Seuls 3 films français rentables en salle en 2010

Avec seulement 3 films rentables sur leurs entrées en salles, on peut se demander si le cinéma français subventionné a encore sa raison d’être en plein milieu d’une crise qui n’épargne personne…

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Seuls 3 films français rentables en salle en 2010

Publié le 28 février 2011
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Intéressant panorama dressé par l’hebdomadaire professionnel « Le Film Français », et qui remet très à propos les pendules à l’heure quand il s’agit de l’exception et de la culture française : seuls trois films sont rentrés dans leurs frais de production en 2010 avec les entrées en salle…

Ainsi donc, dans le pays de la subvention tranquille, où le contribuable et le spectateurs financent sans le savoir des films qu’ils ne vont pas voir et dont ils n’entendent jamais parler, seuls trois films ont tiré leur épingle du jeu en équilibrant leur budget.

Comme le nombre est petit, la liste peut être fournie entièrement : celui qui s’en sort le mieux est donc « Des Hommes et Des Dieux », suivi de près par « L’Arnacoeur » et enfin de « Mammuth » …

C’est tout à fait éclairant.

D’une part, cela démontre que certains types de films français parviennent à rassembler plusieurs centaines de milliers de personnes. C’est, en soi, plutôt rassurant : bien qu’on entend régulièrement les pleurs humides de certains, réclamant en se tordant les poignets, de vigoureuses actions évidemment étatiques pour sauver la production française de l’hydre américano-mondialiste, la réalité montre que le public est encore prêt à se déplacer. Et lorsqu’on prend en compte le nombre total de ces films produits en une année (plus de deux cents), on se rend donc compte que les cinéastes ne manquent pas … et que la qualité, elle, laisse à désirer : un seul petit pour-cent seulement relève le défi de ne pas laisser d’ardoise.

D’autre part, on constate que les piscines de subventions dans lesquelles baignent la profession cinématographique auront eu un effet intéressant de polarisation des productions.

Cinema - And now, young jedi, ...

D’un côté, une myriade de films à petit budget, dont l’écrasante majorité, relatant dans un ennui monochromatique pisseux des histoires tristes à étrangler un hamster, font un bide feutré.

Films d’auteurs manifestement torturés ou bien trop accros à l’argent gratuit des autres pour réaliser une adéquation entre leurs lubies fantasques et les envies du consommateur moyen, productions interlopes aux scénarios étranges, coûteux terrains d’essais pour bricoleurs plus ou moins diplômés, la subvention généreusement distribuée permet, littéralement, de faire exploser la créativité ; comme d’autres font des cacas thermomoulés de 8m de haut peints à l’acrylique rouge devant des gares publiques, d’autres se lancent dans le cinéma et ne parviennent à impressionner qu’un film photographique qui n’avait rien demandé à personne. Au final, seuls un ou deux films de petite envergure, au scénario bien construit, arrivent à toucher un public.

De l’autre côté, on trouve quelques grosses productions dont le budget place immédiatement la rentabilité à des sommets stratosphériques que l’étroitesse du marché français rendent inatteignables, à l’exception annuelle près, exception souvent liée à un export mondial savamment marketé.

À présent, on trouvera certainement quelques études pour, comme les pleureuses précédemment citées, réclamer Plus De Moyens, le cinéma français devant absolument lutter pied à pied contre l’américain, c’est une évidence, il en va de notre survie culturelle, et patati l’exception culturelle française, et patata les films américains c’est de la mrd, etc…

Mais en fait, le mécanisme actuel des subventions et son résultat économique sans ambiguïté dans sa médiocrité montrent qu’encore une fois, l’intervention de l’état pour « protéger » un marché aura bien aidé à le rendre à la fois faible et pathologiquement dépendant.

Faible puisque les films rentables ne sont, pour ainsi dire, pas exportables : ils ont bien réussi sur le marché local, mais n’auront qu’une audience d’estime outre-France. Quant aux non-rentables, ou bien ils étaient d’emblée destinés à l’export et ne peuvent se réclamer d’une quelconque « culture française du cinéma », ou bien ils sont d’ores et déjà morts et enterrés ou prêts à passer au milieu du flot de purée télévisuelle dont on asperge la populace après 20H30.

Pathologiquement dépendant, puisque toute idée de supprimer les mécanismes de subvention et d’abondements par deniers publics est totalement inenvisageable ; mécanisme d’autant plus opaque qu’il cumule à la fois

  • le détournement d’une partie du prix des billets des blockbusters étrangers vers les films français (l’argent des autres, en somme),
  • les subventions directes et indirectes du Ministère de la Culture (l’argent de l’état, donc),
  • et les avantages et souplesses d’un système de protection sociale finement ouvragé pour une catégorie spécifique d’intermittents du travail (soit l’argent des autres travailleurs).

