Choisis ton laogai, camarade !

Le volet « Education » du PS fait furieusement penser à un retour 30 ans en arrière : pédagos à gogo.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Eleve en salle de classe (Crédits BiblioArchives - LibraryArchives, licence Creative Commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Choisis ton laogai, camarade !

Publié le 19 octobre 2010
- A +

Étonnante synchronicité des événements : alors que les lycéens, en parfaite application de tout ce qu’on a pu leur apprendre en classe, se dégourdissent les jambes en organisant des classes vertes, des visites Découvertes & Tradition, et des explorations citadines festives, le Parti Officiellement Socialiste nous propose sa vision de ce que devrait être l’Education Nationale pour la prochaine collection automne-hiver. Le résultat est détaillé dans Le Monde qui le présente comme une rupture. A bien lire, on y voit surtout une rature…

Il sera bien difficile, dans une période aussi agitée que celle que nous vivons actuellement, d’entendre les propositions du Parti pour l’éducation : avec le barouf que font les jeunes de plus en plus déçus, les gros borborygmes assez difficilement déchiffrables des organisations syndicales, les ondes sont saturées de sons variés et le ratio signal / bruit est de plus en plus mauvais.

Quelque part, c’est dommage puisque ces propositions socialistes ont un potentiel comique assez prononcé, à commencer par l’utilisation judicieuse de Bruno Julliard pour les présenter. Pour ceux qui l’auraient oublié, notre ami Bruno est un des rares à avoir su tirer son épingle du jeu suite aux troubles du CPE : ayant réussi – avec brio – à éviter toute forme de travail dans le monde réel, il est ainsi passé directement du non-travail estudiantin après un parcours brillant comme non-lycéen gréviste, à un poste de politicien dans lequel il suit méticuleusement la tendance globale à toucher une indemnité en minimisant le nombre de calories brûlées, économies d’énergie oblige.

Et notre homme était donc tout approprié pour présenter les idées du Parti en matière d’éducation. Je dis « idée », mais j’aurais pu parler « théorie », « concept », « opinion ». Comme on va le voir, les socialistes ont quitté depuis très longtemps le sol ferme de la réalité pour voyager, le sourire aux lèvres, dans les espaces interstellaires, et Bruno joue ici le capitaine d’une Croisière qui s’amuse d’autant plus que c’est avec vos sous.

Bruno Julliard

Ces idées se résument en trois gros … blocs :

  • L’école primaire, avec Plus De Moyens pour prévenir l’échec lourd.
  • Les établissements difficiles, avec Plus De Moyens mais répartis différemment, pour éviter un léger échec, je suppose.
  • La transformation du métier d’enseignant, ce qui demandera Des Moyens, on peut s’en douter, et qui évitera (même si ce n’est que supposé), un échec moyen.

Je sais, dit comme ça « échec léger », « échec moyen » et « échec lourd », cela fait un peu Bouton D’Or à l’EdNat, mais je n’y peux rien, ce n’est pas moi qui ait écrit ces propositions.

Bref. Si l’on épluche les mesures phares proposées, on trouve ceci :

Cinq jours d’école.

Ah tiens, à lire le sous-titre, on se dit que cette idée ressemble vaguement à un truc puisqu’il s’agit de raccourcir les vacances d’été. On trouve aussi du temps de loisir culturel, puisque l’école doit, depuis quelques décennies, faire du culturel, mais bon. La question demeure cependant : le parti socialiste compte-t-il réellement faire passer une diminution notable des vacances auprès de ses adhérents dont l’écrasante majorité sont … des enseignants ? Dès ce point, un doute s’immisce : et si le programme n’était pas exactement destiné aux enseignants, mais plutôt aux syndicats ? La suite lève le doute : les pédagogos sont de retour.

Un collège sans redoublement.

Puisque l’échec doit être évité, faisons réussir tout le monde ! Simple, il suffisait d’y penser : on proposera donc des enseignements transversaux ; on retracera ainsi dans la langue de Shakespeare l’évolution de la biologie et de la chimie dans l’histoire de France, ou on effectuera des statistiques et des calculs arithmétiques simples sur les occurrences de fautes dans les dictées en Français, je suppose : ceci sera effectivement très enrichissant. On apprendra de haut en bas, de gauche à droite et surtout de travers : voilà qui est malin.

Pour aider à la roue de ces nouveaux enseignements de travers transversaux, on va créer de « nouveaux métiers » : le texte précise ainsi que les socialistes proposent « la participation d’enseignants du primaire au collège et réciproquement dans le cadre de projets communs« . Pas con : continuer à apprendre à lire jusqu’au collège va effectivement devenir une nécessité. L’instituteur marquera les petites têtes blondes à la culotte du CP jusqu’en 3ème. On frémit à la logistique à mettre en place et à l’intendance qui, dit-on, suivra.

