Sophisme irlandais

Politiques monétaires inappropriées et mesures interventionnistes irresponsables expliquent la débandade irlandaise

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Sophisme irlandais

Publié le 3 décembre 2010
- A +

Le Journal de Montréal, p. 27, Nathalie Elgrably-Lévy, 2 décembre 2010

Paul n’a jamais fumé. Paul est mort. Donc, ne pas fumer tue. Ceux qui étaient attentifs pendant leurs cours de philosophie reconnaîtront qu’il s’agit là d’un sophisme, un argument apparemment logique, mais fondamentalement incorrect.

Les problèmes économiques actuels de l’Irlande ont d’ailleurs donné lieu au superbe sophisme suivant : l’Irlande a adopté des réformes laissant plus de place au libre marché ; l’Irlande traverse aujourd’hui une grave crise ; le libre marché a donc causé la crise. Si les deux premières prémisses sont exactes, la troisième n’en est pas moins fausse. D’ailleurs, comment des mesures conçues pour encourager le travail, l’investissement, l’innovation et l’entrepreneuriat pourraient-elles bien provoquer l’effondrement de l’économie ? Retour sur les faits. En 1985, l’Irlande était le 2e pays le plus pauvre d’Europe avec un taux de chômage de 20%, une croissance économique anémique, des déficits supérieurs à 10% du PIB et une dette publique qui atteignait 111% du PIB ! Ce pays adopta alors des mesures favorisant la liberté économique : réduction de la taille de l’État et des dépenses gouvernementales et allégement du fardeau fiscal des particuliers et des entreprises. L’impôt sur les bénéfices des sociétés, de l’ordre de 32% en 1987, n’est plus que de 12,5% de-puis 1998. En 2005, l’Irlande est métamorphosée : c’est le deuxième pays le plus riche d’Europe, son déficit est résorbé, sa dette publique a fondu et son taux de chômage est tombé à 4,5%. L’Irlande est alors le théâtre d’un miracle économique, à l’instar des «dragons d’Asie» (Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour) qui avaient enregistré des résultats spectaculaires après avoir eux aussi fait confiance au libre marché.

Mais aujourd’hui, le pays que l’on surnommait le « tigre celtique » il n’y a pas si longtemps n’est plus qu’un frêle petit chaton. Qu’a-t-il bien pu lui arriver ?

Lorsque l’Irlande connaissait une croissance exceptionnelle, une hausse des taux d’intérêt s’imposait. Mais comme elle avait adopté l’euro, elle était tributaire des décisions de la Banque centrale européenne (BCE), et était obligée de composer avec des taux d’intérêt maintenus très bas en raison de la faiblesse des économies française et allemande. C’est alors que le crédit facile combiné à la vitalité de l’économie provoqua la formation d’une bulle immobilière, laquelle incita les banques à prêter en fonction de la valeur future des propriétés et non en fonction de la solvabilité du client. Ces prêts irresponsables n’auraient eu de conséquences que pour les banques fautives si l’État irlandais n’avait pas eu la mauvaise idée de les garantir. Comme toutes les bulles, la bulle immobilière celtique a fatalement éclaté. Le gouvernement s’est alors trouvé dans l’obligation de respecter ses engagements, ce qui lui occasionne maintenant un déficit abyssal et le contraint à consentir des sacrifices.

Quel rôle le libre marché a-t-il donc joué ? En réalité, une politique monétaire étatiste décidée à Francfort de façon centralisée pour seize pays, tout comme le fait que le gouvernement garantisse des prêts, c’est l’antithèse du libre marché ! J’ai souvent vanté les mérites des réformes libérales irlandaises. Aujourd’hui, je persiste et signe sans hésiter. Ce sont ces réformes qui ont sorti le pays de la misère, mais ce sont les politiques monétaires inappropriées et les mesures interventionnistes irresponsables, irréfléchies et nocives qui expliquent sa débandade économique. Quant à ceux qui ricanent en affirmant que le cas de l’Irlande est la preuve de l’échec du libre marché, ils feraient bien de rire moins et de s’informer davantage. Un sophisme est si vite arrivé !

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Les mêmes disaient hier que le libre marché n'était pour rien dans la croissance Irlandaise, puisque sa croissance était due bien évidement aux subventions européistes..

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
6
Sauvegarder cet article

Depuis plusieurs dizaines d’années, les analyses convergent sur la continuité de la croissance chinoise et la projection d’un premier rang économique mondial. Mais les bambous ne montent pas jusqu’au ciel. Un certain nombre de signaux négatifs apparaissent dans l’économie chinoise. Sont-ils conjoncturels ou plutôt structurels ? Le ralentissement économique, la démographie, la dette des entreprises, ne seront pas passagers. Le retournement de l’économie chinoise commence sous nos yeux.

Quand on vit des dizaines d’années de forte croissa... Poursuivre la lecture

Un article de Anthony P. Mueller. 

La politique sous toutes ses formes, en particulier celle des partis politiques, est l'ennemi juré de la liberté, de la prospérité et de la paix. Pourtant, où que l'on regarde, le renforcement du gouvernement est invoqué comme la solution.

Rares sont les voix qui affirment qu'une autre voie est possible. Peu d'entre elles s'expriment en faveur de l'anarchocapitalisme et d'un ordre social libertarien.

Il est assez courant aujourd'hui d'annoncer avec assurance le verdict selon lequel l'anarch... Poursuivre la lecture

Alors que la France est aujourd’hui confrontée à des tensions sociales et ethniques d'une ampleur inédite dans son histoire contemporaine, la principale réponse politique consiste à réclamer un renforcement du rôle de l'État. Cet automatisme étatiste est pourtant ce qui a conduit le pays dans son impasse actuelle.

 

Depuis la fin des années 1960, l’État a construit un arsenal sans précédent de politiques sociales censées corriger les inégalités et prévenir les conflits supposément inhérents à la société française. Las, non ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles