Le sentiment de déclassement

Le paradoxe central des sociétés libérales avancées est que le bonheur subjectif y diminue d’autant que le bonheur objectif y croît

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Le sentiment de déclassement

Publié le 24 juillet 2011
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Pyramide sociale

Un de mes collègues aime à répéter que, si nous étions tous Prix Nobel, il y aurait des balayeurs Prix Nobel. Cette boutade m’a inspiré les lignes qui suivent.

L’augmentation du niveau d’éducation global de la population est bonne pour la société dans son ensemble mais peut avoir l’effet pervers, au niveau individuel, d’augmenter la frustration de chacun d’entre nous pris séparément. Tocqueville et Durkheim avaient bien compris le problème en remarquant que les périodes d’essor économique rapide pouvaient justement être aussi les périodes où le mécontentement populaire enflait le plus car les gens surestimaient dans ces périodes leurs chances de mobilité sociale. Le développement économique s’accompagne souvent d’une élévation brutale du niveau d’éducation et de qualification d’une population. Pour reprendre l’exemple cité plus haut, si, dans un état antérieur de la société, être balayeur n’exigeait aucun diplôme, le développement économique impliquera que les emplois les plus modestes soient occupés désormais par des personnes qualifiées et dont les diplômes leur auraient permis autrefois d’espérer des métiers plus prestigieux. Si 80% d’une classe d’âge a le bac, les balayeurs seront probablement tous bacheliers. Ce sera bon pour la société dont la productivité, l’adaptabilité et la richesse seront améliorées d’autant, mais ce sera frustrant pour les bacheliers balayeurs.

Si nous prenons le revenu comme mesure de notre bonheur objectif, pour répondre à la nécessité de formuler un utilitarisme objectif qui est le fil rouge de mon blog, alors l’élévation de notre niveau d’éducation et de qualification augmentera notre richesse et donc notre bonheur objectif mais diminuera notre bonheur subjectif en augmentant également notre frustration. Tel est peut-être le paradoxe central des sociétés libérales avancées : le bonheur subjectif y diminue d’autant que le bonheur objectif y croît. Peut-être pouvons-nous trouver là aussi l’explication de ce sentiment diffus d’insatisfaction qui nous caractérise – en particulier nous autres Français – et provoque l’incompréhension des habitants du tiers monde quand ils considèrent notre chance, c’est-à-dire notre bonheur objectif.

Examinons ainsi mon cas, si vous le voulez bien. Je suis agrégé et docteur. Or, il y a une génération, ma qualification m’aurait permis d’être professeur de fac et non enseignant dans ce trou à rats de N… . Ma qualification est bonne pour mes élèves à qui elle garantit des cours aux contenus exigeants mais elle est frustrante pour moi car je me rends bien compte que je n’ai pas la carrière que j’aurais eue il y a trente ans. D’où mon insatisfaction chronique. Je suis subjectivement moins heureux qu’un enseignant du secondaire il y a trente ans même si je suis plus libre que lui car mieux formé et informé. Mon bonheur objectif, c’est-à-dire ma liberté, s’oppose à mon bonheur subjectif en augmentant ma frustration. Devrais-je donc regretter de ne pas être né plus tôt? Objectivement non, d’autant que je n’aurais probablement pas eu la chance de faire les études que j’ai faites si j’étais né trente ans plus tôt, mais subjectivement oui car cela me fait une belle jambe d’être objectivement plus heureux qu’il y a trente ans si je ne le ressens jamais subjectivement.

Toutes choses égales par ailleurs, je n’aurais ainsi probablement pas eu la carrière que j’ai si j’étais né trente ans avant. Mais je ne m’en rends pas compte car je ne regarde que la carrière qu’ont eue les gens il y a trente ans avec ma qualification actuelle. Or, avec l’élévation du niveau d’éducation et de qualification de toute la population française, pour avoir la carrière que ces mêmes gens ont eue il y a trente ans, il me faudrait une qualification supérieure à ma qualification actuelle, par exemple être ancien élève de l’École Normale Supérieure. Je ne me déclasse donc pas objectivement puisqu’il y a trente ans, j’aurais probablement été certifié [1] et ainsi plus mal payé vu les écarts importants de salaires entre certifiés et agrégés [2], mais j’en ai le sentiment subjectif puisque les qualifications que j’ai présentement ouvraient à des carrières plus prestigieuses il y a trente ans [3].

