Le pacifique, cœur du libre échange

Cela fait longtemps que le centre économique du monde s’est déplacé peu à peu du pourtour Atlantique vers le pourtour du Pacifique

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Le pacifique, cœur du libre échange

Publié le 7 décembre 2011
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Alors qu’en France des voix s’élèvent en faveur de la démondialisation et du protectionnisme, les États-Unis font délibérément le choix d’une plus large ouverture aux échanges mondiaux en se tournant davantage vers la zone Pacifique.

Par Jean-Yves Naudet

Les chefs d’État présents au sommet du forum de l'APEC, à Hawaï.

Tout à ses problèmes de dette souveraine, de plans de sauvetage, de changements de gouvernements, bref de la crise financière, monétaire ou politique, l’Europe n’a guère prêté attention à ce qui se passe dans la zone Pacifique. Le Président Obama vient d’y faire une tournée de neuf jours ; il a rencontré les représentants des 21 pays de l’APEC (Coopération Économique Asie-Pacifique) et il a annoncé la création d’une zone de libre-échange entre douze pays de la zone. Cela confirme l’intérêt croissant des Américains pour le Pacifique et la volonté de ces pays de relancer la croissance par les échanges internationaux, au moment où bien des Français imaginent que la solution à la crise est dans le protectionnisme.

De l’Atlantique au Pacifique

En France la campagne tourne largement autour du thème de la « démondialisation », à la gauche de la gauche, ou de la préférence nationale, à la droite de la droite. Entre les deux, on n’ose pas parler vraiment de protectionnisme, mais on explique qu’il faut mettre fin aux distorsions de concurrence, lutter à armes égales, ici faire chuter l’euro, là ajouter une TVA « sociale » à visée protectionniste. Certes, c’est du protectionnisme soft, mais on comprend à demi-mot de quoi il s’agit.

En revanche, à l’étranger, le salut est souvent cherché dans une plus grande ouverture des frontières. On y estime que le développement des échanges internationaux est bon pour la croissance et protège contre l’inflation, et on a compris que les entreprises doivent s‘adapter sans cesse, stimulées par le vent du grand large, pour le plus grand bénéfice des consommateurs.

C’est particulièrement net dans la zone Pacifique, où les États-Unis font délibérément le choix de la plus large ouverture aux échanges mondiaux, et se tournent de plus en plus vers la zone Pacifique, alors que traditionnellement et historiquement ils regardaient du côté de l’Europe.

La première raison en est l’attractivité d’une zone au dynamisme économique considérable, si on songe aux 9% de croissance de la Chine cette année ou au dynamisme du Vietnam, comme des fameux dragons d’Asie du Sud-est. Cela fait longtemps que le centre économique du monde s’est déplacé peu à peu du pourtour Atlantique vers le pourtour du Pacifique. Aux États-Unis, le centre de gravité est en train de basculer vers la Californie et la côte Ouest.

Une autre raison est le Président Obama lui-même. Il a souvent évoqué son histoire personnelle : il est né en plein Pacifique, à Hawaï, il a vécu en Asie, et a maintes fois raconté qu’il se sentait plus d’affinités avec cette région du monde (« ma propre vie est une partie de cette histoire » disait-il en 2009), plus qu’avec l’Europe « étrangère à son histoire » ; les amabilités de circonstances lors du G20 de Cannes n’y changent rien. « Le Pacifique a contribué à forger ma perception du monde » disait-il encore en 2009 à Tokyo.

L’APEC et le libre-échange

Il y a maintenant 22 ans (en 1989) a été créée l’APEC, qui regroupe 21 pays du pourtour Pacifique, de la Russie aux États-Unis, de la Chine au Chili, du Japon à l’Australie, du Canada au Vietnam, etc. Ce n’est pas rien et il y a là plus de la moitié de la population, de la production ou des échanges mondiaux. Il y a surtout de nombreux pays émergents, à la croissance hyper rapide, capables d’entraîner dans leur sillage tous ceux qui ont compris que l’avenir économique du monde se jouait là, et qu’il ne servait à rien de ressasser les gloires passées de l’Europe quand on ne peut pas s’adapter à la mondialisation.

Tous les pays membres de l’APEC ont compris que leur avenir passait par des échanges commerciaux croissants et donc par une libéralisation accrue. Les négociations mondiales sur le libre-échange (le cycle de Doha de l’OMC) sont en panne depuis des années. L’APEC veut donc avancer, au moins dans sa zone. Les choses ne sont pas simples, en raison de la multitude d’accords bilatéraux, voire d’accords régionaux, constituant un véritable puzzle, mais aussi de la rivalité américano-chinoise dans la région sur le plan militaire et diplomatique, même si l’Amérique a besoin des financements chinois de sa dette publique et la Chine des débouchés de ses produits aux USA.

