Frédéric Bastiat, économiste (1801-1850)

Quand la théorie de la valeur se trouve merveilleusement définie par le fabuliste

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Frédéric Bastiat, économiste (1801-1850)

Publié le 31 janvier 2011
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Par Auguste Cavalier (1902)

« Aidons-nous mutuellement.
La charge des malheurs en sera plus légère.
… À  nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire. »

(Florian : l’Aveugle et le Paralytique.)

BastiatBastiat aimait citer la jolie fable de Flo­rian. « Il est assez singulier, disait-il, que la plus importante vérité économique, la théorie de la valeur qu’on cherche en vain dans maint gros livre, se trouve merveilleusement définie par le fabuliste. Nous sommes tous aveugles ou perclus en quelques points.

Nous comprenons bientôt qu’en nous entr’ai­dant « la charge des malheurs en sera plus « légère ». De là l’échange. Nous travaillons pour nous nourrir, vêtir, abriter, éclairer, guérir, défendre, instruire les uns les autres. Delà, les services réciproques. Ces services, nous les comparons, nous les discutons, nous les « évaluons » : de là la valeur. »

En effet, c’est là toute la matière de l’économie politique, science à qui l’on reproche parfois d’être difficile et pédante mais à laquelle le talent et les lumineux écrits de Bastiat savaient donner presque la vivacité et le charme de certaines œuvres d’imagination.

 

Premières années

Frédéric Bastiat naquit à Bayonne le 30 juin 1801 (1) (II messidor an IX). Sa famille, fort ancienne dans le pays, était originaire de la ville voisine de Mugron.

Mugron est un chef-lieu de canton de deux mille habitants, bâti sur un monticule dominant l’Adour, au pied des Pyrénées. Tout autour s’étendent des cultures de vi­gnobles coupées çà et là par des prairies et bornées un peu plus loin par la lande qui s’étend à perte de vue.

Ce fut là le pays d’enfance, sinon le berceau natal de Bastiat : demeuré orphelin de père et de mère à l’âge de neuf ans, il fut recueilli par son grand-père paternel et élevé à Mugron par les soins dévoués de sa tante, Mlle Justine Bastiat, qui lui servit de mère et à qui il garda toute sa vie une tendre reconnaissance.

La famille Bastiat, très honorablement connue du reste dans la région, appartenait à la bourgeoisie libérale et voltairienne. Elle avait, assure Mgr Baunard, les œuvres de J.-J. Rousseau pour évangile et les droits de l’Homme pour code. Cela ne l’empêcha point, heureusement, de faire donner au jeune Frédéric une bonne et chrétienne éducation.

Il fut d’abord envoyé au pensionnat de Saint-Sever, près de Bayonne, en compagnie d’un de ses cousins, M. de Montclar, qui devait entrer dans la compagnie de Saint-Sulpice. « Comme son intelligence était d’une nature à la fois méditative et pratique, ce fut un petit livre de méditation et de bon sens, la Journée du chrétien, qui jeta dans sa jeune âme ; dit Mgr Baunard, les premières assises de ce béton indestructible qui, résistant au flot débordant du scepticisme, devait porter un jour la reconstruction de la foi et de la vie chrétienne. »

Bastiat ne resta qu’un an à Saint-Sever. Il fut envoyé de là à Sorèze, ancienne et célèbre abbaye bénédictine dont le collège occupe dans l’histoire de l’enseignement libre en France une place si glorieuse (2).

Dans cet établissement de premier ordre, il semble avoir fait d’assez bonnes études, mais qui demeurèrent sans aucune sanction universitaire : il ne fut même pas bachelier.

À Sorèze, Frédéric Bastiat fit la connaissance de Victor Calmètes : là se nouèrent les premiers liens d’une amitié que la mort seule devait briser.

« Quelques particularités de cette liaison d’enfance, écrit M. de Fontenay, révèlent déjà la bonté et la délicatesse infinies que Bastiat portait en toutes choses. Robuste, alerte, entreprenant et passionné pour les exercices du corps, il se privait presque toujours de ces plaisirs pour tenir compagnie à son ami, que la faiblesse de sa santé éloignait des jeux violents. Cette amitié remarquable était respectée par les maîtres eux-mêmes ; elle avait des privilèges particuliers, et pour que tout fût plus complètement commun entre les deux élèves, on leur permettait de faire leurs devoirs en collaboration et sur la même copie signée des deux noms. C’est ainsi qu’ils obtinrent, en 1818, un prix de poésie. La récompense était une médaille d’or. Elle ne pouvait se partager : « Garde-la, dit Bastiat ; puisque tu as ton « père et ta mère, la médaille leur revient de » droit. »

En quittant Sorèze, Bastiat, incertain de la voie qu’il suivrait, entra d’abord dans la maison de commerce d’un de ses oncles, négociant à Bayonne. Ce n’était point la vocation du négoce, mais la nécessité de prendre un parti qui l’avait conduit au comptoir de son oncle. Entre temps, son ami Calmètes, qui devait devenir conseiller à la cour de Cassation, étudiait le droit.

Ils échangeaient une correspondance suivie :

« Nous nous trouvons dans le même cas, écrivait Bastiat ; tous les deux nous sommes portés par goût à une étude autre que celle que le devoir nous ordonne ; à la différence que la philosophie, vers laquelle notre penchant nous entraîne, tient de plus près à l’état d’avocat qu’à celui de négociant. Tu sais que je me destine au commerce. En entrant dans un comptoir, je m’imaginais que l’art du négociant était tout mécanique et que six mois suffisaient pour faire de moi un négociant. Dans ces dispositions, je ne crus pas nécessaire de travailler beaucoup et je me livrai particulièrement à l’étude de la philosophie et de la politique. Depuis je me suis bien désabusé, j’ai reconnu que la science du commerce n’était pas renfermée dans les bornes de la routine. J’ai su que le bon négociant, outre la nature des marchandises sur lesquelles il trafique, le lieu d’où on les tire, les valeurs qu’il peut échanger, la tenue des livres, toutes choses que l’expérience et la routine peuvent en partie faire connaître, le bon négociant, dis-je, doit étudier des lois et approfondir l’économie politique, ce qui sort du domaine de la routine et exige une étude constante. »

Ainsi le voilà déjà sur la voie de la science qui va occuper toute sa vie. L’économie politique, n’est-elle pas du reste comme une branche de la philosophie qu’il trouve tant de plaisir à étudier? C’est la philosophie des relations sociales et des échanges ; vaste et beau domaine encore à peu près inexploré où lui, Bastiat, économiste et philosophe, allait s’établir en maître.

Dès qu’il eut entrevu l’économie politique, le jeune Bastiat s’y consacra tout entier. Il lut avec avidité et médita longuement le traité de Jean-Baptiste Say, seul ouvrage méthodique et relativement complet que l’on possédât alors sur ces matières. « La lecture de ce livre, écrit-il à son ami, vous procure tout le plaisir qui naît du sentiment de l’évidence. »

Cette époque de sa vie, — il avait dix-neuf ans, — fut marquée par une crise morale violente. Les sentiments religieux qu’il avait puisés, enfant, dans l’éducation chrétienne de Sorèze, furent assaillis dans son âme par une tempête redoutable. Il subit un temps durant, la tentation d’un scepticisme désolant : ses lettres à Victor Calmètes témoignent de l’ardeur de ce combat par leurs douloureuses confidences : il succomba et le 29 avril 1821 il écrit : « Je change de genre de vie : j’ai abandonné mes livres, ma philosophie, ma dévotion, ma mélancolie, mon spleen enfin, et je m’en trouve bien. Je vais dans le monde, cela me distrait singulièrement. Je sens le besoin d’argent, ce qui me donne envie d’en gagner. »

Après cette triste chute, sans cesser jamais d’être croyant et tout en protestant de sa foi « à la divinité, à l’immortalité de l’âme, aux récompenses de la vertu et au châtiment du vice », il paraît surtout tenir à se préparer une vie facile et agréable où le bonheur terrestre ne sera pas sacrifié aux préoccupations de l’ait-delà.

