Je suis triste

Charles Gave complète l’analyse de Loïc Abadie par une perspective de long terme

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Je suis triste

Publié le 13 juillet 2011
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Je suis triste.

Une monnaie a deux prix, un prix extérieur (le taux de change) et un prix intérieur (le taux d’intérêt). Si le pouvoir politique bloque le taux de change avec un deuxième pays « plus productif », alors le commerce extérieur du pays le moins productif va commencer à se dégrader avec le temps et l’on assistera à une chute de ce qu’il est convenu d’appeler le taux de couverture des importations par les exportations. Dans une situation « normale » ou le premier pays aura conservé sa souveraineté monétaire, on assiste à chaque fois à une lente montée des taux d’intérêts dans le pays le moins efficace, cette hausse du taux de l’argent anticipant en quelque sorte l’inévitable dévaluation qui clôt le processus et remet les pendules à l’heure.

Rien de tout cela n’est possible dans l’Euro. Ce qui se passe est très différent. Le pays le moins efficace voit son activité ralentir structurellement, mais ne peut rien faire pour corriger les déséquilibres. Activité en baisse veut dire déficit budgétaire en hausse (plus de dépenses, moins de rentrées, conséquences inéluctables de la perte de compétitivité). Ces déficits toujours croissants se financent sans difficultés, au moins au début, sur les marchés financiers. Malheureusement, les déficits accumulés se transforment petit à petit en dettes, et il arrive toujours un moment où les marchés commencent à prendre peur sur la capacité de l’État du pays faible à rembourser sa dette dans ce qui est en fait la monnaie du pays fort. De ce fait, l’ajustement nécessaire ne se fait plus par la dévaluation, mais plus brutalement par la faillite de l’État qui a collé son système économique dans une situation d’infériorité. En économie, comme le disait Bastiat, le meilleur économiste que la France ait eu, il y a ce que vous voyez, la possibilité de se balader en Europe et de payer partout avec les mêmes billets, et ce que vous ne voyez pas, l’inéluctable faillite des États italiens, espagnols, portugais que cette possibilité entraîne.

L’étape suivante est très facile à décrire. Tout le monde va se rendre compte qu’un Euro dans une banque Espagnole ne vaut pas un Euro dans une banque Allemande et tout un chacun va se précipiter pour transférer tous ses Euros des banques Espagnoles vers les banques Allemandes. En termes techniques, cela s’appelle une crise bancaire ou, en Anglais, un « run on the banks. » Ce mouvement est marqué par une chute rapide des dépôts bancaires dans les pays faibles et bien entendu par une hausse extravagante des taux d’intérêts dans ces mêmes pays faibles, l’argent devenant rare devient fort normalement hors de prix

L’Euro est donc un Frankenstein financier qui ne peut pas fonctionner dans sa structure actuelle, ce que je ne cesse de répéter depuis des années. Hélas, trois fois hélas, tout se passe comme dans une tragédie Grecque, où tout le monde sait ce qui va se passer et où personne ne peut rien faire pour empêcher un dénouement dont tout le monde se doute qu’il sera tragique.

Je suis donc profondément triste parce que je sais la masse des souffrances que l’explosion inéluctable de ce monstre va créer. Une partie importante de l’épargne européenne va être détruite, des établissements financiers de renom vont se trouver en difficultés et leurs actionnaires seront ruinés alors même que les dirigeants n’ont fait que suivre les directives et les réglementations qui leur étaient imposées par les pouvoirs politiques à l’origine de cette monstruosité économique, le chômage va exploser… Tout cela était parfaitement évitable et n’est le résultat que de l’incompétence mâtinée d’arrogance d’une certaine classe politique ou administrative que j’ai appelé les « ignoramus » et à qui le désastre ne coûtera rien mais qui voulait voir son pouvoir s’accroitre, un peu comme les généraux pendant la guerre de 14 qui envoyaient les poilus se faire tuer à Verdun pour « entretenir le moral des troupes ».

Je répète donc encore une fois ce que je dis depuis deux ans.

– N’ayez aucune obligation d’État, sauf peut être le Bund et des obligations Suédoises.

– N’ayez aucune valeur financière, dans la mesure où elles sont certainement bourrées de ces mêmes obligations.

– Évitez tout ce qui en Europe dépend de la demande ou de la consommation locales. Une grande partie de cette dépense n’a pas été « gagnée » mais a été « empruntée », elle va donc disparaître.

– Diversifiez au maximum votre portefeuille dans des actifs non européens, soit directement, soit par l’intermédiaire de sociétés européennes qui ont déjà fait le boulot pour vous.

– Vendez les actions allemandes. Si le DM renaît de ses cendres, la rentabilité anormalement élevée des affaires allemandes, conséquence directe de l’Euro, va s’effondrer.

Pour terminer comme toujours sur une note d’optimisme : des occasions d’achat invraisemblables vont apparaître sur les plus belles valeurs européennes d’ici quelques temps.

En ce moment, j’ai très peur. Mais je n’ai jamais gagné d’argent dans les marchés financiers qu’en étant mort de peur, donc je me tiens a l’affût. Les canards volant bas, très bas vont apparaître très bientôt.

Le jour où il faudra acheter, c’est le jour où les télévisions ne se donneront même plus la peine de retransmettre la conférence de presse du Gouverneur de la banque centrale européenne tant il aura perdu toute crédibilité.

Nous n’en sommes pas loin.

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  • Cher Monsieur Gave, votre article est très intéressant et convaincant, mais un seul élément de votre texte me semble échapper à la logique parfaite que vous développez : pourquoi ne pas laisser son argent dans la banque d’un pays faible si les taux d’intérêt plus élevé qu’ailleurs rémunèrent bien cet argent devenu rare ?

  • Parce que ces taux d’intérêts si élevés sont calculés virtuellement sur des marchés où il n’existe aucune transaction…
    La Grèce se refinance parfaitement grâce au plan de sauvetage européen du 9 mai 2010.
    Il en faudra plusieurs autres pour les autres pays.

  • “There is no means of avoiding the final collapse of a boom brought about by credit (debt) expansion. The alternative is only whether the crisis should come sooner as the result of a voluntary abandonment of further credit (debt)expansion or later as a final and total catastrophe of the currency system involved.” – Ludwig Von Mises.

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