Interdire constitutionnellement les déficits, une sale excuse ?

La majorité propose de modifier la constitution pour interdire les déficits. Ne serait-ce qu’une pure manœuvre politicienne

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Interdire constitutionnellement les déficits, une sale excuse ?

Publié le 4 mai 2011
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Interdire constitutionnellement les déficits, une sale excuse ?

Avec l’approche des présidentielles et, en ligne de mire, les législatives qui suivront, on peut s’attendre à pas mal de manœuvres politiciennes plus ou moins tordues pour s’assurer que le camp d’en face ne s’en sortira pas trop bien. On s’oriente doucement vers une bonne déculottée du camp UMP, avec une victoire presque pépère pour le PS ; dès lors, l’actuelle majorité s’emploie logiquement à savonner la planche des socialistes officiels.

Et la partie de poker menteur qui débute promet d’être particulièrement croustillante.

Il semble en effet que nos parlementaires tentent de proposer, pour la rentrée législative en septembre prochain, une révision constitutionnelle imposant l’équilibre budgétaire lors de l’élaboration du budget national. Autrement dit, ils souhaitent inscrire dans la Constitution l’équilibre des finances publiques.

Ici, évidemment, on croit, quelques secondes, halluciner : comment diable est-ce possible ? Toute cette lucidité, ce magnifique courage qui apparaît d’un coup et qui vise, enfin, à donner à la République une règle claire et pourtant simple, ne pas dépenser plus qu’elle ne gagne », ça semble trop beau pour être vrai.

Rassurez-vous : c’est le cas.

cirque de l'assemblée nationale

Nos élus ne sont pas devenus, subitement, responsables et précautionneux.

Ça se serait su. Et comme c’est même sévèrement sanctionné, ils ont bien fait gaffe de ne jamais tomber dans ce piège : l’argent dont ils s’occupent, qu’ils dépensent et qu’ils ne comptent pas, c’est toujours le nôtre, c’est toujours de l’argent gratuit pour eux, et c’est toujours insuffisant.

Ce que veulent nos députés, c’est simplement inscrire, dans la constitution, une limitation des dépenses courantes pour s’assurer qu’elles sont toutes financées sans déficit.

Notez l’astuce. Elle est dans le mot « courante ». Les dépenses courantes seraient les seules concernées par la nouvelle modification constitutionnelle. Car il en va autrement pour les dépenses d’investissement pour lesquelles le bar reste ouvert, avec champagne, petites cacahuètes grillées, hôtesses accortes et soirée mousse à la fin.

Eh oui : plutôt que graver une fois pour toute une saine gestion dans la constitution, opération délicate s’il en est puisqu’elle réclame un Congrès et, de fait, une majorité de 3/5ème des élus difficilement jouable alors que le Sénat risque bel et bien de basculer à gauche dans les prochains mois, notre joyeuse bande de clowns à facturettes de Bercy a choisi le ménagement… Constitutionnel, hein. Pas budgétaire.

Tout ceci est bel et bien une nouvelle preuve de la pleutrerie et de l’esprit magouillard de nos politiciens. Les élections approchent et deviennent, de fait, l’excuse à toutes les bidouilles présentées comme vertueuses.

En effet, d’une part, comme le souligne fort justement Aurélien Véron dans son papier sur Atlantico, on ne peut s’empêcher de trouver le procédé particulièrement chafouin puisqu’il s’agit pour nos députés de s’affranchir, encore une fois, de leur responsabilité en matière de gestion correcte du budget national.

Si l’on y réfléchit, on se rend compte qu’une fois la proposition inscrite dans la constitution, le gouvernement suivant, astreint à la propreté budgétaire, aura beau jeu de pleurnicher sur l’absence de marge de manœuvres que cette nouvelle constitution lui impose ; au lieu, en réalité, d’embrasser ouvertement la diminution des dépenses et, enfin, l’équilibre d’un budget après trois ou quatre décennies de déficits systématiques et croissants, au lieu d’assumer vouloir une France future qui respire au lieu de s’étrangler sous la dette, nos braves élus brailleront à qui veut l’entendre qu’ils auraient bien été très généreux avec l’argent gratuit des autres si de méchantes dispositions constitutionnelles ne les en empêchait pas.

Oh certes, si cette proposition passe (ce qui est improbable, je le redis), le budget des dépenses courantes va maintenant être taillé au cordeau. Il aura fallu une dette frisant les 2000 milliards d’euros, des faillites souveraines européennes, une crise fulgurante et carabinée, et surtout, trente années de négligence décontractée totalement assumée pour que nos députés se décident, bon gré, mal gré, à restreindre un tantinet leurs incontinences budgétaires.

Mais d’autre part, en laissant un tel boulevard à l’organisation budgétaire pour permettre, via une inventivité renouvelée, de faire passer les grosses dépenses qui tachent dans la partie « investissement », les mêmes députés se ménagent des voies de secours où ils pourront continuer à jouer les sauveurs du petit monde. Comme ce sera plus dur, il faudra, pour les demandeurs de subsides étatiques, tortiller plus habilement de l’arrière-train pour obtenir le sussucre fiscal ou la dépense idoine, mais de droite comme de gauche, nos élus sauront faire passer le message que le bar reste totalement open ; si on a simplement coupé les néons aguicheurs, les cacahuètes se dealeront sous le manteau.

Et le plus beau dans tout ça, c’est que justement, cette proposition n’a aucune chance pratique de passer.

Et là, c’est évidemment tout bénéfice pour les hypocrites qui la propulsent sous le nez de leur coreligionnaires au nez rouge: lorsque la France sera dans un caca si profond que le budget ne se décidera plus à Paris mais à Washington, ce seront en effet les premiers à venir pleurnicher qu’on aurait dû les écouter, eux, lorsqu’ils proposèrent — rappelez-vous, c’était en Septembre 2011 — de limiter les dépenses du budget aux recettes abondées. Comme de vilains socialistes de droite/socialistes de gauche (barrez la minorité assoupie) ont saboté leur proposition de loi, l’état a continué sa cavalerie et voilà le travail !

Même s’il faut absolument tout faire pour inscrire dans la constitution qu’un état ne peut pas, ne doit pas dépenser plus qu’il ne gagne, jamais, ni pour les dépenses courantes ni pour les investissements, en principe, rien ne sera fait dans ce pays : la soupe est trop bonne, la dépense trop facile, la propreté budgétaire trop complexe, trop coûteuse en voix pour que jamais il ne soit envisagé sérieusement d’aboutir à cette extrémité.

Tout montre que cette proposition constitue un affreux bricolage purement politicien, espèce de couteau suisse politocard qui permettra, au choix, d’enquiquiner l’adversaire si il passe ou de se présenter comme un visionnaire responsable au milieu d’impécunieux irresponsables s’il n’aboutit pas.

Quelle que soit l’issue, de toute façon, ce pays est foutu.
—-
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  • Par curiosité h16, combien d’années donne tu à la France avant la banqueroute?
    Personnellement, je lui en donne 5. Mais peut-être suis-je trop généreux.

    • On est toujours surpris de la résilience du système. Avec les petites imprimantes qui tournent à plein régime, ça peut durer encore pas mal de temps. Mais bon, j’ai lu ici ou là (Ch. Gave notamment) que le prochain gros morceau de dettes arrive à échéance vers 2017. D’ici cette année-là, donc. Ca nous laisse effectivement 5 ans, en gros.

  • Les hommes de l’état ne gagnent rien, ils volent la monnaie péniblement acquise par les honnêtes citoyens. Et non contents de voler tant et plus, ils endettent les comptes au dela de toute raison, parce que ce ne sont ni les leurs, ni les notres. C’est une caste de dangereux prédateurs irresponsables qui mènent le pays droit dans le mur. Dommage parce que ce pays n’est pas foutu, bien au contraire. C’est sans doute le plus beau du monde qui dispose également de brillants individus. En revanche l’état est complètement foutu, mais pouvait-il en être autrement d’une sociale démocratie aux des institutions communistes.

    • Oui, quand je dis « CPEF », c’est un raccourci pour « cet état, ce système, cette république sont foutus »

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