Il définit fort bien quel est en ce moment son idéal :

Je voudrais posséder un domaine dans un pays gai, surtout dans un pays où d’anciens souvenirs et une longue habitude m’auraient mis en rapport avec tous les objets. C’est alors qu’on jouit de tout, c’est là le vita vitalis. Je voudrais un bien qui ne fût ni assez grand pour que j’eusse la faculté de le négliger, ni assez petit pour m’occasionner des soucis et des privations. Je voudrais une femme je ne t’en ferai pas le portrait ; je le sens mieux que je ne saurais l’exprimer. Je serais moi-même (je ne suis pas modeste avec toi) l’instituteur de mes enfants. Ils ne seraient pas effrontés comme ceux des villes, ni sauvages comme dans un désert.

Cette existence d’épicurien, digne et simple, allait bientôt être expérimentée.

 

Vie campagnarde : Bastiat et Félix Coudray

À l’âge de vingt-deux ans, pour obéir aux désirs de sa famille, Bastiat vint se fixer à Mugron, sur une terre dont il hérita de son grand-père, en 1825.

C’était une propriété de 250 hectares, sur les bords de l’Adour, avec une coquette maison de campagne. Le jeune homme entreprit de faire valoir lui-même ce domaine, et de l’exploiter suivant les procédés théoriques de l’agronomie : il commença une série de prétendues améliorations agricoles dont le résultat fut assez médiocre.

Le domaine était subdivisé en une douzaine de métairies, et tous les agriculteurs savent que le régime parcellaire et souvent routinier du métayage oppose aux innovations un enchevêtrement presque infranchissable de difficultés matérielles et surtout de résistances morales; et puis, comme le remarque Fontenay, « le caractère de Bastiat était incapable de se plier aux qualités d’exactitude, d’attention minutieuse, de patiente fermeté, de surveillance sans lesquelles un propriétaire ne peut diriger fructueusement une exploitation très morcelée.

L’agriculture ne fut donc guère pour Bastiat qu’un goût ou un semblant d’occupation. L’intérêt véritable, le charme sérieux de sa vie campagnarde, ce fut, au fond, l’étude et la conversation qui est l’étude à deux. Le bon génie de Bastiat lui fit rencontrer auprès de lui cette intelligence-sœur, qui devait en quelque sorte doubler la sienne.

Il y avait à Mugron un jeune avocat plein de science et de talent, fils du médecin du pays : Félix Coudray. Par son éducation et par ses tendances, Félix Coudray était porté vers les études de philosophie religieuse : c’était un chrétien convaincu.

Un moment séduit, écrit Fontenay, grand admirateur de Bastiat, par les utopies de Rousseau et de Mably, il s’était rejeté avec dégoût de ces rêves, vers le dogme absolu de l’autorité si éloquemment prêché alors par les de Maistre et les Bonald.

Quand les deux jeunes gens se rencontrèrent en sortant, l’un de l’École de droit de Toulouse, l’autre des cercles de Bayonne, et qu’on se mit à parler d’opinions et de principes, Bastiat, qui avait déjà entrevu en germe dans les idées d’Adam Smith, de Tracy et de J.-B. Say une solution tout autre du problème humain, arrêtait à chaque pas son ami, lui montrant, par les faits économiques, comment les manifestations libres des intérêts individuels se limitent réciproquement par leur opposition même; comment le mal, au lieu d’être une des tendances positives de la nature humaine, n’est, au fond, qu’un accident de la recherche même du bien; comment enfin la liberté n’est pas seulement le résultat et le but, mais le principe, le moyen, la condition nécessaire de ce grand et incontestable mouvement.

Il étonna d’abord un peu, puis finit par conquérir à ses idées nouvelles son ami, dont l’esprit était juste et le cœur sincèrement passionné pour le vrai. Toutefois, ce ne fut pas sans recevoir lui-même une certaine impression de ces grandes théories de Bonald et de de Maistre. Il y eut sans doute des compromis, des concessions mutuelles, et c’est peut-être à une sorte de pénétration réciproque des deux principes ou des deux tendances qu’il faudrait attribuer le caractère profondément religieux qui se mêle, dans les écrits de Bastiat, à la doctrine du progrès par la liberté.

Il est certain que cette amitié fut féconde pour tous deux. Les amis habitaient fort près l’un de l’autre et se voyaient constamment.

La correspondance de Bastiat et de Cou­dray est pleine de détails intéressants. Coudray, atteint d’une maladie très grave, qui le condamnait à l’isolement, recevait chez lui son ami. Tous les vendredis, il le retenait à l’heure des repas, pour lui assurer, dit Mgr Baunard, a la liberté et l’exemple de l’abstinence prescrite par l’Église.

Cette communauté de sentiments et d’idées avait engendré une sorte de collaboration permanente. Toutes les théories que Bastiat développa plus tard dans ses livres furent ébauchées et parfois même définitivement fixées dans les longues conversations avec Coudray. Ce fut à ce point que Bastiat, adressant plus tard le premier volume des Harmonies à son ami, lui écrivait : « Je ne te dédie pas cet ouvrage, il est autant le tien que le mien. »

L’amitié de Félix Coudray fut ce que Bas­tiat trouva de meilleur dans la vie campagnarde de Mugron, mais, pour son malheur il n’y trouva pas cela seulement. Célibataire et jeune, il eut le tort de se laisser entraîner dans une liaison bizarre et coupable, à laquelle son abandon de la pratique religieuse ne lui permit pas de résister ; il crut un instant trouver un remède en se mariant, et le 7 février 1831, il épousa Mlle Marie Hiard. La vie commune ne dura que quelques mois. La plupart des biographes ont en la charité de ne pas insister sur ses tristes déboires conjugaux. Imitons-les. Aussi bien l’incident malencontreux de son mariage n’a-t-il joué aucun rôle sérieux dans la vie publique de Bastiat.

 

Premiers écrits – voyages

En 183o, au moment où éclata la Révolution, Bastiat l’accueillit avec transport. Il ne se rendait pas un compte bien précis de la nature des événements qui venaient de s’accomplir, mais il suffisait qu’il crût que le nouvel ordre de choses instaurerait un régime de « liberté » pour que sa fougue juvénile de provincial assez mal informé des conséquences probables des mouvements tumultueux de Paris se contentât de ce vague espoir.

Son esprit était déjà mûr, mais son intelligence toujours bouillonnante était encore exposée à bien des crises.

Il n’avait encore rien écrit. Son premier ouvrage fut une brochure politique lancée pour soutenir la candidature d’un certain M. Faurie aux élections de 183o. Ce premier essai contient déjà sur le gouvernement et sur ses attributions naturelles des considérations où se retrouve toute la doctrine libérale.

