Pourquoi la France ne doit pas intervenir en Libye

Une fois de plus, Nicolas Sarkozy a pris les devants et lancé une proposition sans consulter l’Assemblée

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Pourquoi la France ne doit pas intervenir en Libye

Publié le 13 mars 2011
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Une fois de plus, Nicolas Sarkozy a pris les devants et lancé une proposition sans consulter l’Assemblée nationale (la constitution lui en donne le droit, mais est-ce pour autant acceptable ainsi ?), sans consulter ses partenaires européens au moment où il plaide pour une Europe politiquement unie. L’Allemagne a fort peu apprécié cette nouvelle incartade sarkozyste. On peut les comprendre, surtout que les pays hostiles à cette offensive sont nombreux derrière elle. Avons-nous envie, Français, de nous trouver dans une guerre dont nous ne contrôlons pas le déroulement, dans un environnement fragile et instable ?

Surtout, sans légitimité internationale, une telle intervention ne peut qu’affaiblir politiquement et démocratiquement l’opposition à Kadhafi. D’abord, comme l’a très bien exprimé John Stuart Mill au 19e siècle : « Quant à décider si un pays est fondé à aider le peuple d’un autre État à combattre son gouvernement pour obtenir des institutions libres, la réponse sera différente selon que le joug que la population cherche à rejeter est impose par un gouvernement purement indigène ou par une puissance étrangère […] Si la contestation oppose seulement un peuple et des dirigeants indigènes, et que ceux-ci n’utilisent pour leur défense que des forces indigènes, je répondrai par la négative. La raison de cette réponse négative, c’est qu’il est bien rare que quoi que ce soit nous assure que cette intervention, même si elle est couronnée de succès, sera pour le bien du peuple en cause. Le seul test pour savoir si un peuple est apte à se doter d’institutions populaires, c’est le fait que ce peuple, ou une portion suffisante de ce peuple, capable de triompher dans la lutte, soit prêt à braver la peine et le danger pour sa libération […] si un peuple n’a pas de la liberté un amour suffisant pour être lui-même capable de l’arracher à ses oppresseurs intérieurs, la liberté qui lui sera octroyée par des mains étrangères n’aura rien de réel, ni de permanent. » Lumineux.

Enfin, la lutte internationale contre Al Qaïda est guerre contre un péril qui se nourrit du sentiment d’ingérence de l’Occident, coupable à ses yeux du soutien aveugle des dictatures corrompues d’Arabie Saoudite, d’Égypte, de Libye… Participer à l’une des révolutions en cours, c’est assurer le renforcement de cette doctrine contre laquelle nous dépensons des dizaines de milliards de dollars chaque année, et au nom de laquelle nous subissons une série de lois gravement attentatoires à notre intimité et à nos libertés légitimes. Alors qu’Al Qaïda est affaibli par les évènements historiques en cours (qu’elle n’a pas plus vu venir que nos ambassadeurs), voulons-nous lui redonner du poil de la bête, un motif pour repartir ?

S’engager dans un conflit dont nous ne connaissons ni l’issue, (l’armée libyenne semble limitée à écouter les experts, les mêmes qui nous assuraient que le conflit afghan serait vite réglé) ni les acteurs, ni les conséquences géopolitiques sinon que nous risquons de mettre l’Europe en danger, tout ceci me parait insensé.

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  • Bonjour.

    Pour ce que j’en comprends :

    L’histoire récente nous montre que les russes ce sont plantés (Afgnstn), les américains se sont plantés ( Wtnm, Iraq, Afgnstn), la France c’est assez flou mais j’ai pas l’impression que cela soit bien folichon en Afrique noire mais là bizarrement il n’y a pas trop de voix contre (enfin perception du fin fond du trou perdu dans lequel j’habite).

    Alors pourquoi y aller? Pour ce faire bananer une fois encore ? Pour quel « bénéfice » heu en fait combien cela va-t-il encore nous couté (humainement, financièrement, représentation, image…)? Cela démontrera une fois encore que la civilisation occidentale ne sait pas retenir les erreurs du passer et qu’elle est incroyablement incapable de ce mêler de qui la regarde.

    Ce ne devrait pas arranger les cours du pétrole.

    Est-ce justifié pour coffrer 2 terroristes responsables du crash Vol_772_UTA ?

    Ce n’est pas sûr qu’en exacerbant les passions autour d’un pays islamique il ne joue pas le jeu du FN.

    Au fait Sakosy est-il réellement encarté à l’UMP?

    raid.neck

  • Moyennement convaincu.

    Toute précaution prise, il semble que les insurgés soient en train de supplier d’avoir de l’aide. Il y a toutes les différences du monde entre jouer les vas-t-en-guerre pour renverser un Kadafi, et aider une population qui se révolte contre un tyran (ou pas, droit de sécession oblige) à se défendre, le temps de se structurer politiquement.

    Qui plus est sans envoyer de troupes combattantes sur le terrain, mais de la logistique, des soins, des munitions, descendre l’aviation, et laisser ce peuple aller au front pour gagner sa liberté.

