Postféminisme et ordre moral : une extravagante croisade parlementaire

Avec la loi réprimant la violence psychologique faite aux femmes et la proposition d’abolir la prostitution, l’UMP s’est lancé dans une extravagante croisade postféministe

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
imgscan contrepoints 604

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Postféminisme et ordre moral : une extravagante croisade parlementaire

Publié le 17 janvier 2012
- A +

Avec la loi réprimant la violence psychologique faite aux femmes et la proposition d’abolir la prostitution, l’UMP s’est lancé dans une extravagante croisade postféministe.

Par Drieu Godefridi
Article publié en collaboration avec l’Institut Turgot

Depuis quelques années, le parti de la majorité présidentielle (UMP) semble s’être résolument engagé dans une croisade postféministe, au sens d’atteindre des objectifs qui vont au-delà de l’égalité des droits et de l’indépendance financière conquises par les femmes.

Il s’agit, à présent, de faire le bonheur des femmes malgré elles et, au besoin, en cassant, aux dépens de l’homme, le principe d’égalité de l’homme et de la femme devant la loi.

Il y eut d’abord la loi réprimant la violence psychologique faite aux femmes, votée en 2010 à l’unanimité (des rares membres présents) de l’Assemblé nationale et du Sénat, suite à l’initiative du député UMP Guy Geoffroy. Personne, dans l’hémicycle, n’osa ne serait-ce que s’abstenir face à ce progrès manifeste de la civilisation (après la répression de la violence physique, la répression de la violence psychologique), de crainte, on le devine, de passer pour une curiosité morale.

Pourtant, cette loi aurait pu surprendre. La consultation du Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre la violence faite aux femmes, publié par l’Assemblée nationale, montre en effet que la loi du 9 juillet 2010 sur la violence psychologique faite aux femmes repose sur un chapelet de sophismes, tressés de pseudo-liens de causalité qui auraient fait se gausser l’Aristote de la logique formelle.

Il fut, en effet, allégué que la violence physique contre les femmes, dans le couple, débute toujours par des violences psychologiques et que, dès lors, en réprimant ces dernières on réduira les premières.

Il n’est pas possible d’entrer ici dans le détail de cet argument, ce que nous ferons dans un essai qui paraîtra prochainement [1]. Disons seulement que de nombreux obstacles pratiques et conceptuels vinrent se dresser sur le chemin des députés, tels que l’impossible définition de la violence psychologique, le fait que celle-ci n’a pas de sexe, le caractère malaisé de sa preuve, ou le risque de nombreux abus, et qu’ils furent aussitôt balayés par le zélé rapporteur UMP. M. Geoffroy agissait, pour la circonstance, à l’instigation d’une avocate, Me Yael Mellul, et d’une psychiatre, Marie-France Hirigoyen, venue expliquer aux députés que :

la violence psychologique est construite en strates successives. Cela commence par le dénigrement, de petites attaques (…) Ensuite vient la maltraitance psychologique, puis la maltraitance physique et les coups, enfin l’homicide.

« Un meurtre ! », voilà ce qu’est la violence psychologique, selon Me Mellul, qui soutint également, sans que personne ne la contredise, l’irréversibilité du processus qui va du dénigrement à l’homicide (on se reportera, pour le surplus de cette intervention déterminante, au Rapport de l’Assemblée nationale).

Bourreau masculin, victime féminine : à aucun moment, le Rapport n’envisage qu’il puisse, dans le cas de la violence psychologique, en être autrement. Pourtant, aucune étude scientifique n’établit que la violence psychologique, dans les couples, serait plus souvent le fait des hommes que des femmes. Combien d’hommes vivent dans la crainte de susciter l’ire de leur épouse ? Combien d’hommes ont cessé de fréquenter leurs amis, voire leur famille, parce que leur épouse le leur a, de facto, interdit ? Combien d’hommes se font rabaisser par leur épouse lorsqu’ils traversent des difficultés professionnelles ? Combien d’hommes sont trompés par leur épouse ? Combien d’hommes subissent un chantage aux enfants (si on divorce, tu peux dire adieu à tes enfants) ? Combien d’hommes se font-ils agonir de reproches, voire d’injures, lorsque l’humeur de leur épouse se trouble ?

De plus, l’idée que la violence psychologique serait essentiellement masculine implique nécessairement, dans une société où les femmes sont financièrement indépendantes, que la femme est foncièrement meilleure que l’homme. D’une nature supérieure, d’une essence en quelque façon plus pure. C’est, en dernière analyse, de ce postulat bouffon que procède toute entière la loi du 9 juillet 2010. (Notons, en rang très accessoire, que Me Mellul vient elle-même d’être condamnée en correctionnelle pour non-présentation d’enfant mineur à l’ex-épouse de son conjoint, que celui-ci accuse publiquement de… violences psychologiques. Quand l’idéologie postféministe se fracasse sur les récifs de la réalité !). Note de Contrepoints : Me Mellul nous a précisé avoir interjeté appel de cette décision, qui, de ce fait, n’est pas définitive, et de son souhait de publier un droit de réponse, à venir.