Et j’ai beau me dire et me répéter tout cela, la rationalité de cet argumentaire ne me console pas toujours de mon sentiment de déclassement. Mais je ne dois pas être le seul à nourrir un tel sentiment dans notre société contemporaine. Or peut-être ce ressentiment est-il une bombe à retardement bien plus grave que le soi-disant « danger islamiste ». Mais ne vous méprenez pas : je ne plaide pas ce disant pour la stagnation ou la régression de notre niveau éducatif. Parfois je me surprends simplement à être, comme Tocqueville ou Aron, un libéral mélancolique.

Reste qu’on se rend ici compte, comme à propos de Fukushima ou du niveau de nos élèves, que nos subjectivités nous trompent grandement. La terre est ronde mais mon œil la voit toujours plate malgré Galilée. Je dois apprendre à vivre avec des sentiments que la rationalité ne m’empêchera pas d’éprouver même si je les sais causés par des illusions d’optique.

Sur le web.


Notes :

[note][1] Vu le nombre – malthusien ! – de postes qu’il y avait à l’agrégation trente ans avant que je la passe.[/note]

[note][2] Encore qu’il faille vérifier si le pouvoir d’achat d’un enseignant s’est maintenu en parité de pouvoir d’achat sur les trente dernières années car les salaires de la Fonction publique n’ont pas épousé totalement l’inflation. Je n’en sais rien, à vrai dire. Car certes nos revalorisations ont été rognées cette dernière décennie par le fameux « glissement vieillesse-technicité », mais l’INSEE persiste à affirmer que les revenus des Français en général augmentent en proportion de notre croissance, même faible, quoique la part de nos dépenses contraintes augmente aussi d’où notre sentiment subjectif de perdre du pouvoir d’achat. Or la mondialisation fait drastiquement baisser le prix de certaines marchandises, comme les produits hi-tech. Il n’est donc au total pas du tout sûr que nous y perdions, comme le confirmait le regretté Jacques Marseille (in L’Argent des Français, p.201) en remarquant par exemple que le prix d’achat réel d’une voiture en nombre de journées de travail nécessaires pour se la payer a été divisé par trois entre 1949 et 1983. Là encore, nos subjectivités nous masquent la réalité.[/note]

[note][3] Je pourrais donc avoir l’impression légitime que les diplômes se dévalorisent puisqu’un doctorat et une agrégation ne me donnent plus ce qu’ils me donnaient il y a trente ans. Or cette impression, bien que fort explicable, est également trompeuse car, avec la croissance, le salaire d’un agrégé du secondaire, en euros constants, a rejoint celui d’un prof de fac d’il y a trente ans.[/note]

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  • J’aime bien « trou à rats ». Ils le savent, les rats de votre trou, ce que vous pensez d’eux? Vous êtes sûr que vos élèves ont « de la chance » d’avoir un prof qui s’estime déclassé de leur enseigner?

  • Objectivement et subjectivement ! ! !
    Une expression « La dignité humaine » permet de distinguer « l’homme vrai » de l’homo sapiens !
    (Cet ensemble de 2 mots ne peut être séquencé sans perdre sa signification)
    -L’un n’accepte de vivre que dans la « dignité » (parce qu’il se sert de son néocortex et sait l’utiliser correctement).
    L’autre, qui vit gouverné à son insu par le cerveau des émotions (notamment à la recherche du plaisir) et le cerveau reptilien (gérant l’instinct de survie), est prêt à tout (ou presque) pour survivre !
    *A noter que je ne suis pas décédé après une grève de la faim entamée pour obtenir la fermeture immédiate des prisons indignes !
    *Je n’ai pas non plus été exécuté par une garde royale d’un pays du Sud corrompu alors que je protestais (dans ce pays) pour obtenir l’institution des « Droits de la Femme » équivalente à celle des droits du dit homme !
    *Et ces deux petits exemples ne sont que des détails parmi « l’indignité » qui règne sur la planète !
    Je suis donc un homo sapiens (seulement ex prof de maths collège, retraité) conduit par le cerveau des émotions ! Cette partie s’appelle aussi cerveau limbique ou mammalien puisque présent chez tous les mammifères !
    **A signaler que, lorsqu’on veut pratiquer la dite « logique », il est préférable pour ne pas dire indispensable de définir le référentiel adopté ! Surtout quand on est instruit et intelligent ! Agrégé ! Docteur !
    N’avez-vous pas emprunté à celui de l’homme en toute irrégularité, consciemment, volontairement, puisque très intelligent et lucide selon vos dires ? !
    Dans la saga chrétienne le héros, appelé Jésus, terminait, lui, par « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » ! Comme Freud x siècles plus tard !
    Dans ce roman spécial, ça sonnait juste, me semble-t-il ! Oui /Non ? !
    Amusez-vous bien en attendant la fin de cette civilisation religieuse avant la fin du siècle !

