Théorie de l’évolution économique

L’entrepreneur, moteur de l’innovation selon Joseph Schumpeter

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Théorie de l’évolution économique

Publié le 5 mai 2011
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Schumpeter a eu un précurseur en France : Jean-Baptiste Say. Le mot « entrepreneur » (mot que les américains emploient toujours en français) a en effet été popularisé par l’économiste du début du XIXe siècle.

Par Vladimir Vodarevski

Joseph Aloïs Schumpeter est un économiste autrichien, qui a vécu de 1883 à 1950. Comme ses confrères de l’école autrichienne, il a dû fuir le nazisme, et a vécu aux Etats Unis d’Amérique. 

Schumpeter est connu pour son concept de l’entrepreneur, qui est revenu à la mode, en théorie économique, face au constat d’échec du keynésianisme. Cependant, ce concept a été un peu galvaudé par certains. En bon économiste de l’école autrichienne, Schumpeter est très précis dans les termes qu’il emploie, et dans la description de ses concepts. L’entrepreneur schumpétérien n’est pas un simple créateur, ou repreneur d’entreprise, comme on le dit souvent. C’est le moteur de l’évolution économique.

Schumpeter a développé sa théorie dans le livre Théorie de l’évolution économique dont la deuxième édition est datée de 1926 selon la préface, et qui est édité par Dalloz en France.

L’objectif de Schumpeter est donc d’expliquer l’évolution de l’économie, qui alterne période d’essor et période de crise.

 Il part d’un état stable. Ce n’est cependant pas l’équilibre néoclassique. Schumpeter est un économiste de l’école autrichienne, donc il raisonne en termes de circuit. Il y a des producteurs, qui achètent des biens de productions et du travail, qui fabriquent des biens intermédiaires ou des biens de consommation, qui sont achetés par les clients.

Une situation stable est une situation dans laquelle le circuit se répète à l’identique. Il peut y avoir de la croissance, si la population augmente par exemple. Mais c’est toujours le même type d’entreprises, le même type de biens. Il y a seulement plus d’entreprises.

C’est là une approche différente des néoclassiques, dont le point de vue est plus statique. Ils postulent un équilibre de marché, un équilibre de l’offre et de la demande. Les deux approches ne sont pas incompatibles. C’est une différence d’approche conceptuelle. Les économistes autrichiens essaient de coller à la réalité. Les néoclassiques ont une approche plus théorique, plus mathématique.

L’entrepreneur vient bouleverser la stabilité du circuit. C’est quelqu’un qui apporte une innovation, c’est-à-dire une nouvelle combinaison des moyens de production. Selon Schumpeter, «ce concept englobe les cinq cas suivants :

1° Fabrication d’un bien nouveau, c’est-à-dire encore non familier au cercle des consommateurs, ou d’une qualité nouvelle d’un bien.

2° Introduction d’une méthode de production nouvelle, c’est-à-dire pratiquement inconnue de la branche intéressée de l’industrie ; il n’est nullement nécessaire qu’elle repose sur une découverte scientifiquement nouvelle et elle peur aussi résider dans de nouveaux procédés commerciaux pour une marchandise.

3° Ouverture d’un débouché nouveau, c’est-à-dire d’un marché où jusqu’à présent la branche intéressée de l’industrie du pays intéressé n’a pas encore été introduite, que ce marché ait existé avant ou non.

4° Conquête d’une source nouvelle de matières premières ou de produits semi-ouvrés; à nouveau, peu importe qu’il faille créer cette source ou qu’elle ai existé antérieurement, qu’on ne l’ait pas prise en considération ou qu’elle ait été tenue comme inaccessible.

5° Réalisation d’une nouvelle organisation, comme la création d’une situation de monopole (par exemple la trustification) ou l’apparition brusque d’un monopole.»

(Théorie de l’évolution économique, édition Dalloz, traduit de l’allemand par Jean-Jacques Anstett, page 95).

Les entrepreneurs apparaissent par grappes. Un entrepreneur défriche le terrain, et d’autre apparaissent dans son sillage. Car l’entrepreneur crée de la prospérité dont d’autres veulent profiter.

Schumpeter distingue l’entrepreneur du « financeur ». Ce n’est pas celui qui investit qui est l’entrepreneur, même si les deux peuvent être confondus. D’ailleurs, Schumpeter accorde une importance centrale au crédit comme financement de l’entrepreneur.