Vient à présent la proposition d’abolir la prostitution, dont on perçoit intuitivement qu’elle est promise, dans le registre de l’efficacité, au plus éclatant des succès (si tant est que ce genre de loi vise réellement l’efficacité, et non la seule immolation symbolique du bourreau fantasmé). Une fois encore, M. Guy Geoffroy se distingue par zon zèle empressé à faire accepter aux députés de la majorité les poncifs moralisants les plus fatigués contre la prostitution, dans le sillage de la Suède qui pénalisait, dès 1999, les clients des travailleuses du sexe.

La criminalisation de comportements aussi universels, dans le temps et l’espace, que la prostitution ou la consommation d’alcool, aboutit, partout et toujours, au déplacement de l’activité pénalisée et au renchérissement d’une pratique qui devient, de ce fait même, le monopole de réseaux criminels. Pas plus que les États-Unis à l’époque de la prohibition, ou l’ensemble des États occidentaux dans leur guerre constamment perdue contre la drogue, la Suède ne dément cette vérité. Surtout, les rapports sexuels entre des adultes majeurs et consentants, fussent-ils tarifés, ne sont-ils pas, dans un pays de liberté, hors le ressort de la police ?

Pourquoi ne nous inspirerions-nous pas plutôt de la Nouvelle-Zélande qui, en libéralisant totalement la prostitution en 2003, jusque et y compris le proxénétisme, a brisé les réseaux criminels et permis que soient traités, au grand jour, les effets de bord non désirables qui s’attachent à la prostitution, comme à tant d’autres activités humaines ? Dans la prostituée, la loi suédoise et M. Geoffroy ne voient qu’une victime à laquelle l’État doit imposer d’autres choix de vie, tandis que la loi néozélandaise la considère avant tout comme une personne, responsable de ses actes et de ses choix. De ces deux conceptions, laquelle est la plus conforme aux fondamentaux de notre civilisation ?

Cette extravagante croisade de l’UMP, entre postféminisme et ordre moral, illustre le propos du philosophe Philippe Nemo dans sa récente Régression intellectuelle de la France (Texquis, 2011), selon lequel on est en train de nous façonner, par versets législatifs successifs, une nouvelle religion, dont il est demandé aux magistrats, qui n’en peuvent mais, d’être les inquisiteurs.

—-
Sur le web

[1] « La violence faite aux hommes », Texquis, 2012.

Voir les commentaires (14)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (14)
  • Paradoxalement les pays les plus féministes sont aussi les plus capitalistes, UK, US, Suède, Canada… et les plus anti-féministes les plus idéalistes, pays du Maghreb, Italie, Espagne… Ceux sont les hommes qui choisissent leur femme et non l’inverse…

  •  » effets de bord non désirables qui s’attachent à la prostitution, comme à tant d’autres activités humaines ? »

    Quoi qu’on en dise, la prostitution n’est pas une « activité humaine » comme une autre.

    Pour le prouver, offrons nous un petit sondage auprès des hommes de ce forum.

    Si vous étiez au chômage, sans ressources et à la rue : à tout prendre, préfériez vous :

    – mendier ?
    – sucer des pénis / vous faire sodomiser plusieurs fois par jour ?

    • 1) Vous partez du principe que les prostituées sont donc toutes au chômage, toutes sans ressources et toutes à la rue… est-ce un constat vérifiable ou juste une affirmation gratuite ?
      2) Dans les conditions décrites dans 1), il n’y a donc que deux alternatives dans votre esprit : mendier ou se prostituer ? Sont-ce les deux seules solutions ou manquez-vous à ce point d’imagination ?
      3) Vous vous adressez à des hommes dans votre commentaire, donc pourquoi ne pas respecter un raisonnement symétrique et demander : préfériez-vous, mendiez ou lécher des vagins / être utilisez par des femmes plusieurs fois par jour ?
      4) Quel sont vos arguments pour dire que la prostitution n’est pas une activité humaine comme une autre ? La pèche à l’espadon est-elle une activité humaine comme une autre ? Le crochet ? La natation synchronisée ? etc…

      • Je reprécise l’objet de ma question : si vous n’aviez que ce choix, à tout prendre, préférez vous :

        – mendier ?
        – sucer des pénis / vous faire sodomiser plusieurs fois par jour pour de l’argent ?

        Répondez donc, qu’est ce que vous risquez à dire ce que vous feriez dans ce cas là ?

        • C’est marrant, on dirait Dolores.

          C’est uniquement un choix personnel, préférez vous arrêter les études ou vous prostituer? Certains s’arrêtent, d’autres se prostituent.
          Moi je préfère me prostituer que mendier, mais la vie offre bien plus de choix, du coup je fais un doctorat en physique…
          En France il y a beaucoup de choix, la prostitution ne touche pas uniquement les pauvres, c’est un style de vie, comme être infirmière de nuit ou pilote d’avion.
          Il ne nous appartient pas de décider à la place des autres ce qui est « une activité humaine ». Par exemple pour ma part la politique n’est pas « activité humaine » comme les autres, pourtant je n’essaie pas d’abolir l’activité politique, je veux juste que ce ne soit plus à mes frais.