On peut même ajouter à ces mamelles, que le monde du cinéma français tête goulûment, que des aides nouvelles se sont multipliées se superposant et s’enchevêtrant aux dispositifs existant dans la plus parfaite opacité chère à nos élites administratives pour lesquelles aucune solution n’est jamais trop complexe, aucun petit tuyaux chromé n’est inutile, aucune pompe à merde sous-pression ne doit être épargnée. Au fil des années, le système de soutien au cinéma est devenu illisible, à tel point que peu d’acteurs de la filière savent s’ils sont des gagnants ou des perdants nets du système.

Inutile de dire qu’avec de tels atouts, une production pourtant pléthorique, une masse informe mais grandissante de personnels eux-mêmes totalement dépendant du statut d’intermittent et des aides multiples disponibles, et la force de l’habitude, il n’y a aucune chance qu’une réforme puisse un jour aboutir.

Moyennant quoi, on peut en être certain, les années prochaines proposeront toujours des nanars improbables, flous et mal cadrés, aux historiettes rachitiques, le tout pour des coûts dépassant systématiquement toute planification budgétaire.

En ces périodes de crise où les Français qui se lèvent tôt doivent serrer la ceinture, le pays peut-il encore se permettre ces largesses ? Parions cependant qu’aucune réflexion de fond(s) ne sera lancée à ce sujet qui viendra s’empiler sur la masse déjà importante des sujets soigneusement évités.

Devant ce constat, je le dis, en technicolor et son dolby surround, ce pays est foutu.
—-
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  • Il manque juste une chose essentielle à cet article : de combien se soldent les subventions étatiques au cinéma français ?

    Parce que là, c’est un peu comme des carbonaras sans oeufs: ça fait saliver, mais il manque précisément ce qui donne tout son goût au plat.

    • Justement, c’est … compliqué.

      Il y a les aides directes (qui se décomposent en soutien automatique et soutien sélectif) et les aides indirectes. Certaines viennent du Ministère de la Culture, certaines du CNC, certaines des régions et départements. C’est un mic-mac invraisemblable.

      En 2005, 75 millions d’euros étaient alloués au soutien automatique. Il semble, en fouillant, que les aides directes s’élèveraient à plus de 120 millions. Pour avoir le détail des autres aides (ministère, régions, départements, Europe), il faut faire un travail de bénédictin que seuls ceux qui veulent en toucher font…

      Et on n’a pas évoqué les incitations fiscales, les dérogations, les régimes particuliers, …

  • Excellent article, h16.

    L’iFRAP apporte de nombreux chiffres que je n’ai pas épluché en entier. En voici quelques morceaux :

    « 150 films, c’est-à-dire les trois quarts des films français produits chaque année, sont vus par moins de 100.000 spectateurs. Les recettes que procurent les spectateurs des salles de cinéma aux producteurs de ces films sont donc très faibles, inférieures à 2% du coût de ces films. Ceux-ci sont financés à plus de 98% par l’intervention des pouvoirs publics, soit directement, soit sous forme d’obligations imposées aux chaînes de télévision. »

    Et dans un autre article ….

    « La plupart de ces films sont d’initiative française (164) et les sommes totales investies représentent 1,15 milliard d’euros. »

    La merdasse cinématographique française étant phinancée à presque 100% par l’argent des autres, un œil sur le budget d’ensemble offre un aperçu des sommes distribuées « aux artistes ».

  • Alors, et si Contrepoints se lançait sur un projet cinématographique atypique :
    le premier film libéral financé par de l’argent public !
    Un truc décalé hyper-complexe et moderne, incompréhensible, même pour les socialo-parisiano-bobos porteurs de pièces au coudes et fumeurs de pipe ( en vélib ) .
    Quelqu’un a qques idées de départ pour un scénario ?

    • Moi je sais !

      On dirait qu’il y aurait un bonhomme qui ferait disparaître les « élites » du monde; il s’appellerait John Galt, et…

      (ou sinon, un remake d’Orwells)

  • @ Li Po

    Pour faire dans le pédagogique, je verrais bien un film qui mette en évidence une personne qui vit dans une ville très interventionniste, et qui se retrouve propulsée par rêve dans la même ville, mais devenue libérale authentique… Cette personne serait dans la réalité et dans son rêve confrontée aux mêmes problématiques que la vie pose, mais avec des réponses différentes… Cela permettrait de démystifier beaucoup de faux préjugés sur le libéralisme.

  • Trois films c’est vraiment ridicule, même si certains vont avoir d’autres recettes (international, ventes de DVD…)
    Pou le régime des intermittents, le ratio prestations/cotisations de 6 est vraiment pas mal non plus. Qui dit mieux?
    http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0201106049683-le-regime-des-intermittents-plombe-les-comptes-de-l-unedic.htm
    « L’Unedic leur a versé 1,276 milliard d’euros. Pour 223 millions de cotisations versées. »

  • Les commentaires sont fermés.

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