Cette campagne et le zèle qu’il montrait en faveur du gouvernement lui valurent bientôt une modeste prébende. Il fut nommé juge de paix de Mugron. Il avait même, au dire de M. Frédéric Passy, une manière originale de rendre la justice :

« Tout en taillant quelque morceau de bois ou en battant la mesure avec un couteau d’ivoire, parfois même en couvrant son papier de bonshommes à l’instar des écoliers, il laissait chacun s’expliquer comme il voulait. Puis, quand il avait entendu les parties, il réfléchissait un instant, relevait la tête et prononçait sa petite sentence, sans se mettre beaucoup en peine de l’étayer sur des considérants juridiques. On ne demandait pas en vertu de quel texte il avait prononcé, il avait jugé selon le bon sens et l’équité, et cela suffisait. »

À quelques temps de là, il se présenta an Conseil général des Landes et fut élu.

Mis en goût par ce succès, il se laissa porter à la députation en 1832. A cette occasion, il adressa à ses électeurs un manifeste, véritable profession de foi où l’on trouve tout son credo politique et économique. Il fut battu. Cela ne le contraria d’aucune sorte, n’ayant consenti, disait-il, à se présenter que pour pouvoir répandre dans ses circulaires électorales et distribuer « sous le manteau de sa candidature » quelques vérités utiles.

Il reprit donc tranquillement son existence paisible et ses studieux loisirs.

Au commencement de 1844, il alla faire un voyage en Espagne, où son père lui avait laissé des créances importantes à recouvrer ; il mit à profit ce déplacement pour vérifier, en observant les phénomènes économiques et les délicats problèmes des relations internationales, la justesse de ses théories.

Après avoir séjourné à Madrid, à Séville, à Cadix et à Lisbonne, il se décida à prendre le plus long chemin pour revenir chez lui. Il s’embarqua sur le paquebot de Southampton et s’en alla visiter l’Angleterre. Ce fut là un événement décisif dans sa vie. Il eut en effet l’occasion d’assister, en Angleterre, à des meetings de la Ligue contre les lois-céréales et de faire la connaissance des principaux chefs de cette grande association dont il suivait de loin les travaux avec une sorte de passion.

Sa vocation d’économiste se déclara tout à fait dans ce milieu. Elle se précisa et s’affirma de telle sorte qu’en rentrant à Mugron, Bastiat n’eut qu’une pensée, prendre la parole, enfin faire connaître à la France le mouvement libéral dont la vieille Angleterre était agitée.

L’âme de Bastiat, écrit M. Molinari dans le Journal des Économistes, s’embrasa au souffle de l’esprit de liberté dont la Ligue était devenue le foyer, et il eut honte de n’avoir rien fait jusqu’alors pour une cause qui avait rallié en Angleterre de si nobles intelligences et des cœurs si dévoués. Il se promit de réparer le temps perdu.

A son retour d’Angleterre, il écrivit un article intitulé : « De l’influence des tarifs anglais et français sur l’avenir des deux peuples ». Il l’adressa, à Paris, au Journal des Économistes.

L’article arrivait du fond des Landes sans être appuyé par la moindre recommandation. Naturellement, on le laissa quelque peu languir dans les cartons. Les journaux reçoivent tant d’articles, et quels articles ! Enfin, un beau jour, sur les instances de l’éditeur Guillaumin, le rédacteur en chef du Journal jeta les yeux sur ce travail d’un aspirant économiste. Dès les premières lignes, il reconnut la touche ferme et vigoureuse d’un maître.

L’article parut dans le numéro d’octobre 1844 et il obtint un grand succès. Tout le monde en admira l’argumentation serrée et incisive, le style sobre, élégant et spirituel.

Le Journal des Économistes demanda de nouveaux articles à ce débutant qui venait de se placer d’emblée parmi les maîtres, et plusieurs membres de la Société d’économie politique, notamment MM. Horace Say et Michel Chevalier, lui adressèrent leurs félicitations, en l’engageant à poursuivre avec eux l’œuvre de la propagande de leurs doctrines économiques.

Bastiat ne se fit pas prier, écrit l’un de ses disciples, ardent libre-échangiste (3). Il sentait bourdonner sous son front, comme des abeilles dans une ruche, les pensées que vingt années d’études et de méditations y avaient amassées. Il n’eut qu’à ouvrir la porte à cet essaim pressé de prendre son vol. Il publia d’abord la première série des Sophismes économiques, une série de petits chefs-d’œuvre ! Avec quelle verve pleine d’audace et de malice notre économiste déclarait la guerre à ses ennemis naturels, les protectionnistes, quels bons tours il jouait aux sophistes émérites de la protection, MM. Ferrier et Saint-Chamans ! Comme il s’entendait à casser les œufs de ces corneilles de la protection, avec son bâton de paysan gaulois, ferré et aigu! Quel coup de maître que ce coup d’essai, de notre fin dénicheur de sophismes !

 

Cobden et la Ligue : l’association pour la liberté des échanges

Vers 1838, en Angleterre, un petit nombre d’hommes, peu connus en dehors de leurs relations d’intimité ou d’affaires, s’étaient réunis pour chercher en commun le moyen de renverser le monopole des propriétaires de terres à blé par les voies légales, et pour accomplir, comme l’a dit Bastiat, « sans troubles, sans effusion de sang, par la seule puissance de l’opinion, une révolution aussi profonde, plus profonde peut-être que celle qu’ont opérée nos pères en 1789. »

De cette réunion sortit la Ligue contre les lois sur les blés, contre les corn-laws, contre les lois-céréales, selon l’heureuse expression de Bastiat.

La Ligue, à peine créée, compta bientôt des milliers d’adhérents. Elle n’attendait pas qu’on vint à elle ; elle se portait partout au-devant de ceux dont elle avait pris la cause en mains. Elle entreprit à travers l’Angleterre un long et chaleureux apostolat du principe de la liberté des échanges. Elle organisait sans relâche des meetings dans de grandes salles, en plein vent ou sous des hangars, et partout, pour entendre la voix de ses orateurs, les Cobden, les Bright, les Thompson, se pressaient des milliers d’auditeurs. C’était comme une université mouvante, faisant, sur tous les points du pays l’éducation de ceux qui affluaient à ses leçons, petites gens, industriels, cultivateurs et fermiers, tous ceux dont la Ligue avait pris en main la défense et dont les lois-céréales opprimaient les intérêts.

Dans cette colossale campagne d’agitation, le rôle de Richard Cobden était hors de pair. Il était l’agitateur par excellence. Orateur entraînant et redoutable, il ne connaissait ni fatigue ni défaite. Il avait un don prodigieux pour inventer ces formules saisissantes et concises sans le secours desquelles aucune idée abstraite ne peut pénétrer l’esprit des foules.

Qu’est-ce que le monopole du pain? s’écriait-il. C’est la disette du pain. Vous êtes surpris d’apprendre que la législation de ce pays, à ce sujet, n’a pas d’autre objet que de produire la plus grande disette de pain qui se puisse supporter. Et cependant ce n’est pas autre chose. La législation ne peut atteindre le but qu’elle poursuit que par la disette. Ne nous semble-t-il pas que c’est assez clair? Quelle chose dégoûtante de voir la Chambre des Communes ! je dis dégoûtante ici; ailleurs le mot ne serait pas parlementaire. Mon ami, le capitaine Ber­nal, leur a dit le mot en face, mais, rappelé à l’ordre par le président, il a dû s’excuser et retirer l’expression. Mais allez, comme je l’ai fait, d’abord à la barre de la Chambre des lords et puis à la Chambre des Communes, et vous verrez que le fond de leurs discours c’est : fermage! fermage! fermage! cherté! cherté! cherté! fermage! fermage! fermage !

Ces exhortations passionnées finissaient par enthousiasmer les auditoires. Le publie anglais tout entier suivait avec une émotion fiévreuse la campagne d’agitation de Cobden. Cette bataille économique occupait toute l’Angleterre.

En France, on ne soupçonnait même pas, en dehors d’un petit nombre d’initiés, l’existence de ce vaste mouvement.

Bastiat, lui, voyait avec admiration la marche et les progrès de la Ligue. L’idée de la faire connaître en France et peut-être d’en propager les principes le mordait au cœur vaguement.

Tout en écrivant ses premiers Sophismes, il s’occupait de traduire les principaux discours de Cobden. Il publia sa traduction dans le courant de l’année 1845. Le livre s’ouvrait par une introduction renfermant l’histoire de l’origine et des progrès de la Ligue. Ce fut une révélation.

Le livre sur Cobden et la Ligue obtint un rapide et grand succès. Dans le monde spécial des économistes, il établit, avec un éclat incomparable, la réputation de Bastiat. Neuf mois plus tard, l’auteur était nommé membre correspondant de l’institut, et ses nouveaux collègues lui faisaient l’accueil le plus flatteur.

Ce fut un moment de triomphe : on lui offrait la direction du Journal des Économistes ; on se préoccupait de lui trouver une chaire d’économie politique ; on se serrait, en un mot, autour de cet homme étrange, « qui semblait, dit Fontenay, porter au milieu du groupe un peu hésitant des économistes le feu communicatif de ses hardies convictions. »

Mais, sans se laisser émouvoir de tout le bruit fait autour de son nom, Bastiat retourna à Mugron, et de là à Bordeaux, où, pour compléter par une œuvre pratique l’exposé théorique de ses idées, il entreprit d’organiser sur le modèle de la Ligue anglaise l’ « Association pour la liberté des échanges». Dans le Midi, cette ligue, se donnant le but de procurer aux masses le bienfait de la vie à bon marché, excita d’abord une curiosité favorable, et même sur certains points un enthousiasme réel.

Bientôt le mouvement se propagea dans toute la France. A Paris, un premier noyau se constitua avec le concours de personnalités en vue. Mais, au gré de Bastiat, les progrès étaient trop lents. Il comprit que rien de décisif ne se ferait, tant que lui, le promoteur du mouvement, serait absent. Dans un pays de centralisation comme le nôtre, toute impulsion doit malheureusement partir du centre, sans quoi elle ne peut aboutir. Bastiat se rendit compte de cette évidente nécessité.

Il abandonna donc sa solitude de Mugron pour venir s’établir à Paris.

Mais là il se trouva en face d’obstacles sans nombre : « Je perds tout mon temps, l’association marche à pas de tortue », écrivait-il à son ami Coudray. Et à Cobden : « Je souffre de ma pauvreté ; si, au lieu de courir de l’un à l’autre à pied, crotté jusqu’au dos, pour n’en rencontrer qu’un ou deux par jour et n’obtenir que des réponses évasives ou dilatoires, je pouvais les réunir à ma table, dans un riche salon, que de difficultés seraient levées ! Ah ! ce n’est ni la tête ni le cœur qui me manquent, mais je sens que cette superbe Babylone n’est pas ma place et qu’il faut que je me hâte de rentrer dans la solitude. »

Rien n’était plus original, en effet, que l’extérieur du nouvel agitateur :

Il n’avait pas eu encore le temps de prendre un tailleur et un chapelier parisiens, raconte M. de Molinari; d’ailleurs, il y songeait bien, en vérité! Avec ses longs cheveux et son petit chapeau, son ample redingote et son parapluie de famille, on l’aurait pris volontiers pour un bon paysan en train de visiter les merveilles de la capitale. Mais la physionomie de ce campagnard était malicieuse et spirituelle, son grand œil noir était lumineux, et son front, taillé carrément, portait l’empreinte de la pensée.

Et sans doute, pour un homme qui tombait du fond des Landes sur le pavé de Paris, ce n’était pas une entreprise ordinaire que celle à laquelle il s’était voué. Il fallait voir les journalistes, parler aux ministres, obtenir, des autorisations de s’assembler, faire et refaire des manifestes, composer et décomposer des bureaux, encourager les noms marquants, contenir l’ardeur des recrues plus obscures, quêter des souscriptions, etc.

Mais Bastiat était à tout et partout. Il donnait à la fois des lettres, des articles de polémique et des variétés à trois journaux, sans compter des travaux plus sérieux pour le Journal des Économistes et pour le Libre Échange, qu’il avait depuis peu fondé.

Voyait-il le matin poindre un article protectionniste dans un journal un peu accrédité, aussitôt il prenait la plume, Il faisait feu de tous côtés à la fois, toujours avec la même verve.

La nature lui avait refusé les dons physiques de l’orateur, et c’était une grande tristesse, car il savait combien son action en était diminuée, mais il suppléait à ce défaut à force d’esprit, de conviction et d’à-propos. Un jour, à Marseille, il rencontre Lamartine, et voilà le poète imaginatif qui, entraîné par l’économiste, improvise en faveur de la liberté commerciale un admirable dithyrambe.

Nul ne peut dire ce que fût devenu le mouvement créé et dirigé par Bastiat si la Révolution de 1848 ne l’eût brusquement interrompu.

Depuis lors, l’idée libre-échangiste, après avoir séduit nombre de bons esprits, s’est vue grandement délaissée. Appliqués sous l’Empire, grâce à l’influence de M. Michel, Chevalier et d’autres ex-saint-simoniens, soutenue de toute l’éloquence de M. Roulier, elle est encore admise par d’importants organes de publicité.

II est juste de dire qu’aujourd’hui bien peu de penseurs, comme au temps des Cobden et des Bastiat, prennent le libre-échange pour une vérité d’ordre absolu, devant régner partout et toujours, pour une sorte de dogme.

On reconnaît que libre-échange et protection ont du bon ou du mauvais, suivant les circonstances, dans un ordre tout à fait contingent.

L’Angleterre a généralement eu intérêt à la liberté des échanges.

La France a varié : son agriculture exige la protection ainsi que certaines de nos industries. L’Allemagne, les États-Unis sont franchement protectionnistes.

 

Les sophismes et les pamphlets

La vie publique de Bastiat ne dura pas plus de cinq ans. Mais, dans un si court espace, quelle prodigieuse activité !

Son talent, mûri lentement dans la studieuse retraite de Mugron, une fois produit au grand jour, éclate avec variété et abondance il n’y eut pas pour lui de transition entre l’anonymat et la célébrité : sa science, l’élégance de son style et la causticité incisive de son esprit attiraient sur lui tous les regards : sa personne physique elle-même était un objet de curiosité pour le public.

Sa tournure, dit Mme de Chevreuse, se détachait si pittoresquement parmi celles qui l’entouraient que l’œil ne pouvait s’empêcher de se fixer sur lui. La coupe de ses vêtements, due aux ciseaux d’un artiste de Mugron, s’éloignait absolument des formes ordinaires. Sur ses mains gantées de filoselle noire se jouaient de longues manches blanches ; un col de chemise aux pointes menaçantes enfermait la moitié de son visage, un petit chapeau, de grands cheveux, tout cet ensemble eût paru burlesque, si la physionomie malicieuse du nouveau venu, son regard lumineux et le charme de sa parole, n’avaient fait vite oublier tout le reste.

Chose singulière, cet économiste, voué par métier aux études les plus austères, ce petit campagnard aux allures de paysan endimanché, se métamorphosait, une fois la plume à la main, en un écrivain pétillant d’esprit et d’une bonne humeur courtoise et fine.