        • non, vous ne préciser pas l’objet de votre question, vous ne fait que la répéter. Mais c’était pas la peine, on avait compris : il s’agissait de « prouver » que la prostitution est un boulot d' »intouchable » ; comme si quelqu’un en doutait …

        • J’ai aussi des tas de questions idiotes du même genre : si vous deviez décider lequel de vos jumeaux survit, lequel choisisseriez-vous, le garçon ou la fille ? Gilles ou Robert ? Martha ou Elise ?

        • Puisqu’on en est aux questions bizarres, imaginons-nous demander à un homme ou une femme du XVe siècle : préféreriez-vous vous prostituer ou faire du vélo ? Laquelle de ces deux activités humaines vous parait-elle être plus comme une autre ?
          A votre avis Kiwi Girl ?

    • Préciser un peu ce que vous entendez par « la prostitution n’est pas une « activité humaine » comme une autre. »
      Les activités suivantes sont-elles, selon vous « comme une autre » :
      militaire ? flic ? travailleur dans une installation à hauts risques (nucléaire, chimie) ? opérateur de tri des ordures ménagères ? domestique ? infirmière en asile psychiatrique ? gardien de prison ? croque-mort ? dealer de drogue ? barbouze ? marin ? …
      La société ne manque pas de boulots sales, mal considérés, mal payé et risqués, mais pour lesquels il y a une demande, et des gens qui sont quand même prêts à les exercer. La prostitution est fait partie. Et alors ?

  • Ah, mon petit sondage prend lentement forme.

    UNe seule réponse claire : celle de Totally Stone qui préfère sucer des pénis et se faire sodomiser plusieurs fois par jour pour de l’argent, plutot que mendier.
    De la réponse de P, je retiens qu’il préfère mendier plutot que sucer des pénis et se faire sodomiser plusieurs fois par jour pour de l’argent.
    Abitbol est celui qui a le plus parlé, mais n’a toujours par répondu.

    D’autres avis ?

    • Croyez ce que vous voulez mais évitez de faire les réponses à ma place. Ma réponse était en fait : votre stupide question n’est pas une question, mais une affirmation déguisée, qui par conséquent n’appelle aucune réponse.

    • Ta maman sait que tu écris des bêtises sur internet ?

    • Maintenant que je m’adonnerais hypothétiquement à une « activité humaine pas comme les autres », qu’es ce que ça fait de moi? Un pauvre déséquilibré qu’il faut protéger contre son grès? Et P a entièrement raison, votre question est stupide, parce qu’elle ne prouve rien et n’explique rien, il serait peut être temps d’argumenter votre position…

  • « Bourreau masculin, victime féminine »

    En effet quand violence il y a, elle est forcément partagée. Les deux sont bourreaux ET victimes, dans des relations où prédomine un attachement névrotique destructeur, même si on ne voit que celui qui en vient à la violence physique.
    Pascale Piquet, spécialiste de la dépendance affective, explique bien comment on peut en arriver là. Comment elle en est arrivée là, frisant l’homicide par 2 fois, bien que ce soit moins répandu chez les femmes. Et comment on peut se dégager de ces « histoires de fous ».

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Pierre Valentin est diplômé de philosophie et de science politique, ainsi que l'auteur de la première note en France sur l'idéologie woke en 2021 pour la Fondapol. Il publie en ce moment Comprendre la Révolution Woke chez Gallimard dans la collection Le Débat.

Contrepoints : Bonjour Pierre Valentin. Avant d'entrer dans le vif du sujet : le wokisme, ça existe ou pas ? Pourquoi utiliser le terme wokisme plutôt qu’un autre, comme gauche identitaire ou encore gauche postmoderne ?

Pierre Valentin : J’utilise le terme car, initialemen... Poursuivre la lecture

Le féminisme libéral est une revendication de justice. Il peut se définir comme l’extension aux femmes des protections de l’État de droit. À ce titre, c’est l’aboutissement d’un long processus historique.

 

Le régime de l’esclavage ou de la propriété des femmes

Aux premiers âges de l’histoire de l’humanité, la loi ou la coutume n’offre à peu près aucune protection aux femmes. Elles subissent impunément les menaces, les violences, le rapt, le viol, etc. Ce sont des bêtes de somme, des esclaves possédées par des hommes, plutô... Poursuivre la lecture

La CEDH vient de déclarer recevable une requête contre la loi du 13 avril 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ».

Les juges de Strasbourg se prononceront sur le fond de l’affaire dans les mois à venir, mais cette recevabilité met d’ores et déjà en difficulté le dispositif français de pénalisation des clients.

L’article 611-1 du Code pénal (créé par la loi du 13 avril 2016 sur la pénalisation des clients de la prostitution) établit que :

« Le fait d... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles