Les délices de l’administration

Une lettre de Victor Hugo sur une mésaventure administrative survenue à Barfleur en 1836

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Les délices de l’administration

Publié le 18 décembre 2010
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Au cours de la deuxième moitié des années 1830 Victor Hugo entreprit plusieurs voyages en Province en compagnie de Juliette Drouet. Il contait ses aventures à son épouse Adèle dans sa correspondance, sans jamais mentionner la présence de sa maitresse dans son récit de voyage. Au cours des mois de juin et juillet 1836, il visitera la Bretagne et la Normandie.

Cette lettre datée du 6 juillet 1836 a été écrite à propos d’une mésaventure survenue à Barfleur en Normandie :

« Je ne réponds pas qu’à neuf heures du soir, au moment de partir, sur le port même, vous ne trouverez point en travers de votre fantaisie Jocrisse maire de village, Jocrisse pacha enguirlandé d’un chiffon tricolore qui, nonobstant passeports, visas et autres paperasses officielles, vous prendra, selon le sexe, pour Madame la duchesse de Berry déguisée en homme ou pour Robespierre travesti en femme, et, son gendarme au poing, en présence d’une trentaine de pauvres serfs abrutis qu’il appelle ses administrés, vous interdira, quoi ? Le droit d’aller vous promener.

Vous l’enverrez promener lui-même, sans aucun doute. Mais vous n’en resterez pas moins là, le patron terrifié vous refusera sa barque, le garde champêtre prêtera main-forte au maire, et vous resterez là, vous dis-je, stupéfait et indigné devant la force bête et triomphante, obligé de renoncer à votre droit, à votre plaisir, à votre embarcation si joyeusement soulevée par la houle, aux poissons et aux filets embrasés de phosphore, à cette nuit si belle, au coucher de la lune, au lever du soleil, spectacles si magnifiques en mer, à tout ce que vous aviez rêvé, arrangé et payé, sans autre consolation que de dire à ce visage de maire qu’il est un imbécile. Maigre dédommagement.

Barfleur, de nos jours
Vue du port de Barfleur de nos jours.

Je déclare que j’ai trouvé un endroit de ce genre en Normandie, que cet endroit s’appelle Barfleur et que ce Barfleur est plus près de Constantinople que de Paris. Et que ferez-vous ? Vous plaindre ? A qui ? Aux tribunaux ? Ils vous renverront au conseil d’état. Au conseil d’état ? Il est présidé par un ministre, et tout ministre s’admire respectueusement dans ses préfets, sous-préfets et maires comme dans autant de petits miroirs coquettement disposés qui lui renvoient sa propre image.  A l’opinion ? A la presse ? Aux journaux ? Mais le moment sera-t-il propice à la plainte ? Mais le maire écrira aussi, mais le gendarme écrira aussi, et irez-vous vous colleter dans le carrefour des journaux avec les fautes d’orthographe du gendarme et les fautes de français du maire ? Si vous avez quelque souci de votre propreté littéraire, irez-vous vous blanchir au meunier ou vous noircir au charbonnier ? Ne reculerez-vous pas devant ce style de campagne prêt à vous foudroyer ?

Que faire donc ? Rire. C’est fort bien. Mais ces vexations sont intolérables. Ce maire est un niais, d’accord, mais c’est aussi un insolent tyran. Petit tyran, j’en conviens mais tyran. L’homme est bouffon, mais l’acte est sérieux. Que faire donc ? Rien. Nous sommes tous sujets au gendarme, au douanier, au maire de village, aux tracasseries de police, de passeports et d’octroi. Je sais bien qu’il en est ainsi pour tout le monde et que cela s’appelle l’égalité. Je voudrais bien savoir si cela s’appelle aussi la liberté.

En général, en France, on abandonne trop volontiers la liberté, qui est la réalité, pour courir après l’égalité, qui est la chimère. C’est assez la manie française de lâcher le corps pour l’ombre. Qu’entendez-vous par égalité, je vous prie ? … La nature fait-elle l’égalité comme vous la devez faire ? »

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