Prévisions 2011

Prévoir l’évolution générale de l’économie est possible, mais le timing précis est une autre chose

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Prévisions 2011

Publié le 19 janvier 2011
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Le début d’année est le moment privilégié du petit jeu des prévisions pour l’année à venir, lesquelles se révèlent immanquablement fausses à 40% au moins. Prévoir l’évolution générale de l’économie est possible, mais le timing précis en est une autre. Et prévoir les réactions des états à divers types d’événements plus ou moins disruptifs est totalement hors de portée de l’anonyme moyen qui n’a pas ses entrées aux G8.

Les réactions politiques sont aléatoires

Qui aurait pu être certain que la crise grecque serait suffisante pour faire abandonner à la BCE, en quelques jours, au mépris de tous les traités signés, ses principes fondateurs de non monétisation des dettes ? C’était un scénario que j’envisageais parmi d’autres en 2009, mais je serais particulièrement prétentieux et malhonnête si j’affirmais que « je l’avais bien dit ».

Par conséquent, je ne ferai pas de « prévisions », mais me contenterai de livrer un sentiment général. En espérant que je me trompe et que je sous-estime la capacité du capitalisme à digérer la crise à court terme, comme le dirait le très optimiste Guy Sorman.

A très court terme, « les marchés », c’est à dire des milliers d’êtres humains à l’humeur incertaine et quelques programmes d’ordinateur qui semblent aujourd’hui capable de distordre le champ de perception du réel, sont plutôt optimistes. Comme à chaque début d’année, « ce sera la reprise », nous dit on.

A très court terme, pourquoi pas ? Je laisse aux traders professionnels le soin de nous livrer leurs projections.

Une crise du surendettement et du refus de la faillite

A court et moyen terme, (2011 ? 2012 ? 2013 ? No se…), il m’apparait évident que la direction imprimée à leurs économies par les grands ensembles économiques (USA, EU, Chine) et leurs banques centrales, Ben Bernankeynes en tête, mènera à une rechute sévère.

Pour le comprendre, il n’est pas inutile de se rappeler d’où nous venons.

A la fin des années 90, la bulle immobilière était à peu près inexistante dans la plupart des pays industrialisés, mais à partir de 1997, malgré un taux nominal encore élevé jusqu’en 2001, la masse monétaire de la zone dollar commence à déraper. L’excès d’argent va se loger dans deux bulles spéculatives, l’une sur les actions en général, et les dot com en particulier, l’autre, moins spectaculaire au départ, dans l’immobilier.

Quelques décisions politiques malheureuses prises ça et là, et après l’éclatement de la bulle des dot com, l’immobilier reste le seul secteur donnant aux marchés un signal spéculatif. Comble de malchance, c’est le moment choisi par un mouvement terroriste d’entreprendre une action très spectaculaire le 11 septembre 2001, forçant une sur-réaction de la banque centrale américaine, suivie par les autres, pour d’une part, soi disant, « éviter l’effondrement de l’économie », et d’autre part, permettre à la première puissance militaire mondiale de financer ses déficits de guerre à bon prix.

Alan Greenspan puis Ben Bernanke refuseront de réagir aux premiers signaux de bulle immobilière et sous estimeront le risque de dégradation des bilans bancaires liés à une possible chute des prix immobiliers.

Le résultat est que nous sommes passés d’une économie moyennement endettée (fin des années 90) à une double bulle d’endettement public et privé en formation dans les années 2000.

Economie de bulle

Cette bulle a été alimentée par une politique de taux très bas (« ZIRP », Zero Interest Rate Policies ») entre fin 2001 et début 2005. Comme le notaient les économistes autrichiens dès le début du siècle dernier, ces ZIRP favorisent des montages financiers très spéculatifs, plutôt que des investissements créateurs de valeur sur le long terme : le foreclosuregate montre à quel point toute l’activité bancaire américaine, et par ricochet, mondiale, s’est structurée autour de tels montages qui se sont révélés insuffisamment assurés contre les risques de baisse de l’immobilier. Le résultat : en 2007, les résultats financiers de toutes les grandes banques se dégradent, forçant à la faillite l’une d’entre elle (Bear Stearns) et provoquant un véritable carnage en 2008 (Fannie Mae, Freddie Mac, AIG, Lehman, Merill, IndyMac, Countrywide, Washington Mutual, Wachovia…).

Mais le drame se produit lorsqu’en octobre 2008, les gouvernements choisissent de transférer la dette privée sur la dette publique via des plans de « sauvetage » des banques qui auront surtout servi à acheter très cher un peu de temps. La fausse croyance selon laquelle « un état ne peut pas faire faillite » nous est resservie en boucle à l’époque.

La dette publique a un très grave inconvénient par rapport à la dette privée : elle n’est pas restructurable facilement. Certes, restructurer une dette privée n’est pas simple, surtout lorsque cette restructuration heurte de puissants intérêts financiers. Mais, faute d’avoir su imposer ce type de législation à ce secteur financier devenu omnipotent, les états ne peuvent imposer à ce dernier une « faillite ordonnée » ne faisant pas appel aux contribuables, c’est à dire un programme d’échange de mauvaises créances contre du capital, avec dilution, voire éjection, des actionnaires existants. Eut-elle été retenue que cette option, après une période de désordre que nous avons de toute façon subie entre octobre 2008 et mai 2009, aurait remis en marche l’économie mondiale, en dégonflant rapidement la bulle de mauvaises dettes privées, en obligeant le management des banques à tirer les leçons des erreurs passées, et en maintenant la bulle de dettes publiques à un niveau sinon raisonnable, du moins résorbable dans des conditions raisonnables.