On peut difficilement se rendre compte de la nature particulière de ce talent, si on ne le voit pas lui-même à l’œuvre. Analyser ses ouvrages, est insuffisant, surtout pour ces divertissants Sophismes et Pamphlets, dont la plupart sont des chefs d’œuvre de style qu’on ne peut bien faire apprécier qu’en les citant.

S’agit-il par exemple, de montrer que dans l’ordre économique, toute destruction est un mal et que dans les moindres circonstances de la vie il y a les conséquences qu’on voit et celles qu’on ne voit pas, mais qu’il faut aussi calculer ?

Voici comment il s’y prend : grâce à un conte humoristique qu’il intitule

 

La vitre cassée

Avez-vous jamais été témoin de la fureur du bon bourgeois Jacques Bonhomme, quand son fils terrible est parvenu à casser un carreau de vitre ? Si vous avez assisté à ce spectacle, à coup sûr vous aurez aussi constaté que tous les assistants, fussent-ils trente, semblent s’être donné le mot pour offrir au propriétaire infortuné cette consolation uniforme : A quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l’industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers si on ne cassait jamais de vitres ?

Or, il y a dans cette formule de condoléances toute une théorie qu’il est bon de surprendre flagrante delicto, dans ce cas très simple, attendu que c’est exactement la même que celle qui, par malheur, régit la plupart de nos institutions économiques.

À supposer qu’il faille dépenser six francs pour réparer le dommage, si l’on veut dire que l’accident fait arriver six francs à l’industrie vitrière, qu’il encourage dans la mesure de six francs la susdite industrie, je l’accorde, je ne conteste en aucune façon, on raisonne juste. Le vitrier va venir, il fera sa besogne, touchera six francs, se frottera les mains et bénira dans son cœur l’enfant terrible. C’est ce qu’on voit.

Mais si, par voie de déduction, on arrive à conclure, comme, on le fait trop souvent, qu’il est bon qu’on casse les vitres, que cela fait circuler l’argent, qu’il en résulte un encouragement pour l’industrie en général, je suis obligé de m’écrier : halte-là ! Votre théorie s’arrête à ce qu’on voit, elle ne tient pas compte de ce qu’on ne voit pas.

On ne voit pas que, puisque notre bourgeois a dépensé six francs à une chose, il ne pourra plus les dépenser à une autre. On ne voit pas que s’il n’eût pas eu de vitre à remplacer, il eût remplacé, par exemple, ses souliers éculés ou mis un livre de plus dans sa bibliothèque. Bref, il aurait fait de ses six francs un emploi quelconque qu’il ne fera pas.

Faisons donc le compte de l’industrie en général,

La vitre étant cassée, l’industrie vitrière est encouragée dans la mesure de six francs : c’est ce qu’on voit.

Si la vitre n’ait pas été cassée, l’industrie cordonnière (ou toute autre) eût été encouragée dans la mesure de six francs : c’est ce qu’on ne voit pas.

Et si l’on prenait en considération ce qu’on ne voit pas parce que c’est un fait négatif, aussi bien que ce que ce que l’on voit parce que c’est un fait positif, on comprendrait qu’il n’y a aucun intérêt pour l’industrie en général ou pour l’ensemble du travail national à ce que des vitres se cassent ou ne se cassent pas.

Faisons maintenant le compte de Jacques Bonhomme.

Dans la première hypothèse, celle de la vitre cassée, il dépense six francs, et a, ni plus ni moins que devant, la jouissance d’une vitre.

Dans la seconde, celle où l’accident ne fût pas arrivé, il aurait dépensé six francs en chaussures et aurait eu tout à la fois la jouissance d’une paire de souliers et celle d’une vitre.

Or, comme Jacques Bonhomme fait partie de la société, il faut conclure de là que, considérée dans son ensemble et toute balance faite de ses travaux et de ses jouissances, elle a perdu la valeur de la vitre cassée. Par où, en généralisant, nous arrivons à cette conclusion inattendue : « La » société perd la valeur des objets inutilement « détruits » , et à cet aphorisme qui fera dresser les cheveux sur la tête des protectionnistes:

« Casser, briser, dissiper, ce n’est pas encourager le travail national », ou plus brièvement : « Destruction n’est pas profit».

Il faut que le lecteur s’attache à bien constater qu’il n’y a pas seulement deux personnages, mais trois dans le petit drame que j’ai soumis à son attention. L’un, Jacques Bonhomme, représente le consommateur, réduit par la destruction à une jouissance au lieu de deux. L’autre, sous la figure du vitrier, nous montre le producteur dont l’accident encourage l’industrie. Le troisième est le cordonnier (ou tout autre industriel) dont le travail est découragé d’autant par la même cause. C’est ce troisième personnage qu’on tient toujours dans l’ombre et qui, personnifiant ce qu’on ne voit pas, est un élément nécessaire du problème. C’est lui qui nous fait comprendre combien il est absurde de voir un profit dans une destruction. C’est lui qui bientôt nous enseignera qu’il n’est pas moins absurde de voir un profit dans une restriction, laquelle n’est après tout qu’une destruction pareille. — Aussi, allez au fond de tous les arguments qu’on fait valoir en sa faveur, vous n’y trouverez que la paraphrase de ce dicton vulgaire : Que deviendraient les vitriers, si l’on ne cassait jamais de vitres? »

Voilà de quelle manière enjouée et originale Bastiat soutenait ses idées économiques.

Son livre célèbre Sophismes et Pamphlets est tout entier composé de cette façon primesautière. Et c’est par cette polémique alerte et vive qu’il arrivait sans effort à ce résultat merveilleux de passionner le public en faveur des théories les plus abstraites du libre échange contre les problèmes non moins ardus de la protection. Il avait un don incomparable pour populariser, sans les abaisser, les discussions les plus hautes, et là où ses adversaires, et même ses amis, suaient et peinaient ; lui, arrivait en se jouant et, tout en contant une anecdote plaisante.

 

Bastiat à l’Assemblée nationale et au Comité des finances

Les vrais économistes sont rarement des hommes de parti. La nature même de leurs études les porte à juger l’arbre politique sur ses fruits.

« Dans ma pensée, disait Bas­tiat, longtemps avant la chute de Louis-Philippe, les institutions que nous possédons et celles que nous pouvons obtenir par les voies légales suffisent, si nous en faisons un usage éclairé, pour porter notre patrie à un haut degré de liberté, de prospérité, de grandeur. »

Après 1848, il se défendait encore « d’aucun engouement » pour la République et se bornait à en demander l’essai loyal.

Ce fut dans cette disposition d’esprit qu’il accepta, aux élections d’avril 1848, le mandat que ses compatriotes des Landes lui confièrent.

Malheureusement, miné dès lors par la terrible maladie de poitrine qui devait l’emporter deux ans plus tard, il fut presque toujours éloigné de la tribune par la faiblesse croissante de ses poumons, mais il n’en participa pas moins activement aux travaux de l’Assemblée. Il s’était fait inscrire au nombre des membres du Comité des finances qui le choisit pour son vice-président.

On sait quel rôle important ce Comité a joué à l’Assemblée constituante.