    A choisir, je les préfèrerais là qu’en Afghanistan…

  • Il me semble qu’une solution lumineuse échappe à l’ONU « et, accessoirement, à notre Président . La Ligue Arabe a recommandé une intervention pour la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne,au bénéfice des « insurgés ».Il y a justement deux grands pays arabes voisins de la Libye qui disposent d’armées importantes et structurées,y compris dans leurs composantes aériennes. Pourquoi ce réflexe colonial de la France? Laissons l’honneur d’intervenir à l’Algérie (qui, hélas, a voté contre) et à l’Egypte (qui a voté pour).

  • D’accord pour dire que c’est une connerie de s’engager, en tant qu’état, dans une guerre civile d’un autre état. Il ne peut rien en résulter de bon. Avec ou sans l’ONU, ça ne change rien.

    De là à laisser un dictateur dingo bombarder son propre peuple avec juste des protestations verbales, il y a plus qu’un pas.

    C’est quand même pas difficile de fournir de façon non officielle des moyens de défense : quelques batteries SAM pour supprimer l’aviation et une paire de missile avec (via satellite) l’endroit où les tirer pour faire taire l’artillerie.
    Ou de convaincre (avec quelques mallettes au besoin) quelqu’un d’assez haut placé qu’il est temps pour lui de remplacer le dingo, qui décidément exagère.

    Après, il adviendra ce qui doit advenir, pour le meilleur ou pour le pire.

  • Le problème c’est qu’une intervention ne consisterait pas simplement à prendre parti pour un peuple contre le tyran qui l’opprime (vision occidentalo-démocratique des choses) mais à prendre parti pour une alliance de tribu contre une autre, pour un clan local (réalité libyenne) comme l’explique bernard lugan sur son blog.

  • Quand un President Americain brandit a Kadhafi et aux oreilles du reste du monde des menaces de represailles si les exactions contre le peuple Libyen continuent, encourageant ainsi les insurges a continuer de se battre pour leur liberte et de croire a une aide exterieure imminente, il doit assumer la responsabilite des massacres qui s’ensuivent s’il ne met pas cette menace a execution. Obama a du sang sur les mains. Il aurait mieux fait de fermer sa grande gueule plutot que de se porter garant des aspirations democratiques de ce peuple, et je gage que malgre ses belles paroles il n’aurait rien fait non plus pour les Egyptiens si ces derniers n’avaient reussi a renverser Moubarak. N. Sarkozy a sans doute cru, lui aussi, a la volonte d’Obama de donner suite a ses menaces, d’ou sa prise d’initiative. A present, tous les tyrants de ce monde savent de quel bois est fait ce President Americain (je ne parle pas de l’ONU, que l’on sait deja impotente), et qu’ils peuvent massacrer leurs peuples en toute impunite et meme a la vue de tous les medias du monde. Quelle honte pour nous tous, occidentaux.

  • Désolé, mais je n’ai que peu d’accord avec une expression doctrinaire qui flirte avec un darwinisme social manifeste, relis-toi. Peut-être faut-il parler ici de relier…
    Soit un dingo, nom bien gentil pour ce triste sire, se sert de vieux avions de chasse et quelques autres moyens colossaux, pour faire taire ceux qui s’opposent à son pouvoir, et on laisse faire, et on ne dit rien (j’ai voyagé entre les milieux, j’invite un certain nombre d’amis libéraux à le faire, ce serait éclairant… Tiendraient-ils un seul jour ? ), soit on répond parce que ce qui se passe là est intolérable et atteint à l’humanité même. Mon avis. Lequel ne préjuge de l’après, et n’en ignore les risques.
    Que derrière, des intérêts moins généreux ou plus confus s’invitent, peut-être ou sans doute, mais cela ne change rien à la nécessité d’agir, d’autant que la coalition qui à présent intervient est plurielle, et qu’au reste les pays arabes qui y sont associés, sont parmi les mieux avancés du coté de la modernité.
    Peut-être que l’Europe sera en danger, mais bien que je ne sois pas d’accord oh combien sur tout ce qui se fait en notre pays, j’approuve et soutiens cette intervention nécessaire, quand bien même l’on ne peut ignorer qu’il y a aussi là des crispations tribales, mais surtout des jeunes très nombreux et sans perspective, auxquels il faut reconnaître le plein droit de s’autodéterminer, sans se faire fusiller.

    Enfin, lutter contre Al Quaïda, ne peut vouloir dire accepter le statu quo qui a prévalu sur fond d’intérêts bien compris, c’est à dire des autocrates spoliateurs et pour la plupart sanguinaires. Le monde arabe nous en remerciera, faisons lui confiance et soutenons le, au moins nos impôts servent là à quelque chose. Dans les limites bien sûr imparties et définies. Suffit la suspicion ! Ce ne peut être une façon d’exister politiquement, là où la pensée est nécessairement complexe et composite.

  • Je précise Aurélien, tu connais mon propos. Ce n’est un hasard que responsabilité ait un étymon commun avec réponse. Et ce n’est seulement répondre de soi, mais encore témoigner pour autrui.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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