Au lieu de quoi, le parti a été pris de faire racheter ou garantir les dettes privées des grandes banques par les états, sans réellement purger les dettes des ménages et des petites entreprises (qui délevéragent… lentement), ce qui a fait exploser la bulle de dette publique.

Vers une panne d’investissement productif ?

La réaction des économies ne s’est pas faite attendre :

– Chute de l’investissement privé. Les améliorations de résultats des entreprises existantes se sont faites essentiellement par des plans de compression des personnels, l’investissement dans des projets nouveaux n’a pas permis, très loin s’en faut, de réembaucher tous ceux qui ont perdu leur travail.

Effet d’éviction (lié au point précédent) en faveur de la dette publique. Malgré tout, l’augmentation brutale des besoins de financement des états n’a pas pu se faire sans un grand début de monétisation de la dette publique, surtout aux USA, mais aussi en Europe.

– Les dettes publiques financières européennes et américaine, dont les taux semblent promis à une remontée prochaine, sont insoutenables sur le long terme, surtout lorsqu’on y ajoute les risques de faillite des systèmes sociaux, notamment les retraites à prestations définies.

– Or, les misérables chiffres de croissance obtenus sur la période 2008-2011, qui permettront à peine de dépasser les niveaux d’avant crise à monnaie constante, seront très inférieurs à l’emballement des dettes publiques sur la même période. La minicroissance que nous observons et qui est prévue pour 2011 est achetée à crédit, et beaucoup trop cher. Comme une maison pendant la bulle immobilière !

– Pire encore : les classes moyennes sortent lessivées de cette première phase de crise. Or, ce sont chez les classes moyennes d’aujourd’hui que se trouvent les Bill Gates de demain.

– Les injections monétaires perpétrées par B. Bernankeynes ont choisi leur destination : elles provoquent un afflux spéculatif de dollars dans les matières premières, mais les industriels ne peuvent pas répercuter l’intégralité de ces coûts à des classes moyennes exsangues. Les entreprises vont donc subir une contraction de leurs marges obérant leur capacité d’investissement. Mais malgré tout, les prix des produits de première nécessité finiront par répercuter au moins une partie de la hausse générale : nous allons vers une époque de déflation des actifs (l’effet « richesse » va en prendre un coup) mais une inflation de la consommation de première nécessité. La sortie des années « bulle » sera pénible pour beaucoup de ménages, et pas uniquement les plus modestes.

Et donc…

– Vu les niveaux faibles d’investissement « schumpeteriens » observables, et vu que la politique des bas taux risque de continuer à faire privilégier les investissement les plus court-termistes par ceux qui le peuvent, le secteur privé n’est aujourd’hui pas prêt à prendre le relais des états pour créer suffisamment de valeur lorsque ceux ci feront face au mur de l’insoutenabilité de leur refinancement. Qu’ils choisissent le défaut de paiement ou la monétisation à outrance, les états seront de toute façon obligés de passer en mode « survie », limitant leurs dépenses au strict minimum.

Bref, il faut s’attendre à ce que les difficultés croissante de refinancement des états se diffusent d’abord à leurs contractants, et, dans nos économies où public et privé sont très imbriqués, ces co-contractants sont hélas nombreux. Notamment, l’éclatement de la bulle verte subventionnée sera inévitable. Puis les états devront (comme cela se passe dans les états fédérés américains) réduire leur masse salariale, plus ou moins brutalement : licenciements et baisses de salaires seront alors au programme. Ceux qui croient qu’un statut public les protège se bercent d’illusions.

Naturellement, toutes ces entreprises et tous ces ménages endettés auront alors les pires difficultés à faire face à leurs dettes : le secteur financier privé sera à nouveau touché par une vague de difficultés… Mais cette fois-ci, plus d’état pour leur venir en aide.

Quelle sera l’allumette qui, telle la faillite de Lehman Brothers, enflammera à nouveau le cocktail instable de l’économie de la dette ? Bien malin celui qui pourraît le prédire autrement qu’au hasard. De l’Irlande à la Pologne, de Los Angeles à l’Illinois en passant par Bank of America, les symboles prêts à vaciller ne manquent pas.

A long terme

A long terme, je crois que la société civile et l’économie privée seront capables de digérer toutes les imbécillités commises par les états, grâce à la capacité d’innovation que la situation rendra on ne peut plus indispensable, et grâce à la remontée des taux d’intérêt qui limitera le financement de projets aux plus prometteurs sur le long terme. Les gisements de productivité sont toujours aussi prometteurs (exemples, ici,ici,ici). La capacité des entreprises humaines à créer de la valeur ne s’éteindra pas avec les états-providence.

Mais ceci suppose que la vague de désordres découlant des plus ou moins prochaines difficultés que j’anticipe reste « gérable ».

Repris d’Objectif Eco avec l’aimable autorisation de Vincent Benard.

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