  • Votre exemple ne marche que lorsque la société ne modifie pas sa structure en fonction de la composition de ses individus. Certains moments d’histoire ont vu des frustrés se révolter pour accéder à la place qui leur était due. D’autres moments ont certainement intégrés(consciemment ou non) les progrès. Aujourd’hui c’est une toute autre histoire, du moins pour le moment;)

  • Le sentiment de déclassement, et le déclassement objectif, générationnel…

    http://autresordunain.blogspot.com/2011/05/recueil-des-statistiques-disponibles.html

    « Tel est peut-être le paradoxe central des sociétés libérales avancées : le bonheur subjectif y diminue d’autant que le bonheur objectif y croît. »

    ouf, heureusement qu’on ne vit pas dans une société libérale avancée alors 😉

  • Votre pensée est brillantissime. Hélas, à lire les quelques commentaires faisant suite à votre billet, il y a encore du boulot pour qu’elle soit comprise…

  • @ pabloleberger

    « Certains moments d’histoire ont vu des frustrés se révolter pour accéder à la place qui leur était due. »

    Pince moi, je rêve. Mais où donc avez vous vu que les êtres humains avaient une place qui leur était due. Personne ne doit rien à personne (à part les parents vis à vis de leurs enfants, bien sûr) et c’est tant mieux.

  • Si le niveau moyen d’étude augmente et augmente du coup la frustration de certains. Ne serait-ce pas à cause de « l’éducation gratuite » promue par l’État ?
    Sans l’intervention de l’État, beaucoup de balayeurs n’auraient pas de bac et seraient peut-être du coup moins frustrés ?

  • Pour aider chacun à apprécier sa position dans la pyramide, en attendant la suite :
    Monstrueuse pyramide sociale
    La pyramide des âges synthétise et représente graphiquement la manière dont se répartissent les individus constitutifs d’une structure, telle une nation par exemple et cette représentation à des moments successifs rend compte de l’évolution de la répartition qui y règne, mettant en évidence les effets inéluctables à attendre de son vieillissement, tel qu’il résulte de celui des individus qui la composent. Il en est en effet d’un organisme, quel qu’il soit, comme de n’importe lequel d’entre nous, et au-delà comme de tout ce qui existe : à la naissance fait suite la croissance (ou développement), puis le déclin (ou régression) et enfin la mort.
    Pour tout individu comme pour toute nation et pour l’humanité entière, il s’agit dès lors de repousser autant que possible cette échéance fatidique, avec un certain succès à en juger par le spectaculaire allongement de notre espérance de vie, même si ce dernier demeure aussi infime qu’illusoire au regard de l’éternité à laquelle certains aspirent. Quoi qu’il en soit, la solution aux problèmes que pose ce vieillissement à l’espèce humaine, en termes de banale organisation, semble résider dans le maintien de son taux de natalité à un niveau assurant le remplacement de ses actifs, tout en tenant compte du fait qu’en dépit de l’allongement de leur durée de vie ils finiront par être incapables de la moindre contribution à l’effort collectif puis disparaîtront, remplacés par de nouveaux venus, dont le nombre est hélas d’un ajustement des plus problématiques. Alors que ces remplaçants naissent en surnombre là où ils ne le faudrait pas, ils manquent là où ils sont d’une nécessité criante. Monumental casse-tête à la complexité duquel s’ajoute des aspects éthiques, religieux, idéologiques, etc. qui, pour aussi respectables qu’ils soient, le rendrait insoluble s’il ne l’était de lui-même.
    Une autre représentation pyramidale existe, dont l’objet n’est plus l’âge des hommes mais leur rapports sociaux. Cette pyramide sociale exprime la répartition des êtres humains, non plus en fonction de leur âge mais selon leur richesse (ou leur pauvreté) et leur pouvoir (ou leur dépendance) ; pouvoir sur autrui et pouvoir de changer leur propre destin ; dépendance par rapport à ceux qui, par un euphémisme ne manquant pas de cynisme, sont présentés comme leurs semblables.
    A l’époque du franchissement du cap des 7 milliards d’êtres humains et d’une mondialisation qui, par la réduction des distances et des différences, tend à réduire à une seule les pyramides sociales de toutes les nations, le sujet ne vaut-il pas d’être évoqué ?
    La misère n’est pas, comme la pauvreté, un état relatif trop souvent confondue avec l’inconfort. Qu’a en effet de commun une petite minorité d’exclus (même si son utopique éradication doit être tentée jusqu’à ce qu’il n’y en aie plus un seul) à Paris ou au fin fond de la banlieue la plus déshéritée de n’importe quelle grande cité occidentale, avec ces milliards d’indigents absolus qui peuplent le Sahel, la Somalie et tant d’autres pitoyables États comme les tas de détritus des faubourgs du Caire, de Calcutta et de trop nombreuses métropoles surpeuplées ?
    S’il est possible de relativiser la pauvreté au point de l’assortir d’indices et autres outils d’évaluation statistique, il n’en est pas de même pour ce dénuement total qui règne là où la question du chômage ne se pose même pas, faute d’activités industrielles ou autres. Cette misère n’aurait-elle pas dès lors d’autres causes qu’économiques ? l’absence du minimum de ressources qu’elle traduit ne résulterait-elle pas plus simplement d’une prolifération livrée à elle-même, d’autant plus monstrueuse qu’elle y condamne la progéniture de ceux qui en sont issus ?
    Pour comprendre, plutôt que de considérer courbes et tableaux de chiffres, la pyramide – ce volume que les anciens, qui étaient peut-être meilleurs observateurs que nous, ont pu déjà considérer comme représentatif de tous types d’organisation hiérarchisés – peut nous aider. Appliquons-en la structure, avec sa base et son sommet, à l’ensemble des hommes peuplant la planète. Une telle pyramide sociale ou des richesses matérielles, puisque là est désormais l’aune à laquelle se mesure le bonheur des hommes, avec l’opulence à son sommet et la misère à sa base, met bien en évidence le rôle de la démographie dans nos rapports sociaux, actuels comme prévisibles.
    Dès lors que cette pyramide croît en volume, ce qui est le cas du simple fait de l’augmentation constante de la population, sa base se développe, proportionnellement, toujours davantage que son sommet, alors que se livre à tous ses niveaux une lutte ininterrompue pour la conquête d’au moins une part des richesses accaparées par les occupants des étages supérieurs, ou leur illusoire partage. Il s’agit pour chacun de se hisser aussi peu que ce soit vers le haut, en dépit du poids qui l’écrase. À noter au passage le confort bien relatif de ceux qui occupent une situation médiane, comprimés entre la poussée venant du bas et le poids qui les domine.
