.

—-
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  • Ah ! Claudia Cardinale dans « Cartouche » !… hein, quoi !? C’est pas le sujet ?!…
    Excellent billet en tout cas.

  • « Ici, j’entends les quelques tenants de la démocratie et du vote citoyen s’effaroucher devant le discours hérétique : comment pouvez-vous vous ériger contre le vote alors que Des Gens Sont Morts Pour Avoir Le Droit De Voter et patati la démocratie est indispensable et patata expression du peuple souverain tirelidondaine !? »

    Parfait cette phrase, c’est tellement ça ^_^

  • Ils votent toujours pour les mêmes parce que:

    – ce sont toujours les mêmes qui se présentent
    – ils veulent que l’état résolve tous leurs problèmes
    – l’abstention / bulletin blanc n’a aucune valeur

    Pour ma part je pense que je ne voterai pas dans 2 mois. Je suis libéral et il n’y a aucun parti qui me représente. Par contre, il faut aussi faire notre auto-critique. NOUS (libéraux) SOMMES INAUDIBLES. Pas étonnant que nos idées soient sans cesse rejetées.
    Même si les médias traditionnels ne sont pas nos amis, c’est à NOUS de trouver un moyen de transmettre notre message, personne ne le fera pour nous =).

  • Absolument d’accord, d’autant plus que je ne perds pas mon temps à « choisir » sans avoir vraiment le choix.
    Mais finalement, chaque peuple a peut-être le gouvernement qu’il mérite

  • J’ai d’ailleurs remarqué qu’on ne confronte jamais l’UMP à son bilan sous Chirac , et qu’on en vient même à gauche à solliciter son appui . Preuve s’il en est, que la politique française a définitivement oublié toute idéologie (ou pensée constructive) pour définitivement se détourner vers le copinage et la chasse aux privilèges.

    Sinon, je suis souvent confronté au Syndrome de Cartouche quand j’entends des français critiquer le physique des hommes d’état asiatiques. On entends parfois des énormités (genre « moi je ne voterais jamais pour un homme aussi petit », ou bien « lui il a pas l’air rigolo »). Consternant.

  • ça me rappelle la blague du constructeur automobile FORD lors de la commercialisation du modèle T : « Vous avez même le choix de la couleur, à condition que ce soit noir ».

    • A mon avis il faut une vraie démocratie bien avant qu’il y aie plus de bénéficiaires que de payeurs.

      Une fois que que l’infection a gagné les circuits d’informations et les postes clés et qu’ils parlent à leurs nombreuse clientèle de lendemain qui arrosent encore plus c’est foutu.

      Actuellement discuter avec un français de politique c’est comme la prise d’une drogue hallucinogène.

      • Une démocratie, ça offre aux gens ce qu’ils veulent – la fameuse expression de la volonté populaire. Certes, la démocratie a produit des vendeurs de potion miracle, qui distribuent des échantillons à qui-n’en-veut…

        … mais tout ça fonctionnant cycliquement, on peut tout aussi bien souligner comme le fait h16 avec justesse que, les potions miracles, précisément, les gens « n’en-veulent » ; et que la démocratie ne fait rien de plus que leur donner ce qu’ils demandent : un État fort (qui s’occupe de tout à leur place ; parce que c’est moins fatiguant, et que, quand ça merde, ça permet de désigner des pseudo-responsables déjà trouvés), avec un chef qui gueule (contre les autres ; puisque tout ça n’étant pas de leur faute, ça ne peut qu’être de celle des autres ; et vice-versa).

        Un peuple qui corrompt à ce point la notion d’auto-détermination, supposément portée par la démocratie, il ne peut qu’obtenir une tyrannie magouilleuse. Qu’il prétende que c’est quand même une démocratie (sous prétexte qu’il choisirait ses tyrans – parmi un panel de tarés, tous plus atteints que les autres), ça ne change rien à la chose.

        Quand on s’attache soi-même un boulet à la cheville, il ne faut pas venir s’étonner d’avoir du mal à le traîner. Tant qu’on n’aura pas une majorité écrasante d’absention, accompagnée de la plus aigüe défiance à l’égard de cette organisation mafieuse qu’est l’état, le peuple n’obtiendra que ce qu’il a, presque unanimement, souhaité : des nounous psychopates recrutées dans les bas-fonds, en hurlant « qui veut protéger mon cul ? Il pond des oeufs d’or sur commande, et il est à vendre au plus offrant ! ».

      • Il n’y a pas de discussion (au sens je t’écoute-tu m’écoutes) politique avec un français moyen, dans la mesure où, dans sa tête, l’opposition politique est forcément soit à gauche toute, soit FN.

        Il ne peut pour ce français y avoir de troisième voie, notamment libérale, puisque pour lui, Sarkozy est un ultra-turbo-néo-libéral.

  • tout cela est bel et bon, mais le problème ne vient pas de la démocratie, mais encore une fois d’un monopole de l’offre publique de démocratie (comment un nouveau parti peut-il apparaitre ???).

    Alors, que faire ? Si on ne va pas voter cela deviendra une dictature, ce ne sera pas franchement mieux ….

  • « Mais d’un autre côté, il y a quelque chose d’assez typiquement français, c’est cette propension assez incroyable à voir dans le roublard, le brigand ou le parrain un type sulfureux certes, mais capable de diriger les autres, et donc, a fortiori, un pays. »

    Je ne suis pas toujours d’accord avec vos idées mais j’en apprécie certaines. J’ai voté Bayrou le 22 avril (je savais qu’il n’irait pas au second tour et par conviction je voterai blanc le 6 mai).
    Sarkozy a ce côté roublard, Hollande est beau parleur et manie l’humour, ce sont effectivement des qualités qu’apprécient les français (voyez également les scores des grandes g****** que sont Mélenchon et Le Pen). Bayrou est propre (enfin je crois) mais il n’a pas « la gouaille » qu’affectionnent les téléspectateurs (car c’est bien dans les grands médias, pilotés par l’état ou ayant à leur tête les amis des 2 grands partis que l’on veut nous imposer, que tout se joue).

    Une autre bonne illustration de votre propos dans l’histoire récente : Pasqua. Malgré tout ce que les français savaient, il était perçu comme un « parrain », bon vivant, presque rassurant ! Je suis effarée.

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