« Il avait en effet, observe l’économiste Molinari, accepté la mission pénible de préserver les finances des embûches que leur tendaient journellement les socialistes avancés et les socialistes sans le savoir de l’Assemblée. Il défendait la bourse de la France, cette bourse dans laquelle tout le monde voulait puiser et que personne ne songeait à remplir. Bastiat fut un de ceux qui contribuèrent le plus effica­cement à maintenir les bonnes doctrines au sein du Comité. Sa voix était d’autant mieux écoutée et respectée qu’on connaissait toutes ses sympathies pour les souffrances des masses. On savait qu’il était un véritable philanthrope, quoiqu’il repoussât impitoyablement toutes les mesures que suggérait une superficielle ou hypocrite philanthropie. Il ne put sans doute prévenir toutes les fautes qui furent commises ; il ne réussit pas toujours à faire goûter à ses collègues cette vérité si simple « qu’ils ne pouvaient rien donner aux uns, par une loi, sans être obligés de prendre aux autres par une autre loi ». Cependant, de l’aveu de tous, la présence an Comité des finances de ce républicain phénomène, qui s’obstinait à vouloir une république à bon marché, n’en fut pas moins des plus salutaires (4). »

Bastiat prouva par le succès des trop rares discours que l’état de sa santé lui permit de prononcer combien son influence aurait été augmentée s’il avait pu aborder plus souvent la tribune. Le jour où il demanda que les ministres ne pussent être pris au sein de l’Assemblée, il sut faire valoir, à l’appui de sa proposition, des considérations si ingénieuses, déduites d’une manière si convaincante, que la Chambre, en forte majorité hostile au projet, demeura un moment indécise et que la motion aurait probablement été adoptée si les chefs de la majorité n’avaient réussi à détourner l’attention des députés par une diversion habile. Ils demandèrent et obtinrent que le vote fût remis au lendemain. La nuit porta conseil aux représentants « qui sont du bois dont on fait les ministres », observait malicieusement Bastiat, et la proposition fut repoussée.

Aux élections de 1849, Bastiat fut encore nommé. Il prit deux fois seulement la parole à l’Assemblée législative : la première fois sur l’impôt des boissons, la seconde sur les coalitions d’ouvriers.

Il voulait soulager la nation de l’impôt oppressif et onéreux qui pèse sur l’une de ses consommations les plus usuelles, mais il comprenait parfaitement que cela ne pouvait se faire sans réduire sensiblement le budget des dépenses. Aussi proposait-il à l’Assemblée un vaste plan de réformes financières comprenant l’ensemble des services publics. C’était là une besogne beaucoup trop héroïque pour les députés, et la campagne de Bastiat demeura sans résultats.

Dans la discussion relative aux coalitions, comme on disait alors, au droit de grève, comme on dirait aujourd’hui, Bastiat soutint contre la majorité le droit que possèdent les ouvriers de refuser leur travail, soit isolément, soit de concert, et il démontra qu’en les empêchant d’user de ce droit, on intervenait contre eux dans la question du salaire. Inutile de dire que Bastiat, partisan convaincu de la liberté en tout, n’aurait pas admis comme conséquence du droit de grève, les atteintes au droit sacré du travail que l’extension sans contrôle du droit de grève a si dangereusement généralisées. Plus théoricien qu’homme pratique, comme la plupart des novateurs, il ne prévoyait pas que sous prétexte de défendre les intérêts des travailleurs, il réclamait pour eux le don le plus funeste par les abus qui devaient nécessairement se produire.

Du reste, le droit de grève ne fut pas reconnu alors, malgré les efforts de Bastiat qui, dans cette circonstance, unique peut-être, se trouva amené, par la logique même de ses idées, à lier partie avec ses ennemis ordinaires et quotidiens : les socialistes. C’est une preuve de plus à l’appui de ce que nous disions plus haut, que Bastiat, député, n’avait voulu s’inféoder à aucun parti. Il gardait jalousement son indépendance et sur toute question il donnait, non un vote de groupe, mais un vote de conscience.

 

L’apôtre de la liberté. « Économisme » et « Socialisme »

« Bastiat, dit Mgr Baunard, fut le théoricien de la liberté en tout genre. La liberté commerciale, à laquelle son nom est demeuré attaché, n’est que l’une des conquêtes qu’il voulait assurer à la société moderne. » Son libéralisme s’étendait à tout.

Mais les circonstances au milieu desquelles il vécut le déterminèrent à se consacrer surtout à faire admettre la liberté économique, le libre-échange. Cette cause lui était plus chère que la vie même.

« Ami, écrivait-il, si l’on me disait : Tu vas faire prévaloir ton idée aujourd’hui et demain tu mourras dans l’obscurité, j’accepterais tout de suite. »

Et une autre fois, écrivant à Cobden il disait : « Hélas ! cher Monsieur, je pense quelquefois à notre infortuné André Chénier. Quand il fut sur l’échafaud, il se tourna vers le peuple et dit en se frappant le front : « C’est dommage, j’avais quelque chose là. » Et moi aussi il me semble que j’ai quelque chose là. Mais qui me souffle cette pensée ? Est-ce la conscience d’une valeur réelle ? Est-ce la fatuité de l’orgueil ? »

Cette conviction profonde se tournait parfois en mélancolique prière : « J’ai, je le sens, dans ma tête une nouvelle exposition de la science économique. Que le bon Dieu me donne un an de force, et mon passage sur la terre n’aura pas été inutile. »

Cette passion pour la liberté sous toutes ses formes, il trouvait pour l’exprimer des formules saisissantes : « Laissons les hommes travailler, échanger, apprendre, s’associer, agir et réagir les uns sur les autres, puisque aussi bien, d’après les décrets providentiels, il ne peut jaillir de leur spontanéité intelligente, qu’ordre, harmonie, progrès, le bien, le mieux, le mieux encore, le mieux à l’infini. » (5)

Il poussait la rigueur de sa doctrine jusqu’aux conséquences les plus extrêmes.

Comme il revendiquait la liberté économique, la liberté politique, celle des échanges comme celle de l’enseignement, il se prononçait aussi, avec une hardiesse dangereuse, en faveur de la liberté religieuse, Il ne voulait pas plus de douanes doctrinales et religieuses que de douanes commerciales. Il lui arrivait ainsi de sacrifier le droit de la vérité à celui de la liberté. Pratiquement, son idéal était la séparation de l’Église et de l’État. Il est vrai qu’il ne la voulait pas violente et spoliatrice comme la rêvent les sectaires ; il la demandait pacifique, équitable, opportune. Mais ces erreurs ne desséchaient point dans son cœur « les racines profondes de la foi », comme il aimait à le dire bien haut. C’était par logique dans l’application de ses thèses économiques, par une déduction rigoureuse des prin­cipes erronés de l’école libérale, qu’il en arrivait à des conséquences semblables.

Du reste, il avait trop de bon sens et de bon goût pour se complaire longtemps dans un domaine aussi périlleux. Ses incursions sur le terrain de la religion sont rares. Il ne traite des questions religieuses qu’à l’occasion des problèmes économiques, terrain de prédilection, où il était vraiment hors de pair, et lorsqu’il en traite, c’est toujours avec respect.

Le socialisme, après avoir dormi longtemps dans le cerveau fumeux de quelques sociologues philosophes, venait de surgir menaçant et formidable des barricades de février. Bastiat se dressa contre cet adversaire nouveau et il le combattit avec la même ardeur et la même verve qu’il avait naguère déployées contre l’ordre de choses ancien au moment de la publication de son livre sur Cobden et de la constitution de la « Ligue française pour la liberté des échanges ».

Il eut d’abord à combattre Louis Blanc. Dans les premiers jours de la Révolution, il apporta son concours à une feuille qui venait de surgir au lendemain même du combat : la République française. Il publia dans les premiers numéros de ce journal plusieurs articles remarquables par lesquels il réfutait victorieusement les erreurs du principal chef socialiste.