    Parfois, une secousse est provoquée par une base insurgée ; c’est la révolution. Celle-ci peut entraîner quelques changements pour les mieux nantis, aussi bien que des bouleversements profonds, touchant toutes les étages de la pyramide sociale, mais quelle que soit la nature de ces bouleversement, qu’ils soient d’origine politique, sociale, financière, religieuse, philosophique, etc, la pyramide n’abdique en rien son rôle représentatif et s’applique comme si de rien n’était au nouvel état de choses avec toujours un sommet et une bases. La structure d’ensemble de la société née de la dernière révolution reste immuablement représentée de la même façon, avec les plus riches et plus puissants au sommet et les autres s’entassant, toujours plus nombreux, à la base. Après toutes les mutations qu’a pu connaître la société des hommes depuis ses origines, et à travers toutes les formes de civilisation qu’elle a pu traverser et connaître au cours des millénaires, en 2011, sur 7 milliards d’êtres humains, cette base en compte 3 qui vivent avec moins de deux dollars par jour – l’un d’entre eux mourant de faim toutes les 3 secondes –, alors qu’au sommet logent les 500 personnes les plus riches et les plus puissantes du monde. Or chaque jour voit croître la population mondiale de plus de 220 000 individus, chacun allant se ranger à la place que lui assigne le sort dans une pyramide qui s’atrophie d’autant. Hormis les arguments sans plus de fins que d’efficacité de ceux qui promettent aussi bien le prochain arrêt de la progression qu’une explosion, le constat est ce qu’il est, et puisqu’il nous semble interdit d’envisager une autre structure que pyramidale, des questions se posent, appelant des réponses chaque jour plus urgentes :
    – Jusqu’à quel point se développera cette pyramide et s’atrophiera sa base ? En d’autres termes, par quels moyens le cours des choses est-il susceptible de changer ? Une façon existe-t-elle, autre que vainement utopique, d’irriguer cette base des richesses du sommet qui la domine ? . Par la révolution ? Quelles que soient leurs raisons, leur ampleur et leur violence, les révolutions n’ont jamais rien changé à la structure pyramidale de la société, en dépit de ceux qui s’obstinent à nier son caractère représentatif du monde dans lequel nous vivons, refusent d’en reconnaître le caractère incontournable, ou veulent la contraindre à une platitude aussi égalitaire qu’utopique, quand ils ne prétendent pas la faire reposer sur sa pointe.
    . Par la fraternité ? Il suffit d’en considérer les acquis au cours de l’histoire et spécialement durant le siècle écoulé, pour se faire une idée de ce qu’il y a lieu d’en attendre.
    . Par le progrès scientifique et technique ? Il n’est qu’un outil aux mains des hommes, qui en font ce qui motive l’observation du point précédent. Quel que soit le régime en vigueur : politique, financier, intellectuel, … Ce serait la négation même de l’incontournable rapport entre sa base et son sommet qui serait aboli. Il est bien entendu toujours possible de rêver, mais il en est ainsi et il paraît aussi improbable que la pyramide puisse un jour sortir de notre univers, et du champ des perceptions qu’elle nous impose.que d’arrêter le mouvement des astres et l’alternance du jour et de la nuit.
    En tout état de cause, concernant la pyramide sociale, en attendant le partage auquel seuls les saints consentent, l’individu est condamné à la simple prise de conscience et au mieux à des vœux ou à des gestes sans grande portée réformatrice. C’est donc à l’élite et en particulier aux politiques, dont le rôle est de prévoir, de s’en préoccuper. Après avoir pris eux-mêmes la mesure d’une situation aux conséquences aussi désastreuses que prévisibles, il est de leur responsabilité d’identifier nos vrais problèmes de société et de leur affecter un ordre de priorité. Or qui se soucie réellement de démographie, au-delà du constat de sa progression, dans le meilleur des cas ? Pourtant le développement durable et le respect de la planète qui en est la condition première, ne sont que de vœux pieux, en l’absence de sa prise en compte.
    Si rien n’est fait pour ramener la population du globe à un niveau maîtrisable, dans les meilleurs délais et conditions possibles, l’humanité ne fera qu’accroître ses maux jusqu’au pire. Prendre conscience d’une évidence aussi criante, le plus largement et le plus rapidement possible ne peut plus suffire. Le pragmatisme dicte de procéder d’urgence à un investissement massif en vue de réguler le niveau de la population mondiale et de cesser de s’en remettre aussi stupidement qu’hypocritement à la providence quand ce n’est pas aux saignées aussi barbares que passagères opérées ici et là par les guerres, les famines et la maladie.
    Alors que chaque pays en est encore à ergoter sur son cas particulier, en cherchant à concilier taux de natalité et âge de cessation d’activité solvable, le problème de la pauvreté est mondial et tend chaque jour davantage à s’imposer comme tel. Rien d’utile ne pourra se faire autrement qu’à cette échelle et par la démographie, sans s’arrêter aux considérations d’ordre idéologique, religieux, etc. qui ne manqueront pas d’y faire obstacle.
    Les tenants d’une croissance démographique dont les conséquences sont laissées au secours de la providence se sont-ils jamais demandé où vont se loger, dans la pyramide sociale, les dizaines de millions d’individus qui viennent chaque année augmenter la population mondiale ? ils doivent être conscients qu’ils vont à la place que leur assigne leur appartenance à l’une ou l’autre des catégories qui peuplent cette même pyramide, avec une probabilité d’échouer à sa base – c’est -à-dire de rejoindre les miséreux –, proportionnelle à la place que ceux-ci y occupent déjà.
    Quant à secouer sous le nez de ceux qui s’en plaindraient le hochet de la promotion sociale, selon lequel chacun a ses chances d’échapper à son sort, il en est comme de leurs chances de remporter le prochain loto, à la différence près qu’il ne s’agit pas ici d’un jeu mais d’un drame. Un drame qui nous concerne tous et encore davantage nos propres enfants. Que ces généreux irresponsables aillent donc en parler aux cohortes d’affamées qui peuplent tant d’endroits de notre planète et la submergeront bientôt, poussées par leur simple instinct de survie, si leur nombre et leur proportion continuent de croître.

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