En 2010, l’APEC a confirmé sa volonté de créer à terme une immense zone de libre-échange regroupant les 21 pays membres, qui ont communément déclaré que le développement de la liberté des échanges favorise l’intégration économique régionale et sera un facteur majeur de croissance. Toute tentation protectionniste, même pour les pays les plus déficitaires, a été clairement exclue. Il a été surtout question de réduction des tarifs douaniers et de facilitation des échanges. Déjà, entre 1989 et 2008 la moyenne des taxes douanières est passée de 16,9% à 6,6% et le mouvement se poursuit, en dépit d’obstacles encore nombreux.

L’Union à douze

En attendant la zone de libre-échange commune aux 21 membres de l’APEC, les États-Unis viennent de proposer une première étape, lors du dernier sommet de l’APEC qui vient de se tenir à Hawaï. Réaffirmant que « les États-Unis sont une puissance du Pacifique et ils y sont pour de bon », Obama a proposé une vaste zone de libre échange entre 9 pays de la région, Australie, Brunei, Chili, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Vietnam et États-Unis. Non seulement la proposition a été acceptée dans l’enthousiasme par les pays concernés – contraste frappant avec l’ambiance lugubre de Cannes – mais encore, contre toute attente, le Japon, laissant de coté son protectionnisme agricole et contre l’avis du lobby de ses paysans, a annoncé son adhésion à cette zone de libre-échange. Il en a été de même pour le Canada et le Mexique, soit 12 pays en tout sur 21. « L’objectif, a précisé Obama, est de parvenir l’année prochaine au texte juridique d’un accord complet ». Ces 12 pays représentent 800 millions de consommateurs et 40% de l’économie mondiale : leur poids est bien supérieur à celui de l’Union européenne.

Certes, la Chine n’y est pas encore, car les démocrates américains ont poussé à inclure dans l’accord des clauses écologiques ou sociales, écartant de facto certains pays émergents, mais ce premier pas vers une vaste zone de libre-échange du Pacifique n’en demeure pas moins décisif. D’ailleurs la Chine a aussitôt déclaré qu’elle était favorable à tout ce qui peut développer le libre-échange en Asie, y compris le TPP (Partenariat Trans-pacifique). Cela ne veut pas dire que tout est réglé, car la Chine continue à manipuler la valeur du Yuan et ne respecte toujours pas la propriété intellectuelle.

Les Américains veulent-ils prendre pied dans les pays concernés pour contenir l’expansion chinoise ? Cette lecture des récents accords a souvent été faite en Europe. Sans doute la rivalité entre les deux géants économiques n’est-elle pas négligeable. Cependant, le libre-échange dans la zone est peut-être l’une des sorties de crise pour les États-Unis. C’est ce qu’a affirmé Obama. Pour relancer la croissance américaine, le keynésianisme et les poisons de la relance budgétaire et monétaire ont prouvé leur impuissance et leur nocivité. À la différence de ce qui s’est passé dans les années 1930 et de ce que recherchent aujourd’hui certains gouvernements européens, les États-Unis veulent écarter la tentation protectionniste.

Le commerce mondial, vraie sortie de crise

Peut-on éliminer totalement le protectionnisme au niveau mondial ? Le cycle de négociations de Doha a été mis entre parenthèse au prétexte de la crise, comme si le libre-échange était le problème, alors qu’il est une partie de la solution. Bien que les négociations piétinent depuis dix ans, la conférence de Doha doit reprendre au niveau ministériel le mois prochain et les prévisions les plus sérieuses indiquent que si un accord était trouvé, sur l’agriculture, problème majeur, et sur les questions industrielles en suspens, on pourrait assister à une hausse annuelle des exportations mondiales de 230 milliards de dollars et une augmentation du PIB mondial de 80 milliards. Et davantage encore si l’accord s’étendait aux services.

De telles perspectives sont soigneusement cachées aux Français. On leur raconte que tous leurs malheurs viennent des délocalisations, de la concurrence truquée des pays émergents ou de leur absence de protection sociale. En fait, les malheurs viennent du refus absolu des véritables réformes. Le commerce international devrait être un puissant stimulant pour nous adapter ; c’est un facteur de croissance, une aubaine pour les consommateurs, c’est enfin un facteur de paix et de développement. Qui dira la vérité aux Français ? Pour l’instant, on flatte le nationalisme, et on met en cause « l’invasion de notre pays par les produits étrangers ». Avoir un bouc émissaire, c’est tellement mieux pour excuser ses propres faiblesses !

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