Des revalorisations ! Du pognon ! Des petits, des grands, mais surtout : Des Moyens !
Eh oui : c’est l’huile qui fait glisser les petits rouages les uns contre les autres sans accrocs ! On arrose abondamment les enseignants d’argent, et hop, c’est reparti comme en 40 (1840) et avec des méthodes modernes : deux matières au lieu d’une. Mathématique + Musique, ou Français + Physique : vraiment, on pousse la transversalité à fond. L’argent proviendra bien sûr des douze Epson Stylus Color que Aubry et Royal ont commandé.

Une Seconde Chance
Voire une troisième, une quatrième et une cinquième : l’élève, rebaptisé pour le coup « sortant » (on dirait une de ces petites billes noires laissées par les lapins après leur digestion), devra partir avec un « compte formation individuel à deux étages ». Cette formule fait immédiatement penser à une fusée : c’est voulu. Le tout, et c’est là que l’exercice prend toute sa saveur, est de savoir où la placer : l’historique des succès en matière d’éducation de nos socialistes de droite ou de gauche laisse sceptique… Bref : la fusée, on sent que certains vont l’avoir dans le QMais je m’égare.

Des établissements plus autonomes astreints à plus de mixité.
Astreindre l’enseignement privé à des contraintes.
Le terme « astreint » est ici parfaitement choisi. Nous allons vous faire aimer la différence, par la force, parce que, mine de rien, c’est ce qui marche le mieux. Et nous vérifierons tout ceci avec de jolis graphiques, des camemberts colorés et de beaux tableaux numérique sous Excel : « Il faut dépasser la logique strictement territoriale et introduire des critères sociaux et scolaire dans le nouveau dispositif de sectorisation, notamment en créant un indice de mixité sociale »

Eh oui : on va enfin rendre un aspect plus mécanique, plus froid, plus calculé et plus millimétré à toute cette école dans laquelle il y avait déjà trop d’humain, trop de choix, trop de liberté ! On va vous préparer l’esprit, mes chères têtes blondes, et en une douzaine d’années de programmes de travers transversaux, de méthodes globales et d’apprentissages en diagonale, on fera de vous de bons petits résistants à l’hydre fasciste de l’extrême-droite ! On vous abonnera à Alternative Economique de force, on vous expliquera qu’aller « manifester », c’est nécessaire pour pécho grave exprimer votre haine de ce monde individualiste entièrement tourné vers le fric, puis on vous donnera un petit bout de papier sans valeur commerciale marqué diplôme, avec lequel vous pourrez pointer chez Paul Employ pour toucher d’autres petits bouts de papiers sans valeur commerciale marqués « euros ».

Cela promet : si Mao avait eu Powerpoint et Excel à son époque, le communisme dominerait le monde !
—-
Sur le web

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • lol g bocou rie, mem si j'ai pas tous comprit ! mais il faux pas trot prendre c'est choze a la légére car ses notre avenir qui ai en geu !

    • li po t’es un troll! C’est pas possible t’as sauté la case école! Même en sms on fait moins de fautes.

  • Merci d’écrie c’est moi qui ai (et non qui ait) car je/moi est le sujet du verbe

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

Mardi 5 décembre 2023, communiquant sur les résultats des élèves français à l’enquête internationale PISA, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a proposé de réviser les programmes de primaire pour y adopter progress... Poursuivre la lecture

L’Éducation nationale se trompe d’objectif en favorisant la mixité sociale et la réduction des inégalités plutôt que le niveau de connaissances. En effet, la dégradation du niveau général est nuisible à tout le monde et réduit l’égalité des chances en nivelant par le bas.

Depuis la publication en avril de mon article « L’éducation nationale se trompe d’objectif », sont arrivés les résultats de la dernière enquête PISA, qui confirme la catastrophe, et le plan Attal qui tente d’y pallier.

Ce plan vient tout juste d’être annoncé, on ... Poursuivre la lecture

Si j’étais ministre de l’Éducation nationale, de surcroît un jeune ministre pouvant aspirer à devenir, un jour, président de la République, je déclarerais vouloir supprimer le ministère de l’Éducation nationale dans sa forme actuelle, et vouloir lui substituer une autre organisation qui relève le niveau des élèves français dans les comparaisons internationales, mais surtout qui permette de réduire de manière drastique les inégalités sociales en matière d’éducation. La légitimité d’une telle décision est affichée au fronton de nos bâtiments publi... Poursuivre la lecture
Voir plus d'articles