Mais la polémique la plus retentissante fut celle qu’il engagea contre Proudhon.

Vers la fin de 1849, Proudhon, par l’habileté de ses arguments et le charme de son style, avait réussi à populariser le sophisme de la gratuité du crédit et à en faire une des armes les plus redoutables du socialisme. Dans son pamphlet intitulé Capital et rente, Bastiat réfuta vigoureusement ce sophisme. Quelques ouvriers socialistes de Lyon, embarrassés par sa réfutation, firent part de leurs perplexités au journal dirigé alors par Proudhon, la Voix du peuple. Un rédacteur de ce journal, M. Chevé, essaya d’abord de lever leurs doutes. Bastiat demanda à répondre dans les colonnes mêmes de la Voix du peuple. Le journal accepta la discussion et inséra la lettre de Bastiat, mais en l’accompagnant d’une note dans laquelle on le prévenait que dans le prochain numéro de la Voix du peuple, Proudhon lui-même continuerait la controverse et se substituerait à M. Chevé.

Exalté, dit M. Molinari, par ses récents succès, Proudhon se chargea d’exterminer en un clin d’œil l’audacieux qui s’aventurait ainsi dans la tanière du lion. Mais jusque-là, Proudhon n’avait eu affaire qu’à des adversaires de son espèce et rien ne lui avait été plus facile que d’opposer à sophisme sophisme et demi. Il était en fonds pour cela Cette fois, il se trouvait en présence d’un homme de science, dont le clair et ferme bon sens repoussait, comme une armure de diamants, ses sophismes les mieux aiguisés et les plus crochus. Vainement épuisa-t-il l’arsenal de sa dialectique contre le champion de l’économie politique, vainement chercha-t-il dans l’histoire, dans la casuistique, dans la philologie et jusque dans la tenue des livres des arguments contre l’intérêt de l’argent, aucun de ses traits ne portait. Bastiat les ramassait un à un avec le sang-froid le plus ironique et le plus désespérant du monde, puis il les brisait en mille pièces. Notre sophiste, suant, soufflant et maugréant, en fut réduit à lui reprocher de les briser toujours de la même manière. Mais les applaudissements de la galerie convainquirent Bastiat que cette manière-là était la bonne, et Proudhon, dépité et confus, se hâta d’abandonner un si rude jouteur.

En effet, après la treizième lettre, Proudhon déclara l’incident clos. Il fit alors de la collection de ces articles un volume sous ce titre : Intérêt et Principal. Bastiat, usant de son droit, publia de son côté la même collection, augmentée d’une quatorzième lettre, et lui donna pour titre : Gratuité du crédit. Le livre ainsi formé est un des plus curieux documents qui se puissent consulter sur l’histoire des doctrines économiques au milieu du siècle dernier. 11 constitue, surtout dans la quatorzième lettre de Bastiat, un réquisitoire brillant, et dont plusieurs parties seraient encore d’actualité contre les principales erreurs que le socialisme continue de propager.

 

Les harmonies économiques

Peu après cette polémique fameuse, Bastiat publiait, au commencement de 185o, le premier volume de ses Harmonies économiques.

C’était l’œuvre de prédilection de sa vie. Il voulait en faire un exposé synthétique des lois naturelles qui président à l’organisation et au développement de la société. « Les Harmonies économiques, nous dit Mgr Baunard, furent écrites durant un congé parlementaire obtenu dans l’été de 1849, à la campagne près Paris, dans une villa de M. Pescatore, au bois de la Celle-Saint-Cloud. Bastiat eût bien voulu que son livre pût être une de ces œuvres de lente incubation que «  le temps aurait consacré parce qu’il l’aurait fait naître. »

Il disait à ce sujet :

« Pour qu’un livre surnage, il doit être à la fois court, clair, précis, empreint de sentiments autant que d’idées. C’est nous dire qu’il ne doit pas contenir un seul mot qui ne soit pesé. Il doit se former goutte à goutte, comme le cristal, et, comme lui encore, dans le silence et l’obscurité. »

En dépit de cet idéal, Bastiat se vit condamné à ne produire qu’une œuvre de hâte, composée d’articles anciens et de pages nouvelles, jointes plutôt que fondues, espèce de travail de siège construit sous le feu de l’ennemi, où l’on jette pêle-mêle tout ce qui tombe sous la main, le bois et la terre, aussi bien que la pierre et le marbre, car la brèche est ouverte et il faut faire vite,

Bastiat, en effet, était pressé de toutes parts. Il était pressé par la brièveté de ses jours, qu’il savait être comptés. Il était pressé par l’aiguillon de sa renommée, qui le sollicitait de répondre à l’idée supérieure que se faisaient de lui non seulement la France, mais l’étranger. Il était pressé par les événements politiques qui se précipitaient. Il était pressé encore par son mandat de député que, ne pouvant remplir par la parole parlée, il désirait remplir par la parole écrite. II était pressé enfin par le besoin de glorifier Dieu à sa manière, qu’il croyait la vraie. »

Son œuvre principale était donc une ouvre en quelque sorte d’improvisation.

Sa conception était grandiose, elle comprenait non seulement l’économie politique, mais encore le droit naturel. Ce qu’il entreprenait d’établir, c’était l’harmonie des lois économiques, c’est-à-dire de leurs tendances vers un but commun, qui est pour lui celui du perfectionnement progressif de la vie humaine. Il poursuivait la preuve que les intérêts individuels et ceux des diverses fractions de l’humanité, considérés dans leur ensemble, loin d’être antagoniques, se servent au contraire mutuellement, et que, loin que le profit de l’une fasse nécessairement le dommage de l’autre, comme tant de gens le pensaient et le disaient, chaque famille, chaque commune, chaque province, chaque nation est intéressée à la prospérité de toutes les autres. Et, en revenant toujours au grand principe de la liberté dont il était le champion passionne, il concluait que pour que ces lois naturelles agissent constamment dans le sens de la perfection et du mieux être, une seule condition était nécessaire : le respect de la liberté et de la propriété de tous et de chacun.

Dans la pensée de l’auteur, les Harmonies économiques devaient avoir un second volume.

Après avoir exposé les harmonies bienfaisantes des lois économiques, Bastiat voulait faire le tableau des perturbations funestes que ces lois ont, de tout temps, subies; il voulait démontrer que les maux qui affligent l’humanité proviennent; non pas des lois de la nature, mais des infractions que los hommes, dans leur ignorance ou dans leur perversité; ont commises à ces lois; il n’eut pas le temps d’achever son œuvre. Le mal implacable dont il était atteint l’en empêcha.