L’action des entrepreneurs entraîne l’essor de l’économie. Ils créent une demande d’investissement distribuent des salaires, ce qui crée un essor, et de l’inflation.

Des fortunes se créent car les entrepreneurs font des profits. Dans le cycle stable, il n’y a pas de profit. C’est le fait d’introduire une innovation qui crée le profit. Dans le cycle normal, les chefs d’entreprises n’obtiennent que l’équivalent d’un salaire.

Après l’essor, vient la crise. En effet, les entrepreneurs ont perturbé la stabilité du circuit. Tous les repères sont perdus. Pendant la crise, les anciennes entreprises, de l’ancien équilibre, sont en difficultés. Mais les nouvelles, créées par les entrepreneurs, souffrent également. Comme elles n’ont pas d’historique, elles manquent de soutien.

Durant cette période de crises, beaucoup d’erreurs sont commises de la part des dirigeants d’entreprises. Car ils ont perdu leurs repères. Ils ne peuvent plus anticiper, prévoir. Des décisions aberrantes sont prises, aggravant la crise.

Puis, une nouvelle situation de stabilité apparaît.

Il faut souligner ici la définition très restrictive de l’entrepreneur selon Schumpeter. Ce n’est pas le simple créateur d’entreprise. C’est celui qui apporte une innovation.

La plupart des chefs d’entreprise sont des gestionnaires, de même que les repreneurs.  Schumpeter est libéral, et s’inscrit dans la théorie de l’initiative privée. Mais sa théorie concerne la source de l’évolution de l’économie. Et cette source, c’est l’entrepreneur, dans le sens de celui qui apporte une innovation.

L’intérêt de cette théorie est clairement de mettre en valeur le rôle de l’humain dans l’évolution économique, là ou d’autre, comme Keynes, ne mettent en valeurs que des agrégats financiers.

Toutes les crises ne sont pas dues à l’évolution cependant. L’action des gouvernements peut empirer une crise, comme ma crise de 1929.

Schumpeter souligne que plus une économie est diversifiée, moins elle est sensible à une crise, car tous les secteurs n’entrent pas en crise en même temps.

Mais rien ne peut empêcher l’évolution, et le meilleur moyen d’en atténuer les effets, est de profiter de l’amélioration des moyens de prévision de la conjoncture, pour être mieux préparé à une crise.

(Théorie de l’évolution économique, éditions Dalloz,)

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  • Il n’a pas grand chose d’autrichien dans l’explication des crises l’ami Schumpeter. Définir les entrepreneurs comme principales causes des crises de part leurs décisions, c’est la rengaine des socialistes pour justifier leur interventions ruineuses et inefficaces. Cela dit, il tempère ses propos dans le sens ou avec une économie diversifiée, il paraît très peu probable que tout le monde dans des domaines différents se trompe en même temps. Enfin, pour ce qui concerne l’évolution de la conjoncture, comment prévoir ce qui n’existe pas encore puisque selon lui le véritable entrepreneur est d’abord un innovateur. Je pense qu’on peut surtout lui rendre hommage pour son concept de destruction créative propre au système capitaliste.

  • Scumpeter présente l’économie comme un cycle de production, même dans l’hypothèse d’un état stable, et comme une dynamique. C’est la conception autrichienne, contrairement à l’économie marchallienne, qui décrit l’économie comme un équilibre entre l’offre et la demande, et appréhende moins la dynamique.
    Les entrepreneurs sont-ils les causes des crises? Ils sont la cause du progrès. Mais la nouveauté remplace quelque chose. Ce qui provoque un ajustement. Le mérite de Schumpeter est de montrer que cet ajustement ne se fait pas forcément facilement.
    Là encore, Schumpeter est dans la ligne autrichienne en présentant « l’action humaine » comme moteur de l’économie, au lieu de réduire l’économie en équation.
    Schumpeter, à l’époque de l’écriture de son livre, a surtout observé un monde qui s’est radicalement transformé sous l’effet de la révolution industrielle et de différentes grandes innovations, comme l’électricité par exemple. Les bouleversements sont grands. Les crises plus fortes donc.
    L’objet de Schumpeter était de présenter la cause et le mécanisme des cycles de l’économie. Mais les crises ne viennent pas forcément de ce mécanisme. Elles peuvent être provoquées par la guerre, par les politiques gouvernementales. Schumpeter considère que les politiques d’Hoover, puis de Roosevelt, ont prolongé la crise des années trente.

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