Et PISA suffit, à la fin !

La dernière enquête PISA constate encore l’enfoncement de la France.

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Et PISA suffit, à la fin !

Publié le 8 décembre 2010
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Trois ans se sont écoulés depuis la dernière enquête PISA qui avait, soyons honnête, déclenché un petit vent de panique au sein de l’Édulcoration Nationale : des critères objectifs permettaient de mesurer officiellement et internationalement l’ampleur du désastre que s’employait pourtant à cacher toute une armée de pédagogos, pédagolâtres, ministres et secrétaires d’État en charge de peindre la girafe parce que la peigner, c’est has been. Et pan, à peine remis de son émotion, cette armée va de nouveau devoir sortir l’artillerie lourde pour, une fois encore, atténuer le gros bobo que cette enquête va provoquer.

Et avant d’aller plus loin, l’étude est disponible ici (avec les données brutes, ce qui permet de faire les statistiques soi-même quand on n’a que ça à faire), et la synthèse ici (quand on a un vrai travail et peu de temps).

Brutalement, les résultats du « palmarès 2009 », qui a porté sur des élèves de 15 ans dans 65 pays, sont les suivants : Shangaï, la Corée du Sud et la Finlande caracolent en tête. Plus de 7% de leurs élèves atteignent un niveau de compréhension suffisant pour être classés dans l’ « élite », alors que les autres pays ont en général bien de la peine à atteindre 1%.

Et la France, dans tout ça ? Elle se situe dans le ventre mou du classement, au milieu, à la moyenne de l’OCDE, un peu en dessous des États-Unis et de l’Allemagne, coincée entre l’Irlande et le Danemark.

Ce n’est pas, à proprement parler, une catastrophe complète. Il s’agit, tout simplement, d’une bonne grosse médiocrité standard, sans panache, sans tambour ni trompette, parfaitement à l’opposé de la flamboyance rayonnante à laquelle on a droit lorsqu’on entend nos gouvernants parler de ce système social et éducatif que le monde nous envie. Manifestement, non, le monde ne nous l’envie pas des masses ; en réalité, le monde s’en fiche : on a les performances banalement normales d’un pays développé qui roule sur des siècles d’acquis.

C’est d’ailleurs ce que note gentiment Luc Chatel, l’actuel responsable (mais pas coupable) au Ministère de l’Éducation, qui s’empresse de préciser, ses petits poings fermés et le menton en l’air :

«Nous nous situons dans le même peloton que les États-Unis, l’Allemagne, le Danemark et le Royaume-Uni. Je refuse que l’on dénigre le système scolaire français»

Tu as raison, Luc ! Bats-toi ! Résiste, Luc, montre que tu existes, refuse ce monde égoïste, suis ton cœur qui insiste ! Et quand tu l’auras bien suivi, tu prends des photos et tu reviens nous raconter. Nous, pendant ce temps, on va se contenter de regarder vers le haut… Car c’est bien joli de faire la planche, d’être heureux d’avoir encore la tête hors de l’eau et de fixer un point vers l’horizon, quand on lit l’évolution des performances, on se dit que la prochaine vague risque bel et bien d’être la bonne pour la brasse coulée suivie d’une grosse tasse salée.

En effet, avec plus de 20% de son budget à l’instruction, le pays ne s’en sort pas bien : coûteuse et peu efficace, l’Éducation Nationale ne remplit pas franchement son rôle. Ce qui tend d’ailleurs à prouver que le chorus endiablé des syndicalistes sur l’air du « Plus De Moyens, Oh Yeah » n’est définitivement pas le bon. D’autres pays font nettement mieux avec nettement moins. Pire, les résultats montrent ce que tout le monde savait déjà mais ne voulait pas voir (à commencer par Chatel, ses petits poings et ses yeux grands fermés) : les inégalités s’aggravent.

Évidemment, le Parti Officiellement Socialiste impute ces résultats aux méchantes réformes entreprises par la droite sur les dernières années. En réalité, les notes déclinent doucement comme le rythme cardiaque d’un mourant en agonie lente, et ce depuis 2000, ce qui permet d’impliquer les deux types de socialauds.

En outre, les réformichettes épileptiques sur les bricoles colorées entreprises tous les deux ans n’étant absolument pas des remises à plat de fond, on ne peut que conclure à la constance dans l’affaissement général de l’édifice : les uns ont poussé pour qu’il s’enfonce plutôt vers la gauche, les autres, plutôt vers la droite, mais aucun n’a pensé à amener une tripotée de treuils solides pour sortir le mammouth de son lisier.

Car question treuil, il y a de quoi faire, en réalité. L’Hérétique, dans son billet, mentionne un problème soigneusement occulté de l’étude PISA, à savoir celui du niveau plus faible et de la différence culturelle importante des immigrés dans les grands pays accueillant de fortes populations exotiques. Cette raison joue en effet un rôle, bien qu’il soit délicat de savoir précisément l’impact des flux migratoires sur la qualité générale d’enseignement, puisqu’intrinsèquement, les causes de l’échec d’un élève sont multimodales.

Il est en outre délicat d’écarter les problèmes récurrents de méthode : je ne parlerai pas ici de la méthode de lecture, base de l’apprentissage. (Car, eh oui, on continue d’utiliser cette grosse merde chaude de méthode globale pour pourrir le cerveau des gamins confiés à l’Édulcoration Nationale, malgré les dénégations pathético-comiques des ministres qui se sont succédés et ne sont pas parvenus à l’éradiquer.)

En fait, je veux parler plus largement de la façon dont l’enseignement est actuellement pratiqué : la méthode générale d’enseignement, celle qui permet de transmettre un savoir, est largement oubliée au profit de gadget permettant de rendre l’apprentissage plus plaisant, intéressant, sympathique, et kikoolol pour tous les petits Kevins de France.

Il n’y a pas si longtemps, apprendre et s’instruire constituait un réel travail, c’est-à-dire, dans l’acceptation la plus stricte du mot, un effort intellectuel autant que physique : l’élève devait, pour lui-même et les autres, faire un effort pour apprendre, pour ingérer des connaissances. Effort qu’on retrouve d’ailleurs comme valeur essentielle dans les pays qui sont en haut du classement. Et s’il est tout à fait louable que des enseignants s’investissent (il y en a, heureusement) pour atténuer cet effort, ou pour le rendre plus agréable, cela ne doit pas être le modus operandi de l’apprentissage, sa raison d’être.

Supprimer l’effort, c’est enlever la part d’investissement personnel de l’élève et c’est dévaloriser la connaissance ; en multipliant les activités diverses vaguement expérimentales, découvertes amusantes, sorties « pédagogiques », musées, audiovisuel, micro-informatique, poterie, macramé, coupages, collages, activités de groupe (voire « philosophie » en sixième !), on passe très vite du domaine de l’enseignement ou de l’instruction au domaine de l’ « edutainment » rigolo, où tout devient prétexte à des jeux et des farandoles primesautières dont l’impact, en terme de connaissance et de culture, est franchement ténu.

Sans compter que les journées comptent toujours autant d’heures, ce qui en fait d’autant moins pour les dictées (qui n’existent plus), la grammaire, l’orthographe, le calcul (mental et écrit), la géométrie, l’histoire et les savoirs scientifiques de base.

Pire : ces nombreuses activités, interrompant fréquemment le rythme scolaire (une sortie par-ci, une activité ludico-colorée par-là), viennent perturber la nécessaire discipline qui préside à l’instruction. Discipline au demeurant quasi-oubliée : une classe sage, dès le CP, qui écoute au lieu de papoter, de courir, ou de mettre ses doigts dans de gros boudins de pâte-à-modeler en chantonnant, ça n’existe plus. Il devient rare de voir des élèves de collège se mettre en rang pour rentrer en classe, sans bruit.

Or, si tout ceci n’existe plus vraiment en France, c’est encore majoritairement en vigueur dans les pays en haut du classement. Mieux : c’est encore en vigueur en France, dans ces établissements où, justement, on retrouve les meilleurs résultats, ceux qui, précisément, accroissent de fait les inégalités : ils se maintiennent, pendant que les autres sombrent.

La leçon de tout ceci est sans appel, mon pauvre Luc. Et ce ne sont pas tes petits poings fermés et ta résistance qui y changeront quoi que ce soit : en trois ans, rien n’a changé. On peut relire ce que j’en disais à l’époque : le constat est le même, et la conclusion évidente.

Ce pays est foutu.
—-
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  • et un commentaire d’internaute, un : « Seule une véritable mixité sociale dans les établissements pourrait remettre notre système scolaire sur les rails, ainsi qu’une volonté des pouvoirs publics d’investir dans le secteur sans toujours se cacher derrière les impératifs budgétaires. »

    ….

  • « grosse merde chaude de méthode globale pour pourrir le cerveau des gamins confiés à l’Edulcoration Nationale, malgré les dénégations pathético-comiques des ministres qui se sont succédés et ne sont pas parvenus à l’éradiquer. »

    +1, même si je le dirais en termes plus policés. Il s’agit en fait de la méthode semi-globale.

    La méthode dite « semi globale » est employée parce qu’elle permet d’apprendre à lire rapidement à un fils d’enseignant qui sait pratiquement déjà lire et entend tous les jours parler français.

    La méthode synthétique, par opposition, c’est des trimestres entiers à anonner un b-a ba. C’est très ennuyeux mais quasi imparable, surtout auprès de tous ceux qui n’entendent que des langues étrangères chez eux.

    La méthode semi-globale fait bien plus de ravage, que les coupes budgétaires dont nous rebattent les oreilles les syndicats, et ce tout au long du cursus scolaire.

  • attention ceci dit aux conclusions rapides: le budget de l’EdNat concerne toute l’éducation, universités et écoles comprises. L’étude PISA se concentre, elle, sur les gamins de 15 ans.

    La surfocalisation sur les activités ludiques me semble également étrange. Même s’il est évident que leur trop grande utilisation (je n’en sais rien, il y a des chiffres ?) peut nuire, il me semble bien simpliste de cibler cela comme le principal problème.

    On ferait mieux d’essayer de faire des comparaisons plan par plan avec les systèmes des pays de tête pour voir les différences majeures, ce serait certainement instructif (depuis le temps qu’on est censés le faire…)

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