Les Harmonies économiques sont l’expression éloquente et le résumé fidèle des doctrines que Bastiat défendit toute sa vie. « Il semble, dit M. de Foville, que sa conception synthétique des phénomènes sociaux l’ait parfois entraîné au delà des réalités terrestres et qu’il se soit laissé aller à idéaliser, à poétiser les choses, tenant à donner une âme à cette science des intérêts que Lamartine accusait de n’en point avoir. Peut-être aussi Bastiat a-t-il parfois fait trop bon marché des objections devant lesquelles d’autres penseurs s’arrêtent, hésitants, mais c’est que son but, son rôle, sa mission, c’était de faire non seulement comprendre mais aimer la science qu’il aimait, c’était de conquérir, non seulement l’esprit, mais le cœur de ceux qui le liraient. »

 

Caractère religieux de Bastiat. Sa mort à Rome

À la manière de plusieurs écrivains Bastiat a mis en tête de ses Harmonies économiques une dédicace un peu pompeuse, mais touchante. Il s’adresse ainsi à la jeunesse :

« Jeunes gens, dans ces temps où un douloureux scepticisme semble être l’effet et le châtiment de l’anarchie des idées, je m’estimerais heureux si la lecture de ce livre faisait arriver sur nos lèvres, dans l’ordre des idées qu’il agite, ce mot si consolant, ce mot d’une saveur si parfumée, ce mot qui n’est pas seulement un refuge, mais une force, puisqu’on a dit de lui qu’il remue les montagnes, ce mot qui ouvre le Symbole des chrétiens : Je crois! Je crois que celui qui a arrangé le monde matériel n’a pas voulu rester étranger aux arrangements du monde social. Je crois qu’il a su combiner et faire mouvoir harmonieusement des agents libres aussi bien que des molécules inertes. Je crois que sa Providence éclate autant, si ce n’est plus, dans les lois auxquelles il a soumis les intérêts et les volontés que dans celles qu’il a imposées aux pesanteurs et aux vitesses ! »

Cette préoccupation d’un Dieu toujours présent et agissant assiégeait perpétuellement la pensée de Bastiat. Tout le long de sa vie publique, il avait ainsi côtoyé le christianisme et, sans être chrétien par la pratique, il l’était au moins par le cœur, le langage et les sentiments. Mgr Baunard, dans son étude sur Bastiat, a multiplié les témoignages de cet état d’esprit et cela n’est pas chose difficile en parlant des travaux d’un homme qui aimait à répéter : «  Pour moi, je l’avoue, dans mes études économiques, il m’est si souvent arrivé d’aboutir à cette conséquence : Dieu fait bien ce qu’il fait, que lorsque la logique me mène à une conclusion différente, je ne puis m’empêcher de me défier de ma logique. » Ou encore : « Il y a dans ce livre (des Harmonies) une pensée dominante ; elle plane sur toutes les pages, elle vivifie toutes les lignes : cette pensée est celle qui ouvre le Symbole chrétien : Je crois en Dieu! »

Dès la fin de 1848, le sentimentalisme religieux de Bastiat avait fait place à la croyance positive, et, désormais, plus il avança dans la vie, plus il se rapprocha de la religion, jusqu’à l’adhésion complète et touchante de ses derniers jours.

Dès le printemps de 1850, la maladie de poitrine contre laquelle se débattait depuis longtemps Bastiat avait fait de graves progrès. Une station thermale aux Eaux-Bonnes, dans les Pyrénées, ne lui avait pas, comme les stations précédentes, procuré d’amélioration. Son mal s’était même aggravé. L’affection s’était portée au larynx et à la gorge : la voix s’éteignait.

« Au commencement de l’automne, dit M. de Fontenay, les médecins l’envoyèrent en Italie. Au moment où il y arrivait, le bruit prématuré de sa mort s’était répandu et il put lire dans les journaux les phrases banales de regret sur la perte du « grand économiste » et de «  l’illustre écrivain ». Il languit quelque temps encore à Pise, puis à Rome. Ce fut de là qu’il envoya sa dernière lettre au Journal des Économistes (6).

Les 20 et 21 décembre, il se confesse à l’abbé Ducreux. Le 22, il reçut la communion des mains de son cousin Eugène de Monclar. »

Le 24 décembre, jour de sa mort, il rédigea en pleine lucidité son testament. Puis il appela l’abbé de Monclar et M. Paillottet, son ami, et leur dit : « Oh ! que je suis heureux d’avoir maintenant mon esprit aussi tranquille… Si je pouvais dire ce que je sens, si je pouvais parler…     »

« Je cherchai à le calmer, poursuit l’abbé de Montclar; et lui, toujours assis sur son lit : « La vérité, reprit-il, toujours en me serrant la main, je la comprends maintenant (7). » Mais il ne put continuer.

Vers 5 h. 1/4, le médecin et moi restions seuls, quand, tout à coup, par une inspiration soudaine, je prends le crucifix que le pro-curé venait d’apporter avec les Saintes Huiles, en me laissant tous pouvoirs, et j’eus le bonheur de lui administrer l’Extrême Onction. Son esprit resta calme jusqu’à son dernier instant ; il répondit à toutes les prières, s’unit visiblement à toutes nies exhortations, et mourut en approchant, par un dernier effort, ses lèvres pales et décolorées du crucifix que je lui présentais. »

Bastiat avait quarante-neuf ans et six mois. On lui fit à l’église Saint-Louis des Français de pompeuses funérailles. Les journaux et revues dirent ses louanges. Le buste de Bastiat se dresse aujourd’hui sur la place publique de Mugron… »

AUGUSTE CAVALIER.

BIBLIOGRAPHIE

XAVIER FRENEY, Extraits des Économistes. — FERRARA, Esame storico, critico di economisti e dottrine economiche. — HABERT, Précis scolaire d’Économie politique avec l’histoire des principaux économistes. — COURTOIS, Notice sur la vie et les travaux de Frédéric Bastiat. — R. DE FONTENAY, Notice (en tête des œuvres complètes de Frédéric Bastiat.) — Frédéric PASSY, Notice biographique sur F. B. — DE FOVILLE, Petite bibliothèque économique, Œuvres choisies de Bastiat. — Mgr BAUNARD, Revue trimestrielle (janvier et avril 1880).— La foi et ses victoires (t. II). — Léon SAY et CHAILLET, Dictionnaire d’économie politique.— G. DE MOLINARI, Journal des Économistes (février 1852)., — Discours prononcés le 23 avril 1878 à Mugron, à l’inauguration du monument de Bastiat. — P. GARDELLE, Discours de rentrée prononcé devant la Cour d’appel de Pau, le 4 novembre 1879. — Boer, Frédéric Bastiat eene staat huis etc. (Utrecht). — Ch. PÉRIN, Les doctrines économiques depuis un siècle, 1880. — REYBAUD, Économistes contemporains. — LACORDAIRE, Dis­cours. — BASTIAT Œuvres complètes (éd. in-I2, 1865).

Notes :

1.      Cette date est celle des registres de l’état civil. Elle doit donc faire foi contre celles données par plusieurs biographes de Bastiat qui le font naître tantôt le 19 juin, tantôt, comme MR Baunard, le 29 du même mois.

2.      Le plan des études à Sorèze, dit à Dom Victor de Fougeras, prieur de l’abbaye au XVIIIe  siècle, était assez curieux. D’après cette méthode, la division ordinaire des classes n’existait pas. Chaque élève était spécialement poussé vers celles des branches du savoir où le portait son aptitude, selon la diversité et le degré de ses facultés. Ainsi, par exemple, un élève de la classe de troisième pour le latin pouvait être élève de la classe de philosophie pour les mathématiques. Ce système avait l’avantage d’entretenir parmi les élèves une grande émulation.

3.      Molinari, op. cit.

4.      Journal des Économistes, février 3851

5.      Cette doctrine serait vraie si les hommes étaient des anges : tout en eux porterait au bien.

6.      Il en eut été de même pour l’homme sans la chute originelle.

7.      Malheureusement les libéraux dogmatiques, te l’exemple des hérétiques Pélagiens, n’admettent pas cette chute et ses conséquences.

8.      Sur sa controverse avec l’économiste américain Carrey, qui accusait Bastiat de reproduire ses théories.

9.      L’Univers, 17 janvier 1851.

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